Le Larzac est synonyme pour ceux de ma génération (ceux nés dans les années 1980) d'un mythe, d'une lutte acharnée de paysans dont on ne perçoit plus vraiment les tenants et les aboutissants. Après avoir retracé le combat des salariés des Lip, là aussi dans les années 70, Christian Rouaud revient sur les événements qui ont marqué le territoire aveyronnais.
En mêlant images d'archive, magnifiques panoramas de la campagne du Larzac et témoignages des acteurs du mouvement, Christain Rouaud signe un documentaire éclairant et enthousiasmant. Eclairant, car il parvient à donner les clés de ce combat, de la décision de Michel Debré d'agrandir le camp militaire du Larzac à l'abandon du projet suite à l'élection de Mitterrand. Soit une lutte de 13 ans ! On suit toutes les étapes, les premières manifestations en tracteur à Millau, Rodez ou Paris, les soutiens venus de la France entière ou la rédaction du journal qui est encore envoyé aujourd'hui à quelques abonnés.
Quelques moments frappants marquent le film. L'un d'entre eux est la venue de Mitterrand sur le plateau lors d'un des grands rassemblements. Le futur Président de la République manque de se faire lyncher, en partie à cause de trouble-fêtes venus casser le mouvement. Un autre moment fort est celui de la marche vers Paris, et le récit émouvant de ceux qui ont vécu cette arrivée dans la capitale, avec les bâtons et les pieds qui frappent le pavé.
On suit aussi la solidarité de ces paysans, traditionnellement à droite, conservateurs catholiques, avouant n'avoir rien compris à Mai 68 et aux actions de ces hippies chevelus. Ils changent d'avis lorsqu'ils réalisent que ceux en qui ils faisaient confiance les laissent tomber. Cette solidarité s'exprime entre eux (très beaux témoignages de tous les acteurs), mais aussi avec ceux qui arrivent pour les soutenir : les maoïstes, les pacifistes, les objecteurs de conscience, certains venant s'implanter sur le plateau. Un magnifique documentaire sur un mouvement long, fort, intense, dont on ne connaît pas encore toutes les clés (qui a posé la bombe qui a manqué tuer toute une famille ?) mais qui confirme l'idée qu'il n'y a que la lutte, intelligente, pas forcément violente, qui peut faire reculer les projets les plus idiots.