En ce mois de mars encore très froid, il a fait bon se réfugier dans les salles de cinéma. Voici donc un petit aperçu des pellicules (terme un peu anachronique, il est vrai) vues ce dernier mois, avec une variation autour des contes, un deuil avec des islandais, un avion en rotation au dessus de l'Espagne. Trois films plaisants, agréables à la vision, mais auxquels il manque une pointe de je ne sais quoi pour en faire des films marquants.
Agnès Jaoui revient derrière la caméra avec Au bout du conte, film autour du mythe de l'amour éternel et partagé, agrémenté de références multiples et plus ou moins explicites aux contes qui marquent l'imaginaire collectif. Marianne (Agnès Jaoui) a du mal à organiser sa vie : son ex-mari a la garde des enfants, elle n'ose pas utiliser sa voiture et ses cours avec le moniteur d'auto-école (Jean-Pierre Bacri) ne la rassurent pas totalement. Régulièrement, elle héberge sa nièce Laure (Agathe Bonitzer, qui confirme tout son talent). Cette dernière est éprise d'un jeune musicien, Sandro (Arthur Dupont, fils de Jean-Pierre Bacri), qui sera détrôné par un célèbre critique musical (Benjamin Biolay dans un rôle très réussi).
L'intrigue du film est assez morcelée, comme souvent dans les films scénarisés par Bacri-Jaoui : de nombreux personnages apparaissent dans l'intrigue, qui prend des directions multiples et diverses. Ainsi, on passe d'une histoire d'industriel pollueur à celle d'un spectacle pour enfant, et on s'échappe dans les bois ou dans les studios de répétition d'un ensemble de musique contemporaine. Du coup, on perd parfois un peu le fil, mais l'ensemble reste assez réjouissant. Le casting est plaisant, avec notamment les seconds rôles de Dominique Valadié et de Didier Sandre. Quelques scènes sont très drôles (dans la voiture d'auto-école) mais il est vrai que l'ensemble manque peut-être un peu de profondeur.
Queen of Montreuil, de Solveig Anspach, est un film assez déluré. La réalisatrice franco-islandaise reprend le personnage d'Anna, déjà aperçu dans Back soon (autre film déluré de la réalisatrice autour d'une dealeuse à Reykjavik). Ici, Anna se retrouve avec son fils à Paris, et ils ne savent pas où loger. Ils trouvent refuge à Montreuil, chez Agathe, croisée à l'aéroport avec l'urne funéraire de son mari dans les bras. Le film est une déambulation dans les rues de Montreuil et l'appartement d'Agathe devient le refuge des islandais et d'une otarie abandonnée et découverte par hasard dans le zoo de Vincennes. Le film donne lieu à de jolies scènes, notamment celles sur la grue de chantier entre Anna (Didda Jonsdottir) et le conducteur (Samir Guesmi) qui discutent de la qualité du cannabis local. Florence Loiret-Caille, qui joue Agathe, pavient à rendre de façon assez intéressante à la fois la tristesse liée au deuil de son mari, et l'aspect rêveur et hésitant de son personnage, parfois déroutaé comme lorsque la maitresse de son mari défunt débarque chez elle. Un film là encore assez plaisant, un peu plus touchant que le précedent.
Pedro Almodovar signe lui aussi un film décalé, beaucoup plus déjanté encore, avec Les amants passagers. L'intrigue est assez simple :
un avion est contraint de se poser d'urgence mais ne parvient pas à trouver une piste d'atterissage. Il est donc contraint de tourner au-dessus de l'Espagne. Les passagers de seconde classe
sont endormis (certainement une métaphore du peuple qu'on essaie de tenir à l'écart des problèmes importants), et ceux de la première essaient de surmonter leur peur de la mort. On y trouve une
femme aux pouvoirs médiumniques, un jeune couple en voyage de noces, une ancienne actrice, un tueur à gages ou un homme d'affaires responsable d'une banque qui fuit le pays qu'il a mené à la
ruine. Avec l'aide du personnel de bord (qui donne véritablement de sa personne pour distraire les passagers, avec une chorégraphie très imaginative), chacun se tourne vers ce qui lui fait du
bien. Et le sexe devient le sujet de discussion le plus partagé.
La thèse du film est peut-être un peu simpliste, certaines scènes sont un peu trop appuyées, d'autres sont très réussies (dommage qu'Almodovar n'ait donné plus de place aux chansons et aux
danses). La scène finale, dans cet aéroport abandonné, symbole de la crise espagnole, est également une bonne idée. J'ai passé un moment agréable au cinéma, mais le film est un poil bancal et
inégal.
Au bout du conte d'Agnès Jaoui
Sortie le 6 mars 2013
Queen of Montreuil de Solveig Anspach
Sortie le 20 mars 2013
Les amants passagers de Pedro Almodovar
Sortie le 27 mars 2013