François Vallejo fait partie des rares auteurs dont j'attends chaque roman avec une grande impatience. Impatience car j'ai lu presque tous ses ouvrages et suis content
d'en découvrir de nouveaux. Impatient aussi car on ne sait jamais dans quel univers il nous emmène. Métamorphoses ne déroge pas à la règle : François Vallejo aborde un thème contemporain
et politique : le terrorisme.
Jusqu'à présent, François Vallejo ne s'était pas aventuré dans le traitement de sujets aussi polémiques. C'est donc la grande nouveauté
du roman. Ce dernier met en scène Alix Thézé, une jeune femme restauratrice de fresques romanes. Elle a des relations distantes avec ses parents, voyagistes happés par leur travail. Elle est plus
proche de son demi-frère, son "demi" comme elle l'appelle, Alban. Mais cela fait quelques temps qu'elle n'a pas eu de nouvelles de lui.
C'est par un ami commun qu'elle apprend sa conversion à l'islam. Si elle est immédiatement décontenancée, l'inquiétude prend le dessus
quand elle apprend qu'il fréquente une mosquée radicale et qu'il a abandonné son nom français, Alban Joseph, pour Abdelkrim Youssef. C'est le point de départ d'une quête pour Alix, qui cherche à
renouer avec son frère pour comprendre son parcours. Elle réussit à s'introduire dans son appartement, elle le revoit de temps en temps, mais tout cela ne met pas fin à son angoisse.
De ce point de départ, François Vallejo signe un ouvrage dans lequel l'urgence est constamment palpable. Que ce soit par les faits et
gestes d'Alix, paniquée, ou par le biais de l'écriture, sèche, rapide, concise, le lecteur est pris dans le tourbillon qui emporte la jeune femme. C'est une des forces des romans de François
Vallejo d'arriver à faire en sorte que la forme soit proche du fond. Et c'est une nouvelle fois une réussite. Ceci est également vrai car François Vallejo mêle les styles de narration. Outre
l'introduction classique des dialogues dans le texte, il ajoute ici un journal intime qui tient un rôle de premier plan dans l'intrigue et qui ajoute au vertige de la lecture.
Mais François Vallejo ne se contente pas de décrire la réaction presque irrationnelle de cette jeune fille. Il signe également (et
c'est une nouveauté vraiment surprenante) une œuvre politique et presque philosophique. Car en intégrant, en milieu de l'ouvrage, l'arrivée des services de renseignement, il donne une nouvelle
tournure à l'ouvrage. D'autant plus qu'en plaçant son ouvrage du point de vue d'Alix, il ne décrit jamais ce que fait Alban/Abdelkrim, et laisse place aux fantasmes : a-t-il tué cet homme au
Pakistan, comme il s'en vante ? qu'a-t-il fait pendant les trois jours où il a quitté le camp de vacances au Kenya ?
Fondamentalement, François Vallejo pose une question essentielle aujourd'hui : jusqu'où peut-on aller pour combattre le terrorisme ?
Peut-on condamner uniquement des intentions ? Réflexion d'autant plus forte qu'au fil de la lecture, on découvre que les faits ne sont pas manichéens et que Alban/Abdelkrim, qui a certainement
cru à la sincérité de sa conversion, n'a peut-être pas tout maitrisé. Métamorphoses est un ouvrage qui peut-être déroutant mais qui se révèle, au fil de la lecture, un tourbillon qui
permet de dévoiler, peu à peu, les visages des protagonistes et les enjeux du récit. C'est une nouvelle fois une belle réussite.
Autres romans de François Vallejo : Groom, Ouest, L'incendie du Chiado, Vacarme dans la salle de bal, Madame Angeloso, Dérive, Les soeurs Brelan, Le voyages des grands hommes
Métamorphoses de François Vallejo
Ed. Viviane Hamy