Un
hôtel baroque, entouré d’un magnifique jardin, où la classe dominante passe ses vacances. Un homme s’approche d’une femme mariée pour lui demander si elle se souvient de leur relation, l’an
dernier, à Marienbad, à Fredericksbad ou dans un autre endroit de villégiature. La femme ne se souvient pas, et l’homme, sans se démonter, va tenter pour tous les moyens de faire revenir les
souvenirs à la surface.
Voilà un film fascinant signé Alain Resnais, et sur plusieurs points. D’abord, il y a cette entrée en matière,
cette promenade dans les longs couloirs de ce grand hotel, où d’interminables couloirs succèdent aux couloirs, comme le dit la lancinante voix de l’homme (Giorgio Albertazzi) qui tourne en
boucle. La caméra filme les plafonds, les murs surchargés de décoration, les valets figés comme des statues, et emmène le spectateur dans une ambiance de mystère. Ensuite, le réalisateur ne va
cesser de jouer avec les miroirs, les reflets, comme pour montrer que ce que le spectateur voit n’est jamais qu’une représentation de la réalité, non la réalité elle-même. Comme ces personnages,
tellement guindés qu'ils semblent irréels.
Fascinant par la musique qui accompagne tout le film. Un orgue joue, succédant à la voix de l’homme, et ne lâchera plus le spectateur, ballotté comme la femme dans un monde qu’il ne comprend pas
parfaitement.
Fascinant aussi et surtout par les acteurs qui peuplent le film. Outre Giorgio Albertazzi, l’amant qui veut récupérer sa maitresse, Delphine Seyrig campe une merveilleuse et évanescente femme
amoureuse et perdue, un oiseau blessé dans ses costumes de plumes. Son regard, constamment dans le vague, dans le flou, jamais directement orienté vers son interlocuteur, est à lui seul évocateur
du trouble qu’elle ressent. C’est une performance d’actrice formidable, mais aussi horripilante car on aurait bien envie de la secouer un peu. Et il
y a le personnage du mari, incarné par Sacha Pitoeff, qui par sa stature, sa présence souvent inattendue, sa mystérieuse capacité à toujours gagner au jeu, est une incarnation physique du diable,
qui surveille sa femme tout en intervenant peu.
Enfin, la fascination provient du fait que le spectateur ne sait jamais trop où il en est : est-ce la réalité ? Un rêve ? Que cherchent les protagonistes ? Vont-ils arriver à
leurs fins ? Pour faire rapide, on pourrait dire que c’est un peu David Lynch au début des années 60, avec une pointe de tradition française remarquable par la qualité littéraire du scénario
(signé Alain Robbe-Grillet), et quelques débats littéraires.
Vraiment c’est un film qui m’a vraiment plu, et qui demande, c’est certain, plusieurs visionnages. Néanmoins, je conseille de le voir au cinéma, ce que j’ai fait grâce à la rétrospective Resnais
organisée par le Ciné-TNB, situé dans les locaux du Théâtre National de Bretagne à Rennes.