Le 25 août 1988, un violent incendie éclate à l’aube dans un des quartiers du centre historique de Lisbonne, le Chiado. La population évacue les lieux, mais au moment de monter dans l’autobus, un vieil homme se retourne et se précipite dans le quartier, car il souhaite sauver son appartement. L’imiteront un touriste français intrigué par ce vieil homme, un photographe portugais qui cherche désespérément la gloire, et une mère qui a rendez-vous avec sa fille dans le quartier. Ces quatre personnes passeront plusieurs jours au milieu du quartier dévasté, seuls, jusqu’à l’arrivée d’un cinquième protagoniste qui va bousculer leurs habitudes. Surtout, il va obliger chacun de ses compagnons à faire face aux raisons profondes qui les ont poussés à entrer dans cette zone interdite.
François Vallejo a vécu cet incendie lors d’un voyage à Lisbonne. Cet événement traumatisant est donc le prétexte de son dernier roman. Par cette histoire d’enfermement volontaire, il met en scène la manière dont ces individus, sans eau, sans réserves, doivent se résoudre au pillage et faire face à cette pénurie. Cette première partie m’a d’ailleurs beaucoup fait penser à L’aveuglement de Saramago. Je ne sais pas si c’est dû au Portugal, mais la situation de ce groupe, soudé mais aux intérêts divergents, m’a rappelé celle de ces aveugles contraints de faire preuve d’inhumanité pour survivre.
Si le début est intéressant, il est un peu longuet. L’intrigue ne prend vraiment tout son sens qu’à partir du moment où le groupe se sent suivi par une cinquième personne, et surtout lorsque cette personne va les rejoindre. Juvenal est alors l’élément perturbateur du récit, celui qui pousse l’intrigue plus loin. Par sa curiosité, par ses questions, il oblige ses compagnons à réaliser leurs failles, à mettre en avant ce qui les a vraiment poussé à braver l’interdit, à dévoiler les secrets que chacun voulait enfouir en s’enfuyant. Je ne dévoilerai pas ces secrets ici, chacun ayant le sien (même Juvénal, ce qui donne d’ailleurs lieu à un passage d’une terrible violence psychologique, serai-je tenté de dire).
Vallejo poursuit les thèmes déjà rencontrés dans ses précédents romans : celui de la mise à l’écart du monde, du retrait qui met en exergue les véritables motivations de chacun, comme celle de L’Aubépine dans Ouest. On retrouve également le thème du secret et de son dévoilement, très présent dans Groom. Surtout, on retrouve la patte de l’écrivain, avec sa manière très personnelle de présenter les dialogues : pas de ponctuation spécifique, pas de verbes indiquant l’interlocuteur. C’est au lecteur de jouer à deviner qui prend la parole, ce qui n’empêche en aucun cas une lecture fluide.
Si L’incendie du Chiado m’a moins emballé que mes précédentes lectures de Vallejo, cet ouvrage reste un moment agréable de lecture, une fois l’intrigue réellement lancée. Un nouveau moment globalement réussi avec cet auteur, surprenant et capable de varier les intrigues sans perdre son écriture. Vraiment à découvrir !
Autres romans de François Vallejo : Groom, Ouest
L'incendie du Chiado, de François Vallejo
Ed. Viviane Hamy