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31 mars 2008 1 31 /03 /mars /2008 12:58

gondry.jpg

Dans un quartier paumé de Passaic, petite ville miséreuse des Etats-Unis, Mr Fletcher tient un magasin de location de cassettes vidéos. Il a pour assistant Mike, à qui il laisse la boutique durant son absence. Mais Mike a un ami un peu déjanté, Jerry, qui, suite au raté du sabotage de la centrale électrique, acquiert un pouvoir inattendu : celui de pouvoir effacer les bandes magnétiques des cassettes vidéos. Pour le magasin puisse continuer à tourner, Mike et Jerry décident de tourner les films demandés par le client...

Michel Gondry revient avec une comédie, après l'éblouissant The eternal sunshine of the spotless mind et le plus décevant La science des rêves. Le film est en fait composé de deux parties : dans la première, les deux amis tournent leurs films. La première adaptation est hilarante : c'est un remake de Ghostbusters, où ils reprennent notamment la scène de la bibliothèque. Des guirlandes de Noël font office de rayons laser ! Pour vendre leurs films, ils prétendent qu'ils viennent de Suède, et qu'ils sont donc "suédés". Les films suédés remportent alors un franc succès : Rush Hour 2, Miss Daisy et son chauffeur, Le roi Lion (avec de très beaux costumes)...

La deuxième est plus traditionnelle : afin d'aider Mr Fletcher qui va se faire expulser, toute le population décide de réaliser un film sur la star du jazz local. On assiste donc à la réalisation d'un film à grande échelle. 

Le film est donc très drôle dans sa première partie, un peu plus convenu sur la fin, mais cela reste un bon moment de dérision et de parodie. Danny Glover est très bien en Mr Fletcher, Mia Farrow et Sigourney Weaver font des apparitions remarquées, mais les prestations de Jack Black (Jerry) et de Mos Def (Mike) sont assez irrésistibles. Je ne connaissais pas Jack Black, mais sa prestation de looser qui cherche à attirer la couverture sur lui est très amusante.

Michel Gondry parvient également à traiter du problème de la cinéphilie, du poids des majors américains au sein de l’industrie cinématographique, ce qui est relativement rare. Mais sa force réside selon moi dans la capacité qu'il a de créer un univers en quelques minutes. Et rien que pour ce pouvoir d'imagination énorme, je vous recommande ce film, qui fait voir de nouveaux horizons...

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21 mars 2008 5 21 /03 /mars /2008 08:16

blood.jpg

Aux États-Unis, au tournant des XIXe et XXe Siècle. Daniel Plainview, prospecteur en pétrole, décide d'acheter des terrains susceptibles de receler des ressources importantes. Il s'installe donc, sur les conseils d'un jeune homme, sur la terre d'une famille de fermiers. Mais cette terre est aussi le récent lieu d'implantation d'une église, dont le pasteur n'est autre que le fils du propriétaire...


Paul Thomas Anderson revient avec un film d'un genre assez commun : le portrait d'un ambitieux misanthrope. Ce type de long-métrage est assez surprenant dans sa filmographie atypique, qui compte Boogie Nights (pas encore vu), le foisonnant Magnolia et sa mémorable pluie de grenouille, et le déjanté Punch-Drunk Love.


Une grande fresque historique, avec Daniel Day-Lewis qui porte une moustache : forcément, Gangs in New-York de Scorcese revient en tête. Mais Paul Thomas Anderson arrive à apporter une touche, un je ne sais quoi qui fait que ce film cadre avec le reste de sa filmographie.


Commençons par le début, magnifique. Pendant une bonne dizaine de minutes, aucune parole, juste une musique stridente qui servira l'ensemble du film et qui participe pleinement de sa réussite. On y voit un mineur, seul en train de creuser un trou, avec l'impression qu'il creuse sa propre tombe : on se demande comment il va s'en sortir après sa chute, avec sa jambe cassée. Mais cet épisode est le début de la gloire. Sa recherche se focalise par la suite sur le pétrole, et il y réussira, seul contre la mainmise des grandes compagnies. 

 

Daniel Day-Lewis, de tous les plans, est flamboyant : pas très bavard, les rares paroles qu'il prononce marquent le spectateur. Que ce soit pour persuader les paysans de vendre leur terre ou lorsqu'il expose sa profonde misanthropie, il arrive à convaincre les foules.

 

Face à ce personnage taciturne et mégalomane, le jeune pasteur essaie de profiter de la situation pour enrichir son église. A la froideur de Daniel Plainview s'oppose l'ardeur mystique et inquiétante du jeune pasteur. On assiste donc à la lutte de ces deux personnalités, avec des parallélismes dans la construction qui donnent l'avantage une fois à l'un, une fois à l'autre. Paul Dano, le frère mutique de Little Miss Sunshine, explose l'écran lors de ces prêches enflammés.

Paul Thomas Anderson signe donc un grand film, très juste, porté par deux magnifiques acteurs, et avec une touche qui lui est personnelle. Ainsi, une image furtive sur l'écran fait apparaître des taches de pétrole sur l'objectif de la caméra. En choisissant de laisser cette image lors du montage final, le réalisateur montre bien la distance qu'il met dans cette œuvre de fiction. Mais les scènes d'explosion et la scène finale sont vraiment de grands moments de cinéma.

Mention spéciale à la bande originale, qui marque le début du film et est ensuite très souvent présente. Elle est signée par un membre de Radiohead, Jonny Greenwood. Et la musique du générique de fin, qui est le troisième mouvement du concerto pour violon et orchestre de Brahms, cadre parfaitement avec le film.

Enfin, mention aussi pour la bande annonce, qui est assez courte et assez intense pour donner envie de voir le film sans en dévoiler le scénario. Ce que peu de bandes-annonces font actuellement.

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11 mars 2008 2 11 /03 /mars /2008 07:59

cahier.jpgEn Afghanistan, aujourd'hui. Une fillette de 6 ans, en voyant son voisin lire des histoires dans son cahier, décide d'aller à l'école. Mais pour s'inscrire, il faut y aller avec un cahier et un crayon. Elle prend donc des oeufs pour les vendre sur le marché, sans l'avis de sa maman, pour obtenir l'argent nécéssaire à l'achat des fournitures.

La réalisatrice de ce joli film est âgée de 19 ans. Elle est la dernière venue de la famille Makhmalbaf, grande famille de cinéastes iraniens. Et du haut de ses 19 ans, son film tient la route.

Il est construit en deux parties : dans la première, la petite Bakhtay (Nikbakht Noruz, époustouflante car elle est de toutes les scènes du film) cherche à acheter son cahier et son crayon. Une fois son cahier en main débute la seconde partie : l'inscription à l'école et les péripéties que lui font subir les garçons du village.

Beaucoup d'émotions passent dans ce film. Tout d'abord, il y a un constat assez alarmant sur la difficulté d'avoir accès à la scolarité dans un pays comme l'Afghanistan. Bakthay n'arrive pas à récolter l'argent pour acheter le strict minimun, sa mère passe ses journées à aller chercher de l'eau et son père est absent. Et lorsqu'elle a son cahier, la séparation des sexes lui impose une nouvelle contrainte.

Cette condition des femmes s'exprime aussi à travers l'utilisation du rouge à lèvres, dont l'usage est souvent prohibé. Il y a à la fois la réaction des adultes, mais aussi celle des enfants. Et c'est là que j'ai trouvé ce film poignant et angoissant : lorsque Bakthay est prisonnière des enfants de son âge qui se prennent pour des combattants.

Elle est d'abord emprisonnée car elle veut aller à l'école, puis les gamins d'une dizaine d'années menacent de la lapider car elle porte sur elle un tube de rouge à lèvres. Cette scène est vraiment une grande scène de cinéma : la caméra se met à la place de la petite fille, jetée dans un trou, avec les gamins qui lui tournent autour, une pierre dans la main, prêts à la lancer. Puis ces apprentis talibans se prennent ensuite pour des américains. Ce changement de statut (Taliban / Américain) permet à la réalisatrice de faire passer sans ambiguité l'idée de la perméabilité des enfants face aux violences qu'ils vivent. 

Le film se poursuit par différentes allégories, assez jolies mais qui peuvent ralentir parfois le film. Peut-être un péché de jeunesse.

Enfin, le site où se déroule l'action est très symbolique : elle se déroule à Bamiyan, là où les talibans ont détruit les Bouddhas géants. Cette destruction pèse d'ailleurs sur l'ensemble du film.

D'ailleurs, le titre en anglais du film est beaucoup plus évocateur que le titre français : Buddha collapsed out of shame (Bouddha s'effondra de honte). Le film débute d'ailleurs par les images de cette destruction.

Un très joli film à découvrir !

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8 mars 2008 6 08 /03 /mars /2008 17:10

ch-tis.jpg

C'est un phénomène assez surprenant qui se produit actuellement dans les salles de cinéma françaises. Alors que tout le monde attendait Astérix ou Disco pour exploser le box office, c'est le film de Dany Boon qui rafle la mise. Bon dire, qu'il n'a pas bénéficié du battage médiatique des deux autres est vrai. Mais celui-ci n'a tout de même pas été nul : dans certaines stations de métro, une affiche publicitaire sur trois parlait du film (d'ailleurs, elle est assez laide, cette affiche). Et il a aussi eu droit à son petit passage chez Drucker. Néanmoins, cette réussite reste une surprise.

L'histoire est facile à résumer : le directeur d'un bureau de poste, Mr Abrams, est muté dans le Nord pour sanction disciplinaire. Ce sudiste arrive donc à Bergues, petite bourgade où l'on parle le Cheutimi...

Bon, j'ai plusieurs mauvaises raisons d'avoir vu ce film : je suis originaire de la région où se passe le film, et mieux, je suis né dans la ville où se situe l'action. Encore mieux, le héros du film porte le même nom que le mien. C'est dire si je me sentais obligé d'y aller !

Et je ne regrette pas : j'ai passé un agréable moment, j'ai ri de bon coeur lors de plusieurs passages, notamment celui de la tournée où le directeur accompagne son employé. Ceci dit, ce film reste une bonne comédie, mais ce n'est pas un chef d'oeuvre. Certains passages sont repris des sketches de Dany Boon, mais ils restent en nombre limité. Le scénario n'atteint pas la mécanique très bien huilée du Dîner de cons. 

Le film vaut d'ailleurs surtout pour ses deux acteurs principaux, Dany Boon et Kad Merad. Un petit bémol concernant les rôles féminins, en particulier Line Renaud dont l'accent est à la première écoute très choquant pour un régional.  Dommage qu'une place un peu plus importante n'ait pas été accordée à Philippe Duquesne, le seul avec Dany Boon à vraiment avoir un accent fluide et extrêmement drôle. Il avait d'ailleurs déjà utilisé cet accent pour certains sketches des Deschiens. Mention aussi à Michel Galabru, très drôle dans son rôle de provençal rustre.

C'est un film joyeux, parfois caricatural, mais c'est le jeu de toutes les comédies de caricaturer un minimum les personnages. Je sais que certains de mes ex-compatriotes nordistes ont pu être embêtés par la place que prend l'alcool dans le film, mais c'est vrai qu'il est parfois difficile de dire non lorsqu'on propose une goutte dans le café ! 

J'ai eu la chance (car j'estime que c'est une chance) de voir le film dans le Nord. Pas du tout dans le pays ch'ti à proprement parler, mais la salle était pleine. Il a même fallu réserver ! (Petite parenthèse : Bergues n'est pas non plus à proprement parler dans le pays ch'ti, puisqu'on y parle plus volontiers flamand que ch'ti. Mais pour les besoins du film...). Et ce qui est assez étourdissant, c'est la population qui se rend au cinéma voir ce film : des familles entières, la moyenne d'âge est relativement plus élevée que d'ordinaire, et surtout, certaines personnes n'ont pas été au cinéma dans des temps immémoriaux avant de venir voir ce film. Par exemple, la dame assise juste devant expliquait qu'elle n'était pas allé au cinéma depuis Titanic ! J'étais encore au lycée ! C'est ce qui s'appelle un phénomène. Le plus interéssant est que ce phénomène soit national, et pas seulement régional.

Bref, voilà une surprise dans le paysage des films qui marchent en France, mais ce succès risque de n'avoir qu'un impact limité sur les petits films, malheureusement. Un film agréable pour passer un bon moment, qui ne mérite pas forcément toutes les louanges entendues dernièrement, mais pas non plus d'être jeté d'un revers de la manche. Malgré tout, pourvu qu'ils ne nous fassent pas une suite, genre Bienvenue en Elsass ou Bienvenue en Euskadi !

Ah oui, aussi : est-ce qu'un non-nordiste (ou picard, bien entendu) pourrait me dire s'il l'a vu, et s'il a compris tout ce qui se disait ?
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3 mars 2008 1 03 /03 /mars /2008 14:10

juno.jpgJuno, une adolescente de 15 ans, tombe enceinte alors qu'elle ne l'avait prévu. Le père est un élève du lycée comme elle et afficionado des tic tac orange. Après avoir songé à avorter, elle décide de le garder. Avec son père, sa belle-mère et sa meilleure amie, elle décide de trouver un couple pour adopter son enfant. S'en suivent des situations cocasses, où la jeune Juno doit faire face à de nombreux événements nouveaux pour elle.

Beaucoup d'échos entendus autour de moi présentaient ce film comme le nouveau Little Miss Sunshine. Je n'adhère pas complètement à cet avis, et considère que le premier était meilleur que celui-ci. Mais ce film est un bon film, quand même.

D'accord, ce film est un film indépendant américain, comme on n'en fait pas beaucoup. D'accord, il traite d'une adolescente, comme Little Miss Sunshine traitait d'une fillette de 10 ans. Le ton est plutôt satyrique, comme pouvait l'être celui de Little Miss Sunshine. Mais je l'ai trouvé beaucoup moins incisif que dans le film sorti il y a deux ans. 

En effet, l'une des forces Little Miss Sunshine était de présenter un portrait de famille, où chacun des membres était déjanté. Ici, le réalisateur prend le parti de centrer le film sur l'héroïne, Juno. Ellen Page, admirable de justesse, est donc de tous les plans, et occulte les autres personnages qui aurait pu être intéressant : les parents, Bleeker, le père de l'enfant,... Quant à la famille d'adoption, elle est assez plan-plan. Le mari essaie bien de montrer qu'il a des goûts peu orthodoxes, commes les films gores, le tout reste assez lisse. Et cette histoire qui se conclut en divorce est finalement assez banale.

J'ai aussi trouvé qu'il manquait un peu de rythme au film : le début est plutôt comique, puis on tombe dans un doux ronronnement, seulement relevé à la fin du film. Alors que Little Miss Sunshine était centré sur un épisode entouré de mystère et hilarant (la représentation lors du concours), Juno tend vers l'objectif de l'accouchement, mais en ne prenant pas ce ton comique. Le moment où Juno demande à son père de le conduire à l'hôpital aurait pu donner lieu à une telle représentation, mais le réalisateur en a décidé autrement.

Ce film reste néanmoins un bon divertissement, sur un sujet assez sensible, la grossesse d'une adolescente. Le film parvient donc à aborder ce sujet de manière comique, ce qui est déjà un mérite !

 Un autre avis ici, chez Choupynette, intriguée par le traitement de la question de l'avortement.
  Et celui de la Nymphette, plus enthousiaste.

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27 février 2008 3 27 /02 /février /2008 07:40
noir.jpgSix réalisateurs, six styles de dessin. Ce film est un ensemble de six courts-métrages créés autour du thème du noir et de la peur. Et c'est très réussi !

Le premier court-métrage se développe tout au long du film. Et il est assez angoissant. Un vieil homme tient en laisse quatre dogues horribles, aux crocs acérés, et
malheur à ceux qui croiseront leur chemin. Celui-ci est esthétiquement très beau, avec un dessin crayonné très agréable, mais totalement en contradiction avec l'histoire racontée.

Un deuxième court-métrage suit la progression du film. Il présente des réflexions sur la crainte dans son ensemble, très bien servies par la voix de Nicole Garcia.

Les quatre autres courts tiennent en un seul morceau. On passe d'un jeune étudiant entomologiste dont la petite amie se transforme à une jeune fille rejetée par ses nouveaux camarades de classe qui lui font peur avec la légende d'un samouraï. Il y a également  l'histoire de ce jeune garçon qui se remémore une partie de son enfance, avec une histoire portée par la voix rocailleuse d'Arthur H. Enfin, le coup du spectacle est le dernier court, dont je ne dirai rien.

Dans ce film, on est ainsi plongé dans les craintes que chacun peut éprouver à un moment : du noir, d'un monstre, de la vie dans son ensemble. Le dessin en noir et blanc plonge toute le salle de cinéma dans une ambiance qui nous sort de l'ordinaire. Et de voir les peurs s'incarner sur l'écran produit un effet de crainte.

Tous les dessins sont très différents : entre le dessin très crayonné du premier à celui très léger quasiment numérisé (s'il ne l'est pas ?) de ceux de l'écolière, en passant par de simples formes géométriques, il y en a pour tous les genres.

C'est donc un film d'animation que je conseille fortement, mais surtout aux adultes. Pour les enfants, certaines scènes peuvent être un peu angoissantes. En même temps, vu les dessins animés diffusés le matin, plus grand chose ne doit les effrayer.

Comme nous sommes également dans une période de commercialisation intense du cinéma, ce film (sorti il y a 2 semaines à peine) est déjà très peu diffusé à Paris (je ne sais pas ce qu'il en ait de la province, j'espère qu'il y aura une belle carrière). Ainsi, pour sa deuxième semaine d'exploitation, il n'était présenté que dans trois cinémas parisiens. Donc pour ceux qui en ont l'occasion, sautez dessus...  
 
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24 février 2008 7 24 /02 /février /2008 19:20
kustu.jpgVoici le nouvel opus de Emir Kusturica, intitulé Promets-moi !

Un rapide résumé : dans un petit village de Serbie, un grand-père demande à son petit-fils d'aller en ville vendre la vache, et lui fait promettre trois choses : apporter une icône de Saint Nicolas, un souvenir et une fille pour se marier.

Ce nouveau film est dans la lignée des deux précédents, Chat noir chat blanc et La vie est un miracle. L'action se passe dans la Serbie d'aujourd'hui, et démarre dans un joyeux délire, fait de musique (toujours très présente chez Kusturica), d'inventions dignes de Géo Trouvetou et de trognes extraordinaires. Le lancer de chat est l'un de mes passages favoris de ce début de film. On retrouve une ambiance loufoque, Kusturica nous perd en ne dévoilant pas son intrigue, et en mettant en place l'intrigue secondaire avant la principale. Comme dans ces deux films précédents, on navigue donc à vue en ce début de film, mais avec une jubilation liée aux différentes inventions scénaristiques.

Puis le film prend corps : on comprend l'intrigue (au final très simple), même si le plus intéressant n'est pas l'intrigue en elle-même, mais comment Kusturica la traite. On y trouve des mafieux (très drôle Miki Manojlovic, vu récemment dans un tout autre registre dans Irina Palm), des hommes de main idiots, qui n'espèrent qu'une chose, c'est de ne pas violer ou se faire violer par un sanglier. Un nombre de coups de feu incalculable sont tirés, mais ils ne tuent personne, le seul mort visible se faisant tuer par une pendule. 

En cela, le film est assez proche de Chat noir chat blanc. La scène du mariage est présente comme dans quasiment tous les films de Kusturica, les animaux y jouent un rôle important (le sanglier, la vache, le boeuf, la dinde,...) comme habituellement. Bref, on est dans un terrain connu.

Mais Kusturica, tout en inventant de nouvelles manières de raconter l'histoire et de nouveaux gags, traitent aussi des sujets nouveaux. Du côté sérieux, il parle notamment de prostitution, de proxénétisme, dans un pays qui semble aux mains des mafieux. Il s'intéresse également à la religion, à travers l'image du grand-père qui construit seul son église, et à la vie urbaine dans la Serbie d'aujourd'hui. Souvent habitué au cadre campagnard, une grande partie de son film se déroule cette fois en ville. Et apporte un visage nouveau à son film. Et côté loufoque, une attention particulière est apportée à tout ce qui touche à la zoophilie, et à la castration des mâles.

Ce Kusturica est donc un bon cru, digne de ses précédents, et clairement dans leur lignée. Alors pour ceux qui n'ont pas aimé du tout les précédents, autant s'abstenir, et pour ceux qui ont apprécié, ne bouder pas votre plaisir et aller vous offrir un bon moment de rire avec ce film ! 
 
 
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15 février 2008 5 15 /02 /février /2008 11:04

fabrique.jpgUne femme, peu avant la quarantaine, cherche un compagnon. Afin que ses recherches soient les plus fructueuses possible, elle décide d'utiliser le speed dating : sept hommes, sept femmes, sept minutes pour se rencontrer et toute la vie pour se retrouver, comme l'annonce l'animatrice. Cette expérience est une réussite : elle rencontre un homme, avec qui elle pense pouvoir construire une vie commune. Malheureusement, elle n'arrive pas à sortir de ses différentes pressions (professionnelles, familiales, amicales), et son histoire vacille. D'autant plus que son corps devient capricieux.

C'est le deuxième film de Jean-Marc Moutout, après Violences de séchanges en milieu tempéré, qui m'avait séduit. Il a donc décidé de poursuivre son exploration du monde contemporain en faisant le portrait d'une jeune femme. Elle est seule, veut avoir un enfant et trouver un futur père pour celui-ci. Malheureusement, malgré quelques moments intéressants, je n'ai pas trop accroché à cette description du monde moderne.

Pour les aspects positifs, les acteurs sont très intéressants. Elsa Zylberstein tient un grand rôle, qu'elle exploite bien et Jacques Bonnaffé est délicieux en cynique, très lucide sur son temps et en même temps pris au piège de celui-ci. La scène où il expose tout le mal qu'il pense du speed dating, et de la société en général, alors qu'il y participe est remarquable. Les scènes concernant les symptômes de la maladie d'Elsa Zylberstein sont également très bien rendus, et notamment les séquences où elle s'interroge sur les éventuelles conséquences. La séquence avec sa grand-mère est également touchante.

Ah oui, le titre du film est très bien trouvé aussi ! Il permet de comprendre rapidement ce qu'a voulu décrire le réalisateur : sentiments fabriqués par la société, par des rencontres organisées, par des pressions amicales,...

Mais il m'a manqué quelque chose, un je ne sais quoi qui m'aurait le film plus intelligible. Sa relation avec Bruno Putzulu, l'homme du speed dating, prend fin de manière assez étrange : rêve ou réalité ? La partie rêvée, lors de son IRM, est également assez confuse : elle y revoit bien entendu plusieurs phases de sa vie, mais cela manque de liant. Et la scène finale, très pessimiste, me paraît une pirouette trop simple pour clore le film.

Au final, le sentiment que le film aurait pu donner quelque chose de très intéressant, mais j'ai ressenti une forme de frustration : j'adhère en grande partie à ce que veut exposer Jean-Marc Moutout, mais je n'ai pas été conquis par la forme, contrairement à Violences des échanges en milieu tempéré.

Je me rends compte que cela fait plusieurs films français que je vois et qui me déçoive en partie, après des premières expériences plutôt heureuse :
Actrices, de Valeria Bruni-Tedeschi, Faut que ça danse !, de Noémie Lvovsky et maintenant celui-ci. Même impression pour La question humaine de Nicolas Klotz, vu récemment.


Un début d'allergie au cinéma français ? Non, quand même pas. En tous cas, j'espère que les prochaines tentatives seront plus abouties, même si les précédentes n'ont pas non plus été des échecs complets. 

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11 février 2008 1 11 /02 /février /2008 11:08

sweeney.jpgTim Burton revient avec un nouveau film, son acteur fétiche, Johnny Depp, et son actrice préférée, qui est aussi sa femme, Helena Bonham Carter.

A Londres, un barbier, Benjamin Barker, est envoyé au bagne par le juge Turpin. Celui-ci n'a rien à lui reprocher si ce n'est d'être le mari de la femme qu'il convoite. Quelques années plus tard, Sweeney Todd arrive à Londres après s'être échappé du bagne : son objectif est de se venger de ceux qui ont fait du mal à Benjamin Barker. Et il sera aidé en cela par une jeune femme qui tient un magasin de tourtes à la viande, denrée rare à cette époque...

Tim Burton s'attaque à un nouveau genre : la comédie musicale. Johnny Depp et Helena Bonham Carter poussent donc la chansonnette (assez bien, d'ailleurs !) tout au long du film. La musique est  omniprésente, et cette gaieté parvient à faire passer les moments plus difficiles.

Car Sweeney Todd est barbier, et le moyen le plus simple de se venger de ses ennemis est de profiter de son métier : il leur coupe donc la gorge avec son rasoir. Cela donne lieu à deux séquences intenses, où le rouge ressort sur le fond grisâtre que donne Burton à l'ensemble de son film. On assiste donc à une succession d'égorgement, et bizarrement, lors de la première, c'est la chute des corps de plusieurs mètres qui m'a plus troublé que la coupure en elle-même. Allez savoir pourquoi.

Le côté sanguinolent est donc pour moi au final assez anecdotique, car tout le début du film se passe sans crime : l'installation de Sweeney Todd à Londres, sa rivalité avec le senior Pirelli (très drôle Sacha Baron Cohen, l'acteur de Borat). Et tout cela est entrecoupé de scènes romantiques (parfois mièvres) entre le jeune premier, Anthony, qui a sauvé Sweeney de la noyade, et Johanna, la fille de Benjamin Barker recueillie par le juge Turpin. 

La chanson "Johanna" m'a d'ailleurs furieusement fait pensé à "Maria", la chanson entendue dans West Side Story, mais avec une préférence pour la seconde. Les autres chansons donnent un côté décalé au film, et permettent au spectateur de rentrer doucement dans ce conte morbide. La chanson sur les plus mauvaises tourtes de Londres est très drôle, et celle que Sweeney Todd chante à ses rasoirs fait froid dans le dos.

Même si Burton revient à un univers plus noir, qui peut faire penser à Batman, Beetlejuice ou Edward aux mains d'argent, il parvient à se renouveler à travers la comédie musicale. Et le héros, aveuglé par la vengeance, ne fait pas éprouver de pitié comme cela pouvait être le cas avec Edward.

Voilà donc un beau film noir, à la fois dans la tonalité et dans le thème, à aller voir en sachant qu'il y a des scènes un peu sanglantes. J'avoue que j'appréhendais un peu (une mauvaise expérience avec Kill Bill), mais je me suis laissé embarquer par l'histoire. Pour les allergiques au rasoir, il est quand même préférable de s'abstenir ! 

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6 février 2008 3 06 /02 /février /2008 10:01

loach.jpgKen Loach, après un film consacré à la guerre en Irlande (Le vent se lève), revient à son sujet de prédilection : la description du tissu social du Royaume-Uni. Après par exemple My name is Joe (film très glauque, avec des personnages sans espoir) ou The navigators (sur la privatisation du réseau ferré britannique et ses conséquences sur les employés), il traite cette fois de la question des immigrés et des exploitants de cette main d'oeuvre.

Angie, jeune employée d'un bureau de recrutement, est chargée de prospecter dans les pays de l'Est pour trouver des travailleurs à bas coûts. Elle leur fait miroiter un travail, mais précise qu'il ne correspondra pas à leur qualification : une infirmière sera fille au pair, un professeur employé sur un chantier. Mais, en voulant se révolter contre le machisme de ses supérieurs, elle se fait renvoyer. Elle décide donc de monter sa propre agence de recrutement, en violant tous les règlements en vigueur.

Ce film est très dur car il ne donne pas de sortie positive : Angie est exploitée dans sa boîte, par des hommes sans scrupules, qui profitent de la détresse des immigrés. Mais au lieu de se révolter contre cette exploitation, elle se range du côté des exploiteurs : elle profite à son tour de la misère des immigrés pour gagner sa vie. 

Aucun scrupule ne l'arrête, et même lorsqu'une relation plus intime semble se dessiner, par exemple avec une famille iranienne, elle n'hésite à détruire cette confiance pour s'imposer. On a l'impression qu'elle est dans une spirale sans fin, où son seul objectif est d'apporter un peu de bonheur à son fils. Objectif qu'elle atteint d'ailleurs de manière très relative.

Et les remarques des personnes indignées par son comportement n'y font rien : son père et sa collaboratrice peuvent émettre des doutes, elle s'en moque et préfère se passer d'eux plutôt que de remettre en cause son attitude. Elle est guidée par l'appât du gain, et celui-ci prend le pas sur toute relation sociale.

Et plus le film avance, plus son attitude est exécrable. Lorsqu'elle se fait frapper par des ouvriers qui attendent leur paye, on passe de l'immoralité à l'amoralité : rien ne la retient. Et le scène finale ne fait que confirmer cette nécessité de l'exploitation de l'autre pour répondre aux exigences de ses propres exploiteurs.

C'est un film social très fort, car il ne se place pas du côté des "victimes", mais au niveau intermédaire : Angie est à la fois "victime" et "bourreau", mais le deuxième aspect l'emporte chez elle.

Une scène m'a marqué : celle où Angie et son fils regardent la télévision. Le film projeté est extrèmement violent, avec de nombreux coups de feu, de détonations.  Cette violence sur l'écran de télévison et l'attitude d'Angie vis à vis de cette violence est selon moi l'une des clés du film : elle ne réagit pas à la violence armée, car elle est elle-même plongée dans une violence psychologique de tous les instants. Et que son fils assiste à ces scènes ne la gêne pas, puisque la violence est pour elle banale.

Ce film donne à la fois à réfléchir sur notre position au sein de la société ( sommes-nous victimes, bourreaux, ou tous un peu des deux ?), sur la violence qu'elle engendre et que nous n'apercevons plus. Et cela permet de comprendre pourquoi dans un pays où la situation sociale est de plus en plus difficile, ce sont les représentants des plus riches qui sont au pouvoir : chacun cherche à être un peu bourreau, pour oublier sa propre position de victime.

Même si ce n'est pas le meilleur film de Ken Loach, c'est un film qui a selon moi le mérite d'ouvrir la réflexion. Ce qui arrive assez rarement, finalement. 

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