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23 décembre 2009 3 23 /12 /décembre /2009 07:37

CanineDans la campagne grecque vivent un père, une mère et leurs trois enfants, deux filles et un garçon. Personne, hormis le père, n'a le droit de quitter l'enceinte de la propriété, l'ailleurs étant présenté par les parents comme un territoire dangereux. Les enfants sont éduqués de manière originale par les parents, qui leur apprennent des mots, mais en en transformant le sens, et en leur faisant participer à des compétitions récompensés par des autocollants. Mais l'attrait de l'extérieur, qu'ils ne pourront découvrir que lorsque l'une de leurs canines sera tombé, est le plus fort...


Voilà un film qui me laisse fortement perplexe. Le postulat est fixé dès le départ, les enfants souhaitant jouer à « celui qui laissera le plus longtemps le doigt sous le robinet d'eau brûlante », après avoir appris quelques termes à la signification dévoyée. Le père amène pour son fils une de ses collègues, qui lui sert de professeur sexuelle, et qui profite de la situation pour satisfaire quelques uns de ses fantasmes.


Le problème du film est que le postulat de départ, s'il est original, troublant et dérangeant, n'est jamais justifié. Bien entendu, le réalisateur, Yorgos Lanthimos, pousse la situation à son paroxysme, avec une scène de transe de la fille aînée assez bien foutue, ou le massacre d'un chat perçu comme le mal incarné. Mais tout ceci est vain, car les mobiles des parents sont totalement opaques. Ils veulent empêcher leurs enfants d'aller à l'extérieur, d'accord, mais pourquoi ? Que craignent-ils ? De quoi veulent-ils les protéger ? La fin ouverte accentue encore cette circonspection qui saisit le spectateur lorsqu'il quitte la salle de cinéma. Car ce qui marche chez Ursula Meier et Home, où on comprend l'événement fondateur de la claustration familiale, ne fonctionne pas ici, car le spectateur est tenu totalement à l'écart. Rien de bien intéressant à retenir de cet exercice de style, au cours duquel l'ennui gagne peu à peu par manque de profondeur.


Je remercie Pascale, qui en ces temps de fêtes ne cesse de distribuer des places !


Les avis de Sandra M. (déçue, et le mot est faible) et de Rob (emballé).

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19 décembre 2009 6 19 /12 /décembre /2009 11:50

http://www.cinemovies.fr/images/data/affiches/2009/une-affaire-d-etat-18730-1053542826.jpgUn avion est abattu au dessus du golfe de Guinée. Ce qui crée l'émoi de Victor Bornand, un des proches du Président de la République française, et de certains membres de son entourage. Car la cargaison que transportait cet avion n'était pas anodine : il s'agit d'armes à destination des rebelles qui tentent un putsch au Congo. Rien ne semble transpirer de cet événement, jusqu'à ce qu'apparaissent des informations distillées par un inconnu qui a intérêt à bousculer les hommes en place. Tout est alors permis pour faire taire les bavards, et pour empêcher la police d'y fourrer son nez.


Évacuons immédiatement un éventuel malentendu : contrairement à ce que peut laisser penser l'affiche, l'action du film se déroule exclusivement à Paris, les seules évocations de l'Afrique ayant lieu par l'utilisation d'images de documentaires montrant les combats entre rebelles et militaires. Mais l'Afrique, si on ne la voit pas, est au cœur de l'intrigue de ce film, notamment via la fondation montée par Bornand et promouvant le micro-crédit. La « Françafrique » est clairement visée dans cette fiction.


Une affaire d'Etat est un film rythmé, sans aucun temps mort. L'action débute immédiatement : les premières images montrent l'avion et son explosion, et sont immédiatement suivies par une immersion dans une soirée du gratin parisien, où la cocaïne et les prostituées coulent à flot. Le ton est donné ! On suivra les intrigues menées par Bornand (André Dussolier, très efficace), avec les politiques, les journalistes, les marchands d'armes (Denis Podalydès, peureux à souhait) et son homme de main, Michel Fernandez (Thierry Frémont, un poil monolithique).


Face à eux, la police tente de démêler les nœuds de cette histoire. Mais entre les services de renseignements et la police criminelle, les relations sont tendues. Ce qui ressemble d'abord à des règlements de compte prend peu à peu une dimension qui dépasse le travail de Bonfils et Nora Chahyd (Gérald Laroche et Rachida Brackni, tous deux très convaincants). Et ce sont les services secrets qui prennent alors l'affaire en main (Jean-Marie Winling, comme toujours impeccable).


Alors, si l'intrigue fonctionne, elle n'est pas totalement exempte de facilités de scénario qui lui portent préjudice. Bon, la flic d'origine arabe et donc confrontée au préjugés de ses collègues, c'est déjà vu, et pas forcément essentiel, d'autant que les relations de Chahyd avec Bonfils se caractérisent surtout par une mise à l'épreuve qui ne dit pas son nom, et qui est autrement intéressante. Autre facilité, cette course poursuite finale, trop longue et quasi irréaliste, où un des protagonistes, renversé par un vélo, continue à courir dans les rues de Montmartre en boîtant. Surtout, l'élément le plus gênant concerne le nombre de morts de cette histoire. Il me paraît assez étrange de vouloir garder secrète une histoire en éliminant autant de personnes, même si les premières cadavres découverts ne sont pas « volontaires ».


Mais, malgré ces réserves, ce film d'Eric Valette est prenant, même si le traître (il y a toujours un traître dans ces histoires) est assez rapidement identifiable. Un bon moment devant ce film politique, qui sous couvert d'une intrigue policière aborde de nombreux problèmes de fond. Mais il lui manque une finition dans le scénario, qui lui aurait permis d'être un très bon film.


L'avis de Pascale.

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13 décembre 2009 7 13 /12 /décembre /2009 16:12

http://medias.jds.fr/images/article/21082/photos/Vincere_300.jpgBenito Mussolini, avant de devenir le dirigeant de l'Italie fasciste, a défendu des idées de gauche : anticlérical, antimonarchiste, il fut la cible des policiers du régime. Directeur d'un journal de gauche, il est apprécié, avant d'être débarqué : il défend l'entrée en guerre de l'Italie, moyen selon lui de régénérer la nation italienne. Seul, banni des milieux dans lesquels il naviguait, il s'appuie sur sa femme, Ida, qui lui a permis d'acquérir un nouveau journal. Mais peu à peu, cette première femme devient encombrante, et Mussolini fait tout pour la tenir loin de lui. C'est la vie d'Ida Dalser qu'a choisi de conter Bellochio, de sa passion amoureuse à son enfermement dans un hôpital de bonnes soeurs, où elle est séparée de son fils, Benito Albino Mussolini...


Vincere est un film osé et assez déconcertant pour le spectateur : Bellochio choisit de raconter cette histoire dramatique de manière outrée, en appuyant certains moments, certains passages. Les personnages eux-mêmes, que ce soit Ida ou Mussolini, sont hors du commun, l'une pour son amour éperdu, l'autre par sa cruauté. En intercalant des images d'archive dans la fiction, le réalisateur montre bien que cette petite histoire est en lien direct avec la grande : que serait devenu Mussolini si sa femme n'avait pas mis à sa disposition son argent quand il en avait besoin ?


Dans les commentaires entendus ici et là, il est souvent fait référence à l'opéra. Je trouve cette comparaison très juste, car les caractères enflammés des personnages (l'amour fou), les péripéties qu'ils vivent (un mariage nié, une accession au pouvoir) entrent tout à fait dans les caractéristiques de l'opéra. Bellochio a d'ailleurs certainement eu cette référence en tête, puisque résonne devant une église un air de Tosca, opéra qui relate lui aussi une relation amoureuse contrariée par la jalousie.


Vincere est un film riche, qui joue sur l'iconographie et sur l'image de Mussolini. Mussolini jeune est incarné par Filipo Timi, avant de devenir une image d'archive lorsqu'il abandonne Ida (Giovanna Mezzogiorno). Mais l'image de Mussolini revient sous les traits de son fils, qui dans une scène très réussie, se moque de la manière dont son père prononce ses discours (discours intéressant à entendre par ailleurs, qui parle de la politique coloniale fasciste en Afrique). Vincere est également un hommage au cinéma, puisque les écrans sont nombreux dans le film, que ce soit la projection du Kid pour les malades, des actualités dans une salle de cinéma ou d'un film catholique sur la voûte d'un hôpital pour les blessés de guerre.


Vincere est donc un film dense, touffu, qui interpelle mais qui mérite vraisemblablement une deuxième vision pour être sûr de bien suivre Bellocchio dans son cheminement artistique. Cheminement marqué par ce qui touche à l'enfermement et à la psychiatrie, puisque avant Vincere, il avait traité de la captivité d'Aldo Moro, homme politique enlevé dans les années 70 par les activistes de gauche dans le très bon Buongioro, Notte.

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9 décembre 2009 3 09 /12 /décembre /2009 07:40

Il est parfois des époques où un genre, un type de livres ou de films attire plus qu'un autre. C'est ce qui se passe en ce moment pour moi avec les comédies musicales. Outre les classiques de Demy (Les parapluies de Cherbourg, Les demoiselles de Rochefort ou Peau d'âne), je découvre quelques films musicaux américains (Le pirate, avec Gene Kelly et Judy Garland, qui vaut le coup d'oeil pour le baroque des décors et de l'interprétation) ou des films plus récents.

J'ai donc il y a peu découvert le premier film de Ducastel et Martineau, Jeanne et le garçon formidable (merci Julie). Outre l'intérêt indéniable du film qui aborde sur une forme a priori légère un sujet difficile (le Sida), et la belle brochette d'acteurs (Virginie Ledoyen, pas mal, mais surtout Mathieu Demy, Valérie Bonneton et Jacques Bonnafé), ce fut l'occasion de découvrir une libraire (Emmanuelle Goizé) commej'aimerai en rencontrer plus souvent lors de mes pérégrinations au milieu des bouquins !

 

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4 décembre 2009 5 04 /12 /décembre /2009 18:50

Pippa Lee est une femme heureuse : mariée à un éditeur plus âgé qu'elle, elle forme avec lui un couple que tous leurs amis regardent avec envie. Tout irait au mieux, si ce n'est cette querelle sourde avec sa fille qui ne lui parle plus. Mais Pippa n'est pas si heureuse que cela. Elle réalise surtout qu'elle est arrivée là où elle est par des circonstances parfois farfelues : elle a quitté la maison assez jeune, pour échapper à sa mère droguée par les médicaments, puis elle a eu des expériences plus ou moins intéressantes, avec un passage par une dépendance à la drogue et une vie sexuelle parfois débridée. Aujourd'hui elle veut faire le point, mais découvre que tout n'est pas si simple...


Commençons par les points positifs du film. En fait, j'en retiens surtout un, l'originalité de la construction que fait passer l'action du temps présent au temps passé, même si ce dernier est vu de manière chronologique (ce qui empêche certaines prises de risque scénaristiques qui auraient pu être intéressantes). On passe ainsi de la Pippa pimpante et gaie, à la jeune Pippa, en lutte avec sa mère, ou chez sa tante lesbienne. Ce va-et-vient permet de donner du rythme au film, et de lui conserver de la fraicheur dans le traitement. Un des autres points positifs est le passage où Pippa, ado, a fui de sa maison et se retrouve chez sa tante, qui vit avec une colocataire qui se trouve être sa petite amie, et qui a des comportements un peu étranges. Julianne Moore, qui joue l'amie, donne à ce personnage une dimension intrigante en quelques minutes, et constitue un des bons moments du films.


Pour le reste, c'est beaucoup plus mitigé. Le plus gros souci vient du fait que Pippa adulte, qui occupe la plus grande partie du film, est incarnée par Robin Wright Penn. Elle n'est pas mauvaise, mais manque singulièrement de charisme pour porter ce film sur ses épaules. Alors qu'elle joue une femme qui se bat pour sortir de la morosité de son couple, elle n'arrive jamais à faire ressortir sa colère ou son envie de révolte. Même lorsqu'elle découvre la maîtresse de son mari (Wynona Ryder, pas vernie dans ce rôle), on la sent désemparée, mais aussi fataliste. Et pour se consoler, elle se jette dans les bras du voisin (Keanu Reeves, plutôt intéressant dans ce petit rôle). Du coup, on regarde le film sans déplaisir, mais en attendant que le présent cède la place au passé, plus intéressant et beaucoup plus rythmé. Surtout, Blake Lively, qui incarne Pippa Lee jeune est autrement plus convaincante que Robin.


Au final, un film simplement plaisant, qui se voit sans difficulté, mais qui aurait certainement gagné à être un peu plus décalé. L'opposition entre jeunesse débridée et vie rangée est une idée intéressante, mais trop sagement mise en scène ici.

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30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 15:16

Stanislas Graff est homme d'affaires, héritier d'un empire légué par son père. Homme pressé, courant entre rendez-vous avec les ministres, maîtresses et domicile conjugal, il a une vie agitée, jusqu'à ce qu'un matin, il est enlevé en bas de chez lui. Commence alors une détention d'une soixantaine de jours, dans les mains de bourreaux réclamant 50 millions d'euros. En parallèle, la vie privée de Graff est étalée dans les journaux : double vie, grosses pertes d'argent au jeu,... Sa famille tente de l'aider, mais ses subordonnés et amis ne l'entendent pas forcément de cette oreille...


Je crois que je vous ai déjà dit par ici combien j'aime Lucas Belvaux. Et son dernier opus ne va certainement pas tarir mon admiration pour ce cinéaste encore peu connu du grand public, mais qui signe une filmographie de qualité et cohérente. Dans Rapt, on retrouve les thèmes qu'il a déjà pu aborder dans certains films ou téléfilms. Ainsi, les scènes de captivité de Graff, dans un sous-sol éclairé par une lampe à gaz, rappellent celles de Cavale où Bruno Le Roux, terroriste, se terre dans son garage. Le monde des affaires évoque lui Les prédateurs, téléfilm en deux parties réalisé pour Canal + et traitant de l'affaire Elf. On se retrouve également dans un monde à l'exact opposé de celui de son précédent film, La raison du plus faible, où l'attention était portée sur des ouvriers cherchant à récupérer de l'argent de l'entreprise qui les a licencié. Ici, on se situe du côté des patrons, de la haute bourgeoisie parisienne où les domestiques servent à table et où les apparences et les convenances comptent.


Mais la force de ce film est justement de pas ne dicter au spectateur les sentiments qu'il a à éprouver. Assez naturellement, on s'attend à prendre en pitié ce patron, enlevé pour des raisons strictement financières. Les premières scènes de captivité, avec notamment ce majeur coupé et envoyé à sa famille, vont d'ailleurs dans ce sens. Mais peu à peu, le tableau change : on découvre sa double vie, son peu d'attention pour sa femme et ses filles et comme elles, on est un peu sous le choc des révélations. Mais de nouveau, le tableau, notamment après la libération de Graff, qui voit tous ses repères, professionnels comme familiaux, s'effondrer, change la donne. Et on se demande finalement qui lui a fait le plus de mal dans cette histoire. De la même manière, l'impression que laisse ses bras droits ou ses ravisseurs évoluent.


L'autre force est de rendre haletante cette histoire qui prend pour protagonistes principaux des individus qui refusent d'exprimer toute émotion, que ce soit la famille Graff, les policiers (quasiment toujours en costard-cravate) ou les ravisseurs. Ce ne sont donc pas les faits et gestes des personnages, mais bien le traitement cinématographique de Belvaux qui rend cette tension, notamment en ayant recours à des séquences courtes et qui s'enchaînent très rapidement, sans temps mort. Le moment fort du film est d'ailleurs la course-poursuite en voiture, hélicoptère puis train, pour laquelle le réalisateur utilise les mêmes effets. Mais cette rapidité des séquences est aussi balancée par des scènes un peu différentes, où la tension apparaît d'une autre manière, comme cette longue et belle scène sur la plage d'Ostende.


Les autres moments très fort du film sont ceux où Stanislas Graff (Yvan Attal, tout en retenue et très convaincant) est face à face avec son bourreau à l'accent marseillais (Gérard Meylan, doucereux et inquiétant comme il faut). Autour d'eux, André Marcon incarne un très bon bras droit qui n'hésite pas à profiter de la situation, et Françoise Fabian une mère froide, dont on se demande où elle cache ses sentiments (et surtout si elle en a). Je ne peux pas ne pas mentionner Patrick Descamps, qui devient un des acteurs fétiches de Belvaux et qui est, comme toujours, très bon. En revanche, Anne Consigny, qui joue la femme de Graff, est par moment un peu à côté, comme cela peut lui arriver de temps à autre. Lucas Belvaux, quant à lui, fait une courte apparition physique et vocale dans l'hélicoptère.


Pour conclure, Rapt est un film très efficace, comme toujours chez Belvaux très bien écrit, très bien servi par la musique de Riccardo del Fra, et qui devrait, comme pour d'autres de ses films (Un couple épatant, par exemple), encore gagner à être revu. Mais, je le répète, cet homme est merveilleux !!!


Pour ceux que cela intéresse, je vous invite à lire l'entretien qu'a accordé Lucas Belvaux à l'hebdomadaire Politis (si vous n'avez pas la version papier, je peux vous la faire parvenir !)

Autres films de Lucas Belvaux : Un couple épatant / Cavale / Après la vie


L'avis de Pascale (avec qui je vais me battre, puisqu'elle aussi l'aime d'amour !)

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20 novembre 2009 5 20 /11 /novembre /2009 07:55

Avant de découvrir le nouveau Resnais, et pour poursuivre mes découvertes des précédents films de ce grand réalisateur, je suis allé voir, sur les conseils (preque pas insistants ;-) d'une fan absolue, Providence. Ce film est sorti en France en 1977, a fait un tabac aux Césars et a été tourné en anglais, avec un très joli casting anglo-saxon (Dirk Bogarde, Ellen Burstyn, John Gieguld...). Et comme souvent avec Resnais, on se trouve confronté à une œuvre aux multiples facettes, troublante, mouvante et parfois fascinante.

 

Providence est le nom de la demeure de Clive Langham, un écrivain âgé et malade, qui a une fâcheuse tendance à abuser du vin blanc. Dans son lit, il rêve son futur roman : une histoire d'adultère entre une femme blasée par un mari avocat fortuné et un homme qui a échappé à la peine de mort que voulait lui infliger l'avocat en question. Mais les personnages de fiction se mêlent aux connaissances du romancier, et les traits de ses enfants apparaissent dans ceux des individus qu'il imagine...

 

Resnais interroge ici la frontière fragile entre fiction et réalité, avec ce mélange entre la vraie vie, symbolisée par le repas final, et les fantasmes issus de son imagination. Fantasmes qui prennent, au fil du temps, des dimensions de plus en plus rocambolesques. Si le début est surprenant mais peut paraître crédible (la fuite d'un homme des bois qui prend la forme d'une bête sauvage, avec du poil qui lui pousse partout, puis le procès de celui qui l'a tué et l'attirance entre cette femme et le meurtrier disculpé), la suite prend une tournure tout à fait différente. Le premier signe de ce changement, le plus flagrant, est l'intervention de l'écrivain, qui décide de revoir de temps à autre sa copie en modifiant le comportement des personnages. L'écrivain revient régulièrement dans le film, via des scènes où il apparaît couché ou se promenant difficilement dans sa chambre, avec toujours une bouteille à portée de main.

 

Puis ce qui était réaliste disparaît pour laisser place à des séquences qui ne troublent pas les personnages, mais interrogent les spectateurs. Les décors changent alors que les personnages restent au même endroit (une fois une ville, une fois une mer dont il est clairement visible qu'elle est artificielle), un footballeur revient régulièrement, comme un leitmotiv, et les réactions des personnages sont de plus en plus imprévisibles.

 

En représentant ses personnages sous les traits de ses proches, Clive Langham pense raconter une histoire de fiction. Mais à travers ces personnages, ce sont ses obsessions qui apparaissent. Ainsi, l'élément le plus caractéristique de la vie de Langham, la bouteille de vin blanc, apparaît dans quasiment toutes les séquences fictives. Il en profite d'ailleurs pour réécrire les relations entre son fils, sa femme et son fils adoptif, comme si la réalité ne lui convenait pas, que les amours de sa progéniture étaient contre nature, et qu'il devait rétablir un ordre qui n'existe pas.

 

Bien entendu, le spectateur est parfois perdu dans ce mélange entre fiction et réalité, d'autant plus que, dans la fiction, tout est possible. Mais ce trouble n'est pas désagréable, car il interroge le lecteur sur la place entre fiction et réalité, et sur la façon dont la vie personnelle apparaît dans les oeuvres fictionnelles. Mais ce trouble n'a pas valu celui éprouvé devant d'autres films de Resnais, comme Je t'aime, je t'aime (sur la relation à la mémoire) ou L'année dernière à Marienbad, qui reste pour le moment mon préféré !

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16 novembre 2009 1 16 /11 /novembre /2009 09:31

Ah ! Comme il est difficile de parler de ce film ! Non pas parce qu'il y en a rien à dire, mais plutôt parce qu'il y a tellement de choses à évoquer dans Il était une fois en Amérique qu'un simple billet est loin d'être suffisant. Ce film de Leone, sorti en 1984, d'une durée de 3h45, est un véritable chef d'oeuvre, qui, comme d'autres films de cette trempe, fut un échec lors de sa sortie. Aujourd'hui, il retrouve le rang qui lui est dû, et qu'il n'aurait jamais dû quitter. Allons-y pour quelques éléments, mais ce sera vraiment succinct.

A New York, dans les milieux juifs et mafieux, la contrebande bat son plein. Le milieu est dirigé d'une main de maître par Noodles et Max, qui avec l'aide de Cockeye et Patsy, conduisent toutes les opérations de fabrication et de distribution de l'alcool prohibé. L'amitié entre Max et Noodles, les deux hommes forts, remonte à loin : jeunes déjà, ils s'aidaient dans les coups durs, et faisaient régner leur loi sur le quartier. Mais les amitiés d'enfants sont toujours mises par à mal par les évolutions des adultes, dont les idéaux peuvent diverger...

A travers trois périodes, présentées de manière non-chronologique, Leone réussit à dépeindre avec une virtusioté et un dynamisme époustouflant la vie de ce quartier et de ce groupe. Enfants, on suit les débuts des émois sexuels de Noodles, qui se cache dans les toilettes pour espionner Déborah, la fille du cafetier, quand elle répête ses pas de danse, ou d'un autre enfant qui veut échanger une pâtisserie contre les attentions d'une jeune fille, mais ne peut résister à la tentation d'engloutir la gâteau (une des plus belles scènes du film). On découvre comment les liens se nouent, comment la lutte contre l'adversité cimente une amitié indéfectible. Surtout, la violence de cette époque est constamment présente, dans ces milieux où tout est permis et où les policiers sont tournés en ridicule, surtout quand ils se font prendre dans les bras d'une jeune fille qui monnaye son corps et ses faveurs.

Adultes, on découvre les méthodes de ces hommes qui arrivent à faire valoir leurs intérêts à la fois dans les entreprises prohibées, mais également à faire d'un syndicaliste un pantin qui servira toutes leurs activités. La tension est constamment présente, et Leone la rend encore plus palpable en faisant durer les sons, en saturant l'espace sonore, comme avec ce téléphone qui lance véritablement le film, ou cette cuillère qui tourne sans fin dans une tasse, rendant l'intervention de Noodles encore plus forte. A l'aspect film d'action et presque policier (mais où est passé l'argent ?), Leone ne néglige pas l'aspect romantique et sentimental du film, avec notamment une séquence magnifique dans laquelle Noodles invite Déborah dans un hôtel, ouvert spécialement pour lui et dans lequel il a fait venir un orchestre. Les scènes de danse, ou celles sur la plage, sont magnifiques et tristes.

Et en plus de cela, le dénouement du film est également totalement inattendu, avec une confrontation finale de toute beauté et une conclusion sur un camion-poubelle (surprenant, n'est-ce pas !) qui permet des interprétations différentes. Bref, c'est un film merveilleux, qui joue sur tous les registres pour atteindre son but (car même le comique est présent, comme dans la scène de l'hôpital devant laquelle la vie est un long fleuve tranquille paraît un enfantillage).

A cela, il convient d'ajouter des acteurs assez fascinants, et au premier rang desquels Robert de Niro. En incarnant Noodles, jeune homme ayant connu la prison mais qui s'oppose aux méthodes violentes prônées par Max, il arrive à donner à ce personnage une dimension impressionnante.  Face à lui, on trouve un excellent James Woods, qui incarne un Max sans scrupules, usant et abusant de son pouvoir pour obtenir de l'argent et des femmes. Tous les autres rôles sont également très réussis, mais j'ai une tendresse particulière pour Deborah, jouée par Elizabeth McGovern, dont ce fut malheureusement le seul rôle important au cinéma.

Il convient également de mentionner la musique de Morriconne, qui comme dans beaucoup de fims de Leone, est devenue indissociable du film.


Voilà donc un film à voir au moins une fois dans sa vie, mais je suis ûr qu'une fois que vous y aurez goûté, vous aurez un goût de trop peu. Et si vous pouvez le voir au cinéma, je vous garantis que les 3h45 passent comme une lettre à la Poste, tellement l'ensemble est prenant et saisissant. Ahhh, quel film ! 

Le billet de Pascale (qui y a justement regoûté il y a peu)

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12 novembre 2009 4 12 /11 /novembre /2009 07:35

Jean-Pierre Jeunet, devenu réalisateur star depuis Amélie Poulain, revient avec un nouveau film, pour lequel il a abandonné Audrey Tautou, mais a conservé quelques connaissances : Dominique Pinon, bien sûr, mais aussi André Dussolier. Pour le reste, si les acteurs changent, on retrouve la patte du réalisateur, même si cet opus n'est pas le plus intéressant qu'il ait pu réaliser.


Bazil est un jeune homme pour lequel la vie n'est pas une partie de plaisir. Son père, militaire, a sauté sur une mine. Suite à ce décès, sa mère a plongé dans la dépression, laissant Bazil dans un pensionnat dirigé par les bonnes soeurs. Adulte, Bazil travaille dans un vidéo-club. Un soir, alors qu'il regarde Le grand sommeil qu'il connaît par coeur, une fusillade éclate dans la rue, et Bazil reçoit par accident une balle en pleine tête, qu'il conservera toute sa vie. Sans travail, contraint de faire la manche, son but sera alors de se venger de ceux qui ont détruit sa vie : la Vigilante de l'armement et les arsenaux d'Aubervilliers, qui ont fabriqué les armes sources de ses malheurs. Pour l'aider dans cette aventure, il sera aidé par des marginaux vivant dans une caverne sous le périph qui occupent leur temps à récupérer des matériaux et à fabriquer de nouveaux objets.


J'ai une affectation particulière pour Jeunet, car c'est par Amélie Poulain que j'ai véritablement fait mon entrée en cinéma. Depuis, la vision de Delicatessen ou d'Un long dimanche de fiançailles ont été des moments fort agréables, dans lequel on retrouvait un univers personnel et marquant. Avec Micmac à tire-larigot, Jeunet semble poursuivre dans cette veine, mais l'ensemble s'essouffle. Le film n'est pas mauvais, loin de là, mais certains manques font que cela reste un film agréable, sans plus.


Plusieurs éléments m'ont un peu retenu. Sur le fond, la critique des marchands d'armes est intéressante, et l'opposition des deux directeurs de société (Nicolas Marié, PDG branché, et André Dussollier, vieille école) fournit des moments assez savoureux, comme celui où Dussollier débarque chez son concurrent pour se venger d'un coup tordu. L'apparition d'émissaires africains travaillant pour un dictateur est également une idée de scénario bienvenue, car cela permet de montrer la vénalité des directeurs en question. Malheureusement, la charge ne va pas jusqu'au bout, et reste assez faible. Si ce film est une fable, un conte avec des personnages hors normes, il est tout de même étrange que les sanctions soient aussi peu sévères envers ces hommes ayant détruit la vie de Bazil.


L'autre point qui m'a gêné, c'est la primeur flagrante donnée à l'action, et ce au détriment des personnages. Bien sûr, le titre laisse entendre que la quête de Bazil ne sera de tout repos, mais j'ai trouvé qu'on passait à côté de nombreux personnages. Même Bazil (Dany Boon, bien) et la môme Caoutchouc (Julie Ferrier, très bien) sont assez peu esquissés. Quant aux autres membres de la tribu, que ce soit Tambouille (Yolande Moreau), Placard (Jean-Pierre Marielle), Fracasse (Dominique Pinon), Remington (Omar Sy, l'un des plus convaincants) ou les autres, on ne fait que les survoler. On ne saura jamais vraiment pourquoi ils sont là (ou très vaguement), et comment ce repaire a été mis en place. Si l'intrigue reste intéressante, avec des péripéties inattendues (homme-canon, détournement de la vidéo-surveillance gérée par Urbain Cancelier, libidineux à souhait) l'analyse des personnages reste un peu courte.


Jeunet n'hésite pas à faire des clins d'œil à son travail, que ce soit à ce film (puisque les références y sont nombreuses, avec des affiches parlant du film par exemple) ou aux précédents (le canal et la scène dans le café pour Amélie Poulain, les scènes sur les toits pour Delicatessen). Ces références font sourire le spectateur, mais il faudrait veiller à ce que le travail de Jeunet ne devienne pas uniquement de l'auto-référencement. Mais peut-être clôt-il avec ce film un cycle, qui fut tout de même assez riche.

A noter, ce qui est rare dans le cinéma, l'hommage rendu par Jeunet à Internet qui permet de confondre les deux directeurs véreux. En ces temps de débat sur le piratage et sur la crédibilité des informations délivrées par Internet, ce point me semble assez rare pour être souligné. 


L'avis de Pascale, de Laetitia

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8 novembre 2009 7 08 /11 /novembre /2009 17:35

Les problèmes d'immigration ne sont pas l'apanage des pays européens. L'Amérique est elle aussi concernée par ces questions, à laquelle les États-Unis répondent simplement par un mur construit à la frontière mexicaine. Mais l'entrée aux États-Unis est comme souvent précédée de voyages dangereux. C'est un de ces voyages qui nous suivons dans Sin nombre.


Au Honduras, Sayra s'apprête à faire le voyage vers les États-Unis en compagnie de son père et de son oncle. Le voyage n'est pas de tout repos, car sans papiers, il doivent échapper à la douane mexicaine. Pour traverser le Mexique, ils s'installent sur le toit d'un train qui voyage vers le nord. Malheureusement pour eux, des bandes mafieuses règnent sur le Mexique. Casper est membre de l'une d'entre elles, la Mara. Enrôlé jeune dans cette organisation, il commence à s'en détacher, et se rend compte de l'absurdité de cette organisation le jour où sa copine est tuée par le chef de la bande. Mais la déclaration de guerre arrivera juste après, quand Casper tue le chef, sur le point de violer Sayra (la migrante) qui poursuit son voyage. Casper, accompagné de Sayra, doit alors fuir le plus vite possible pour échapper aux tentacules de l'organisation mafieuse.


Le sujet est intéressant : montrer comment les habitants des États d'Amérique centrale arrivent à atteindre les États-Unis, et décrire les conditions de leur voyage. Il montre également comment la société mexicaine est infiltrée et tenue d'une poigne de fer par différents groupes mafieux.


Le premier point évoqué est celui que j'ai trouvé le plus intéressant. Les migrants se suspectent les uns les autres, la solidarité est très largement absente sur le toit de ce train. Surtout, la menace de la douane ou d'un racket par les mafieux est constamment présente, et les voyageurs sont toujours sur le qui-vive, évitant de dormir tous en même temps. On y voit également les passeurs, que ce soit entre le Honduras et le Mexique ou entre le Mexique et les États-Unis, qui font passer leurs clients sur des embarcations de fortune, faite de grosses chambres à air.


Sur la partie de la mafia, j'ai trouvé que certaines scènes étaient gratuitement violentes. S'il est difficile de passer sous silence le fait que l'allégeance à ces organisations est souvent due au risque de subir des violences physiques, le trait est un peu trop appuyé à mon goût, notamment lors des séances de tabassage collectif, préalables à l'entrée dans la Mara. En montrant que Casper n'est jamais en repos, le réalisateur (le jeune Cary Fukunaga, dont c'est le premier film) montre l'étendue de ces organisations capables de mobiliser des membres sur l'ensemble du territoire mexicain.


Mais ma plus grosse réticence est le scénario hollywoodien de ce film. Produit par un studio, on y sent son influence, avec ce voyage entre un jeune garçon en fuite et une jeune fille qui tente d'aller à l'étranger. La scène finale, également, est certes symboliquement forte, mais vraiment trop attendue et faite pour faire pleurer dans les chaumières.


Mais Sin nombre est tout de même un film intéressant, qui vaut le coup d'œil, rien que pour explorer ce monde largement passé sous silence dans nos contrées, où les problèmes d'immigration existent mais sont légèrement différents. (Pour les aspects européens du sujet, voir Welcome ou Nulle part terre promise)


L'avis de Pascale

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