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19 janvier 2008 6 19 /01 /janvier /2008 12:49

undefinedVoici un billet paru aujourd'hui sur le biblioblog, puisque ce roman a fait l'objet de l'énigme du dimanche soir.

Contre-enquête sur la mort d’Emma Bovary : voilà un titre intrigant. Comment un auteur contemporain peut-il parvenir à se réapproprier cette figure littéraire ? Et parviendra-t-il à nous faire entrer dans sa vision de la Bovary ?
 
Le roman débute là où Madame Bovary se termine, soit à la mort d’Emma. Suite à ce que tout le monde considère un suicide, la police de Rouen est envoyée à Yonville pour une enquête de routine. Mais rapidement, ce qui paraissait évident est remis en question. En particulier, les deux docteurs au chevet d’Emma, Canivet et Larivière, apportent des témoignages étranges : les dernières paroles d’Emma et des traces de coup.s Rémy, jeune officier de police, enquête donc sur cette affaire. Affaire qui devient de plus en plus étrange lorsque son supérieur, Delevoye, est mis à la retraite pour avoir trop fouiné dans les affaires d’Yonville….
 
Le début du roman est un vrai retour dans l’œuvre de Flaubert : on y retrouve au fil des pages tous les protagonistes du roman qui a fait scandale lors de sa parution : Charles Bovary et sa casquette, Homais le pharmacien, tous les habitants du Lion d’or, les amants d’Emma, Lheureux l’usurier.
Néanmoins, les rappels sont assez nombreux pour aborder ce roman sans avoir lu Madame Bovary. Mais mon plaisir du lecteur a aussi été de me remémorer les épisodes du roman originel.   
Puis petit à petit, on sent que le roman s’éloigne de la trame d’origine : les personnages évoluent, et on entre de plain pied dans un roman policier, où tous les personnages sont à un moment soupçonnés.
 
L’auteur, Philippe Doumenc, n’écrit pas à la façon de Flaubert, mais s’accapare les différents protagonistes. Ou alors, s’il a essayé d’écrire un pastiche, je suis passé à côté !
 
La fin du roman est un peu plus « décalée » : on sent que l’auteur n’a pas souhaité remettre en cause toute l’œuvre de Flaubert.
D’ailleurs, Flaubert apparaît plusieurs fois dans le texte : une fois comme assistant à l’enterrement d’Emma, puis le narrateur y fait plusieurs fois référence pour expliquer que Flaubert s’était fourvoyé dans son roman. Et clin d’œil amusant : l’ouverture du roman est un extrait d’une lettre écrite par Flaubert à George Sand, qui explique que les personnes qui ont voulu interpréter la mort d’Emma Bovary comme un assassinat et non un suicide n’ont pas compris l’ouvrage.
 
Un livre que je recommande à tous les amateurs d’Emma Bovary, et à tous ceux qui sont curieux de connaître le vertige suivant : « Mais non, c’est pas possible, Madame Bovary n’aurait jamais fait cela », et se rendre compte qu’elle n’est qu’un personnage fictif, et que chacun peut donc lui faire connaître le destin qu’il imagine.
 
 
Extrait
 
«  - Je continue donc, reprit Larivière, apparemment apaisé. Inutile de vous dire qu’à notre arrivée à Canivet et moi, la panique régnait ! Se trouvaient alors au chevet de la patiente son mari, le dénommé Charles Bovary, ainsi que la pharmacien du village et son épouse qu’il avait appelés en première instance, chacun semblant affolé et évoquant une tentative de suicide au sujet de laquelle la victime avait laissé une lettre. Quand tout a semblé perdu et qu’il a été décidé d’appeler le prêtre, Bovary, le pharmacien et sa femme y sont allés, moi je suis resté seul avec Canivet et la patiente. Je tenais la main de celle-ci, le pouls était imperceptible. Elle ne donnait presque plus signe de vie, mais tout à coup ses yeux se sont ouverts !... Elle m’a fixé avec une intensité que je n’oublierai jamais (or j’ai vu beaucoup de mourants dans ma vie, sachez-le !). Enfin, à croire que depuis le début elle suivait derrière ses yeux fermés toute l’agitation qui l’entourait, elle m’a demandé faiblement si j’étais le docteur Larivière (d’où tenait-elle mon nom ?). Sur ma réponse affirmative, elle m’a dit très distinctement « Assassinée, pas suicidée ». Canivet à son tour se penchant sur elle, elle a essayé de lui montrer quelque chose du côté du cou. Lui et moi étions stupéfaits. Nous l’avons pressé de questions mais déjà c’était trop tard, elle était retombée dans son coma, ou plutôt dans sa stupeur physiologique ! Quelques minutes après elle mourait, juste au moment où le curé du village entrait dans la chambre avec les derniers sacrements. »
Contre-enquête sur la mort d'Emma Bovary, de Philippe Doumenc
Ed. Actes Sud
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commentaires

S
J'en ai beaucoup entendu parler, c'est même le prix biblioblog, mais je passe, encore une fois...<br /> Ce titre ne m'a jamais vraiment tentée... Je ne sais pas trop pourquoi, les critiques sont bonnes, le sujet intrigant...<br /> mais bon, pas pour l'instant :)
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Y
<br /> C'est dommage, car c'est un livre intéressant, qui permet de plonger à nouveau dans l'univers de Yonville. Mais il te tentera peut-etre un jour...<br /> <br /> <br />