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18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 18:34

opera-de-quat-sous.jpgL'opéra de quat'sous, signé par Brecht avec une musique de Kurt Weill, est entré dans le panthéon du monde théâtral. En adaptant un opéra de John Gay écrit deux siècles plus tôt (L'opéra des gueux),  Brecht actualise l'histoire de ces exploiteurs de mendiants dans les bas-fonds de Londres. Pourtant, si Brecht a déjà été joué à la Comédie-Française, c'est la première fois que l'Opéra de quat'sous y est présenté. Version montée par Laurent Pelly, et que j'ai trouvé très réussie.

 

Brecht a rafraîchi l'intrigue en la situant dans le Londres de l'époque victorienne. Pelly en fait de même en introduisant des éléments contemporains (livreur de pizza, portable) de manière parcimonieuse. Mais le thème de la pièce de Brecht reste universel : l'homme ne vit que par l'exploitation de l'homme, et tous les moyens sont bons pour asseoir son pouvoir. Les dominants, ici, ce sont les Peachum, qui déguisent des hommes pour les faire passer pour des mendiants. Il y a aussi Mackie, en cheville avec le chef de la police, qui contrôle tous les brigands du quartier. Sous leurs ordres, des femmes, mais aussi des paumés qui tentent de survivre en trichant. Mais les vrais dominants restent dans l'ombre, simplement évoqués par Mackie lors de la scène finale ou par la police : la reine, qui se fait couronner, et les banques. Ici, on restera dans les bas-fonds, qui ont eux aussi leur organisation hiérarchique et injuste.

 

La pièce de Brecht a un contenu politique évident, mais reste un grand spectacle. Notamment grâce à l'utilisation permanente des chansons, puisant dans différents registres (cabaret, chanson populaires, tango,...). Ajoutez à cela les changements de décor à vue, et un dénouement en happy end annoncé comme tel, et vous plongez dans un spectacle tout en sachant que c'en est un.

 

Mais la grande force de la pièce, hormis son sujet et sa mise en scène (que j'ai trouvé sobre et éclairante), est la formidable prestation de la troupe. Ce sont les acteurs habituels qui entonnent toutes les chansons, pour certaines d'entre elles assez difficiles. Et ils le font tous avec brio. Au premier rang, Léonie Simaga, qui incarne une merveilleuse Polly Peachum. Son duel avec sa rivale (Marie-Sophie Ferdane), en prison, est un grand moment de théâtre. Mention aussi à Véronique Vella, irrésistible dans le rôle de Mme Peachum, petite femme acariâtre qui a elle son morceau de bravoure lors d'une descente dans un bordel. Bordel où règne en maîtresse Sylvia Bergé, surprenante prostituée.

 

Mais les hommes ne sont pas en reste, car Thierry Hancisse est un Mackie tout à fait savoureux, jouant merveilleusement de la force sensuelle qui lui est caractéristique. Son rival, Mr Peachum, est incarné par Bruno Raffaeli qui use de sa haute stature pour asseoir son pouvoir sur les mendiants. Et les rôles secondaires (Laurent Natrella en Tiger Brown, Jérôme Pouly, Christian Gonon ou tous les jeunes comédiens de la troupe) apportent une fraîcheur dans leurs personnages. 

 

Et l'orchestre, dirigé par Bruno Fontaine, reprend les musiques de Kurt Weill, en laissant la place aux chanteurs. Ce qui rend la pièce tout à fait audible, et je n'ai eu aucun problème de compréhension lors des parties chantées. Un grand spectacle, qui permet de passer une excellente soirée et de se familiariser avec le théâtre de Brecht de manière abordable, car l'auteur allemand peut parfois impressionner.

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commentaires

M
<br /> Cette pièce est extraordinaire, et je regrette qu'elle n'ait pas été reprise. Elle m'a procuré un sentiment de douce extase, et à part la toute première pièce que j'ai vue, je n'ai jamais aimé un<br /> spectalce autant que celui-ci ! Une merveille !<br />
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Y
<br /> <br /> Un très beau spectacle en effet. Pour la reprise, il faut peut-être attendre les années à venir, cette année étant marquée par les travaux de la grande salle.<br /> <br /> <br /> <br />