Voici un blog très subjectif sur ce que je vois au cinéma, à la télévision ou au théâtre, sur ce que je lis ou ce que j'entends.
La terre de la
folie est un étrange documentaire. Luc Moullet, réalisateur et narrateur, a décidé de retourner dans les Alpes de Haute-Provence, dont il est originaire, pour enquêter sur les actes criminels de
la région, très nombreux. Parmi ceux-ci, on en trouve un perprétré par un membre éloigné de sa famille. Il délimite un pentagone dont le centre est Digne-les-Bains, et les sommets Sault,
Manosque ou Castellane. Et il se promène dans ce pentagone, découvre les meurtres, immolations ou autres suicides qui y ont eu lieu. Pour lui, différentes explications peuvent être avancées pour
décrire cette spécificité, mais ce documentaire est un moyen pour Luc Moullet de revenir sur sa propre part de folie.
La narration est on ne peut plus classique. Luc Moullet nous raconte en majorité des histoires, avec l'aide des habitants de différents bourgs où ont eu lieu ces crimes. On y parle à la fois d'affaires familiales, d'adultères, de violences gratuites, mais aussi de certaines qui ont défrayé la chronique, comme l'affaire Dominici ou celle de cette femme qui a été retrouvé découpée en morceaux dans la ville de Digne. La suite de ces événements macabres est tellement incroyable que cela en devient cocasse, malgré tout. Car devant cette accumulation, on est obligé d'imaginer qu'il y a une raison pour laquelle ce territoire est autant marqué par ces événements tragiques.
Luc Moullet avance différentes raisons : la forte radioactivité du site, suite au passage de Tchernobyl (mais cette explication ne tient pas pour les événements plus anciens), le manque d'iode, qui entraîne un ralentissement de l'activité, l'implantation de nombreuses sectes, le paysage désolé de cette région, où poussent les cailloux, le vent fort de ces hauts plateaux ou la solitude... Bien entendu, les relations consanguines peuvent être une autre explication.
Mais chercher pourquoi n'est le propos principal de Luc Moullet. A travers ce documentaire, il souhaite montrer qu'un acte de folie meurtrière peut toucher n'importe qui, que les victimes subissent souvent des coups de la part de personnes qu'ils connaissent. Et mine de rien, Luc Moullet annonce que les crédits de l'hôpital psychiatrique ont été diminué, et rappelle, facétieux, que Jacques Chirac avait une fille psychoïde, ce qui n'est le cas du Président actuel. Les interventions de René Fregni, romancier qui fait part de son travail d'infirmier, sont également bienvenues.
Long-métrage très peu diffusé (deux salles dans Paris, deux en banlieue parisienne), La terre de la folie vaut vraiment le coup d'oeil. Et loin d'être une œuvre désincarnée ou simplement absurde, Luc Moullet n'hésite pas à revenir sur les propres fêlures de sa vie. Bref, un film déroutant, mais emballant !