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18 octobre 2012 4 18 /10 /octobre /2012 21:29

feuilleton.jpgLa revue est une forme d'édition qui revient à la mode, avec un nombre de titres de plus en plus nombreux. Si la plus connue est XXI, de nombreuses autres ouvrages ont pris le chemin tracé. C'est le cas notamment de Feuilleton.

Je dois toutefois immédiatement avouer que j'ai eu du mal à m'approprier cette revue. Si XXI est clairement de l'ordre du documentaire, je n'ai pas réussi à identifier la ligne éditoriale fixée par les rédacteurs de Feuilleton. Il y a des reportages, des inédits comme celui qui traite du culte du cargo sur l'île Vanuatu, ou des traductions, comme l'histoire de ces amants figures de l'art new-yorkais et qui se sont suicidés au faîte de leur gloire. Et puis, il y a des œuvres littéraires, dans le registre de la chronique, parues dans des revues. Ici, on peut trouver des textes d'Aharon Appelfeld (très beau texte sur Prague) et de Joan Didion.

Au milieu de l'ouvrage, on trouve un dossier sur Israël. On peut lire l'interview d'un musicien palestinien militant pour la paix par la musique, le récit d'un échec des services secrets et une description du quotidien des bédouin du Néguev. Plusieurs approches complémentaires, mais qui semblent plus juxtaposées que réfléchies.

Certains reportages sont très sérieux avec une approche vraiment intéressante. Ainsi, l'un des meilleurs articles est celui qui clôt la revue, consacré au jugement Loving versus Virginia. D'autres sont plus légers, comme celui consacré au Tour de France, avec un regard décalé. Puis il y a des textes dont j'ai eu du mal à cerner l'enjeu. C'est notamment le cas du témoignage de ce jeune homme, accro aux jeux vidéo et la cocaïne. Le récit est plutôt prenant, mais le fond du texte est très léger.

Au final, si le traitement est parfois intéressant, il est aussi de temps en temps trop léger. Et cela crée une hétérogénéité dans le traitement qui est assez dommageable, car le lecteur (en tout cas moi) a du mal à se situer. Une expérience en demie-teinte, donc.

 

Ma chronique sur XXI, qui m'a beaucoup plus séduit.

 

Je remercie Libfly et Yomu, qui m'ont permis de recevoir cette revue et de rencontrer la secrétaire de rédaction de la revue, qui a pu m'éclairer sur les ambitions des fondateurs.

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16 octobre 2012 2 16 /10 /octobre /2012 08:06

atterrir.jpgAlors qu'elle rentre d'Espagne, une jeune néerlandaise est assise à côté d'un vieil espagnol qui va rendre visite à son fils. Elle entame une discussion, coupée par une collation et une sieste. Au moment de descendre, elle pense reprendre la conversation interrompue. Malheureusement, l'homme est mort, d'un arrêt cardiaque. C'est cette mort qui débute le roman de Laia Fabregas.

 

Atterrir est un roman à deux voix. Celle de la jeune femme, qui parcourt l'Europe pour retrouver cent personnes. Ces personnes ont leur nom sur une liste, et on ne découvre que petit à petit le point commun de toutes ces personnes. Car qu'y a-t-il en commun entre une journaliste néerlandaise, une jeune tenancière de bar ou un jeune berlinois ? C'est une part du mystère qui parcourt le roman.

 

L'autre voix est celle du vieil espagnol, mort dans l'avion. Il raconte son histoire, son départ d'Espagne un peu par hasard, avec une simple valise en carton, pour être embauché dans une usine aux Pays-Bas, comme beaucoup de ses compatriotes. Il évoque sa vie dans les campements dédiés aux immigrés espagnols, sa rencontre avec Wilemine, qui deviendra sa femme. Puis son retour en Espagne, à Figueras, pour essayer d'améliorer la santé de son épouse.

 

Le texte est à deux, mais il donne également l'occasion de voyager dans deux sociétés différentes. On navigue constamment entre les Pays-Bas d'aujourd'hui, où une jeune femme tente de répondre à une énigme de son passé, et l'Espagne , pays d'origine et lien indéfectible pour un homme qui a choisi temporairement de partir. Evidemment, ces deux histoires vont se croiser, se rapprocher et se séparer, dans une construction habile et efficace qui évite tout pathos excessif.

 

Laia Fabregas est d'origine espagnole, comme son nom le laisse penser. Mais elle a choisi de vivre aux Pays-Bas et écrit dans la langue de son pays d'accueil. Elle mêle donc dans le roman les deux pays qui ont marqué son parcours et donne à lire une intrigue prenante, servie par une jolie plume.

 

Atterrir de Laia Fabregas

Traduit du néerlandais par Arlette Ounanian

Ed. Actes Sud

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3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 08:13

dans-ma-peau.jpgProfessionnellement, Guillaume de Fonclare est le directeur de l’Historial de la Grande Guerre, à Péronne. Le musée retrace la vie des soldats de 14-18, leurs conditions d’existence et de survie dans ce moment de négation de l’humanité. Guillaume de Fonclare est atteint d’une maladie rare, qui rend ses mouvements chaque jour plus douloureux. Ce récit est celui de sa lutte, indispensable mais vaine, contre cette maladie qui aura à terme raison de son amour pour son métier et de sa vie.


Le roman est d’entrée placé sous le signe de cette maladie qu’il ne peut oublier et qui occupe une majorité de ses pensées. Car elle le fait souffrir de plus en plus,

Je bataille pour marcher, pour parler, pour écrire, pour mouvoir des muscles qui m’écharpent à tout moment

Mais la maladie bouche son horizon professionnel et affectif.

je ne vois plus les sourires de mes enfants, ni les tendres regards de celle que j’aime

Ce récit est l’histoire d’une déchéance annoncée, physique et morale. Alors, forcément, le ton est pessimiste, morbide, mais Guillaume de Fonclare refuse l’abattement. Il continue à espérer, pour sa femme, pour ses deux enfants cités dans le texte et à qui il rend hommage, ou pour ses collègues de l’Historial.


Même s’il éprouve des difficultés croissantes dans son métier, au point de parfois devoir quitter précipitamment son bureau à cause de la douleur, il attache beaucoup d’importance à son activité. On sent que le jour où il sera remplacé, ce sera pour lui la fin d’un lien important avec la vie active. Le récit est d’ailleurs parsemé de références à la Grande Guerre, avec des anecdotes ou des informations historiques. Ainsi, il se souvient du jour où il a rencontré des vétérans australiens, et de cette discussion sur un coin de trottoir avec l’un d’entre eux, en hommage à son ami resté dans les tranchées.


Il raconte également sa visite dans quelques cimetières militaires. Il se souvient plus particulièrement de l’un d’entre eux, le Railway Hollow Cemetery, où les soldats britanniques enterrés venaient presque tous du même village et où il souhaite se rendre avant qu’il ne soit trop tard. Ce fut également pour moi l’occasion d’apprendre que chaque pays traite de manière différente les corps retrouvés sur les champs de bataille. Pour les français, le corps est renvoyé dans son village s’il est identifié, envoyé à l’ossuaire sinon. Pour les allemands, la question de l’identification ne se pose pas, et c’est direction l’ossuaire directement. Les anglo-saxons ont une approche différente : les corps restent à l’endroit où ils ont été trouvés, identifiés ou non. Ce qui explique le nombre important de cimetières britanniques dans la Somme, autour de Péronne, ou dans les Flandres.


Le fait de côtoyer l’histoire de ces soldats, considérés comme de la chair à canon, est un moyen pour Guillaume de Fonclare de relativiser sa situation d’infirme en devenir. Les images des gueules cassées ou des estropiés sont pour lui habituelles. Mais cela ne suffit pas à lui faire oublier la douleur, vive, permanente, qui secoue son corps et le marque. C’est un récit dense et intense que livre l’auteur sur sa maladie, sa confrontation avec elle au quotidien et ses angoisses, naturellement compréhensibles.

 

Dans ma peau de Guillaume de Fonclare

Ed. Stock

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28 septembre 2012 5 28 /09 /septembre /2012 08:50

a-melie-sans-melo.jpgMélie est une vieille dame de 72 ans. Encore vive, elle prépare les vacances qu’elle va passer avec Clara, sa petite-fille de 10 ans. Deux mois ensemble, c’est l’occasion de faire de nombreuses rencontres, d’autant plus que l’entourage de Mélie est riche. Et même si l’horizon de Mélie est menacé par un examen médical, rien ne pourra assombrir cette parenthèse de deux mois.

 

Clara, lors de ses vacances, va faire la rencontre de Marcel, un ancien mécano qui se déplace aujourd’hui en fauteuil roulant. Pour le faire sortir de la maison de retraite, Mélie invente des pannes qu’il vient réparer. Mais Marcel n’est peut-être pas aussi faible qu’il le laisse paraitre.

 

Clara va également retrouver Georges, le médecin de sa grand-mère, qui est également un ancien amour de sa mère. Il y a également Pépé, un immigré espagnol qui sert de chauffeur à Marcel, Fannette, la mère de Clara, ou Bello, son parrain par adoption, un musicien qui adore s’entourer de filleuls.

 

Mais il y a surtout Antoine, le copain de Clara. Ou plutôt le petit copain. Il a peur des araignées, et des vacances à la campagne ne sont pas forcément le bon endroit pour éviter les petites bêtes à longues pattes.

 

C’est dans un décor champêtre que ces personnages prennent place, surmontent leurs failles et affichent leur amour au grand jour. On sent dans ce roman beaucoup d’affection, de sympathie et de tendresse, avec la volonté de ne rien cacher, de toujours dire ce qui doit être dit. C’est une récréation littéraire tout à fait agréable, dans laquelle Barbara Constantine alterne avec bonheur les styles de narration (récit, lette, coup de téléphone, confession à un dictaphone). Ce roman permet de passer un moment sympathique en compagnie de personnages haut en couleur. (ce qui n’est pas sans rappeler quelques bons ouvrages d’Anna Gavalda)

 

A Mélie, sans mélo de Barbara Constantine

Ed. Calmann-Lévy

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23 septembre 2012 7 23 /09 /septembre /2012 12:12

Rivaz-LaPoussette.jpgC'est une histoire déroutante. Celle d'une jeune femme qui voit sa vie basculer à 14 ans et demi, à cause d'une poussette.

 

Le roman retrace la vie de cette jeune femme, marquée par un accident de poussette : alors qu'elle promène dans son établissement scolaire le bébé de sa professeur de puéricultrice, les roues de l'engin se prennent dans une grille et l'enfant retombe. C'est pour elle la fin de son rêve de puéricultrice, et le début d'une vie atypique.

 

Car elle a du mal à se reconstruire. Ses études d'horticulture tournent court à cause d'un incendie qui détruit une grande serre à papillons. Elle trouve l'amour sur un terrain de golf, avec un homme-grenouille qui plonge dans les bassins pour récupérer les balles perdues par les joueurs.

 

Mais l'envie la plus forte de cette femme est d'avoir un enfant. Malheureusement, le traumatisme de la poussette l'empêche de devenir mère. Elle trouve un donneur de sperme gratuit en Hollande, mais la fécondation échoue. Elle choisit donc de commander par la poste, un poupon en plastique, nommé Newborn. Mais là encore, elle a du mal à s'en occuper.

 

Ce court roman de Dominique de Rivaz est un exercice assez surprenant. Au coeur de l'ouvrage, on trouve le portrait de cette femme, dont on ne sait pas trop quel est le réel état psychique : est-elle déficiente mentale depuis l'enfance ? Est-ce l'accident de poussette qui est le début de la chute de cette femme ? Et que penser de cette dernière page, qui surprend  le lecteur, car elle présente une nouvelle facette de cette femme ?

 

Mais l'une des forces du roman est de donner, en quelques pages, de grandes scènes de littérature, assez mémorables. La plus marquante est certainement celle où des milliers de balles de golf sont déversées dans les rues de la ville, offrant un spectacle réjouissant sur le coup, mais créant des difficultés urbaines conséquentes (canalisations bouchées, notamment). Mais une scène de plongeon dans un lac ou la sortie de l'homme-grenouille des bassins sont également marquantes. Un petit ouvrage qui sort des sentiers battus et donne à lire une histoire tout à fait originale.

 

La poussette de Dominique de Rivaz

Ed. Buchet-Chastel

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18 septembre 2012 2 18 /09 /septembre /2012 10:00

pot-bouille.gifPour ce dixième volume de la série des Rougon-Macquart, Zola continue sa description du monde parisien. Après les dorures des ministères, la boutique de Gervaise, l'appartement à Passy et les différentes résidences de Nana, il s'attache ici à décrire le fonctionnement d'un immeuble haussmanien. On se retrouve dans une ambiance proche de celle de La curée, où quelques notables tentent de profiter des travaux d'urbanisme d'Haussmann pour s'enrichir, tandis qu'une grande partie de la population subit plus qu'elle ne profite de ces évolutions.

 

Mais l'apport de ce nouveau roman est d'entrer dans l'intimité de la vie de cet immeuble. Le prétexte est Octave Mouret, qui arrive de Plassans pour s'installer à la capitale, avec l'aide de quelques connaissances. Il prend peu à peu pied dans cette société, où les machinations et les mensonges des plus riches permettent aux bonnes de nourrir leurs discussions. Car si la vie des bonnes est marquée par le sacrifice et la soumission, celle des maitres est occupée à trouver le mariage le plus profitable, à faire fructifier les placements ou à attendre que le vieil oncle avare daigne donner sa part à la famille.

 

C'est donc une grande galerie de portraits que donne à voir Zola. Cela passe par le concierge, ancien serviteur chez un noble qui n'arrive à se faire à la présence d'ouvriers dans la demeure qu'il entretient. Mais aussi par différentes familles, comme les Josserand, où la mari tente péniblement de fournir l'argent pour toutes les coquetteries de sa femme qui souhaite absolument rivaliser  avec les réceptions des voisins du dessous. Cela donne lieu à des pasages où le grotesque de Zola se déploie amplement. C'est d'ailleurs une des caractéristiques de ce roman : on y ressent fortement le regard acide que porte Zola sur ce monde refermé sur lui-même, incapable d'accepter autrui et regardant de travers ceux qui ne partagent pas leur façon de vivre.

 

Zola en profite pour donner aux bonnes quelques scènes d'anthologie, comme celui du difficile accouchement d'Adèle, seule dans sa chambre du dernier étage. Et au milieu de tous ces personnages, on suit Octave, opportuniste qui arrive à retomber sur ses pieds en se rapprochant de sa patronne qui devient sa femme. Et dont on suivra l'ascension de plus près dans le volume suivant, Au bonheur des dames.

 

Néanmoins, Pot-Bouille ne m'a complétement convaincu. Le dénigrement des bourgeois a un aspect un peu systématique, et sa peinture des domestiques est un peu limitée. Il faut dire que depuis, que ce soit dans La règle du jeu de Renoir ou dans Gosford Park de Robert Altman (et il y en a bien d'autres), les relations entre maîtres et domestiques ont beaucoup servi à la construction de fictions. Pot-Bouille reste toutefois la description un peu vacharde et caustique d'un immeuble bourgeois de ce Paris sous Napoléon III, à une époque où les bourgeois pensent avoir repris le contrôle de la société.

 

Autres romans de Zola : L'Assommoir, Son excellence Eugène Rougon, Une page d'amour, Nana

 

Pot Bouille d'Emile Zola

Ed. Folio - Classique

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13 septembre 2012 4 13 /09 /septembre /2012 10:01

Cinema.jpgTanguy Viel est amateur de cinéma, comme il a déjà pu le montrer dans son petit ouvrage Hitchcock, par exemple. Retour sur un de ses premiers romans, qui confirme son amour pour le septième art et sobrement intitulé Cinéma.

 

Attention, Viel ne fait pas ici un long article sur l'histoire du cinéma ou sur sa relation personnelle au cinéma ; il met en scène un personnage, narrateur unique du roman, qui a construit toute sa vie autour d'une seul et unique film. Ce film, il l'a vu des dizaines de fois, le connaît par coeur et chaque nouveau visionnage donne lieu à de nouvelles réflexions, qu'il note précieusement dans son carnet. Si la connaissance parfaite d'un film n'est pas forcément originale, ce qui l'est beaucoup plus, c'est qu'il a construit sa vie, personnelle et amicale, à partir de ce dernier. Le narrateur en est tellement intime qu'il l'appelle par son petit nom, Sleuth, comme si c'était un ami de longue date.

 

Dès qu'il en a l'occasion, il propose à ses amis de regarder le film. Et il ne supporte pas que certains d'entre eux puissent ne pas trouver le film formidable. C'est alors pour lui le signe que cette amitié est vaine, car la personne en question n'est pas capable de saisir les subtilités du film et refuse la jouissance que procure le film.

 

Le roman est une longue déclaration d'amour au film, qui tient pour beaucoup en une explication de l'intrigue, particulièrement alambiquée. Car c'est un huis-clos, où les masques tombent, où les jeux de déguisement sont nombreux et importants. Autre force du film et du roman, sa fin en forme de point d'interrogation : quel était l'objectif de Milo Tindle quand il revient chez Andrew Wyke ?

 

C'est aussi un excellent moyen de se replonger dans le formidable dernier film de Mankiewicz, où Michael Caine et Laurence Olivier s'en donnent à coeur joie. Car, petite précaution, je pense qu'il vaut mieux avoir vu Sleuth (Le limier en français, dans sa version première, un film passionnant avec une mise en scène et un sens du suspense formidable) avant de se lancer dans le roman, au risque de perdre le bénéfice de la surprise, un des éléments fondamental du film. (mais je dis cela comme on conseille souvent de lire le livre avant de voir le film, ce que l'on ne fait finalement que rarement. D'où l'idée qu'on peut lire le livre sans voir le film, le plaisir sera différent). Et Tanguy Viel confirme une nouvelle fois, s'il était nécessaire, que son oeuvre littéraire tourne autour du thème de l'arnaque, presque toujours ratée. Un thème qu'il rend comme souvent assez palpitant.

 

Autres romans de l’auteur : Insoupçonnable, Paris-Brest, Hitchcock, par exemple, L'absolue perfection du crime

 

Cinéma de Tanguy Viel

Ed. de Minuit

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10 septembre 2012 1 10 /09 /septembre /2012 07:48

enfant-aux-cailloux-copie-1.jpgDe Sophie Loubière, je connaissais surtout la voix, mutine et malicieuse. Je pouvais l'entendre dans l'excellente émission de France Inter, Dernier parking avant la plage, où elle mêlait lectures d’œuvres littéraires et conseils décalés pour l'été (cocktails, minute de bricolage). Je savais que son autre passion est le roman noir, radiophonique ou papier. Je m'étais toujours demandé quel écrivain se cachait derrière cette voix. C'est donc avec beaucoup de curiosité que je me suis plongé dans L'enfant aux cailloux.

 

Il faut tout de suite signaler que Sophie Loubière maitrise à merveille l'art du suspense et la capacité de tenir en haleine le lecteur. Car il est quasiment impossible, tout au long de la lecture, de savoir ce qui arrive à Elsa, cette vieille institutrice à la retraite. Est-elle folle ? A-t-elle besoin de se donner des émotions pour combler sa solitude ? Ou lutte-t-elle seule contre tous, son fils, les services sociaux, son psychiatre ?

 

Elsa est en effet persuadée qu'il se passe des choses plus qu'étranges dans le pavillon en face de chez elle. Officiellement y est domicilié un couple sans histoire, avec ses deux enfants, scolarisé. Mais Elsa a vu, presque toutes les semaines, dans le jardin, un jeune enfant maladif, timide, à qui personne ne parle. Il ne sort que rarement et sa seule occupation est de jouer avec les cailloux qu'il trouve sur le sol.

 

Elsa, intriguée, décide de mener son enquête. Elle se rapproche des parents et des enfants, de l'école où ils sont scolarisés, des services sociaux. Pourtant tout le monde est formel : le couple en question n'a que deux enfants, et rien ne permet d'en douter.

 

C'est sur cette trame que se déploie toute l'habileté de Sophie Loubière. Au cœur du roman, il y a ce doute persistant de savoir où est la vérité. Puis elle y ajoute de nombreux problèmes plus personnels : des relations compliquées avec son fils unique, un retour dans la ville où elle a grandi, des difficultés à affronter un passé qui la rattrape. Mais elle fait également preuve d'une belle maîtrise dans les scènes d'action, assez fortes ici. Le roman est une belle réussite, avec un personnage de femme âgée attachant, une intrigue haletante et une écriture sobre et efficace, que ce soit pour les dialogues ou pour les lettres qui parsèment le roman. Vraiment, je suis très content d'être passé derrière cette voix !

 

L'avis de Liliba, que je remercie pour le prêt de ce roman, d'Enna.

 

L'enfant aux cailloux de Sophie Loubière

Ed. Fleuve Noir

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5 septembre 2012 3 05 /09 /septembre /2012 18:30

le-silence-de-l-opera.jpgMa nièce, depuis l'âge de ses trois ans, s'est pris d'amour pour Carmen qu'elle regarde en boucle. Depuis, je suis persuadé que les plus petits peuvent aimer l'opéra. Et quand un auteur et un éditeur font un aussi beau travail qu'avec ce magnifique ouvrage pour enfants, on est presque sûr que le rapprochement entre opéra et enfance est en bonne voie.

 

Dans ce conte, le héros est un enfant, Louis. Il aime se promener avec un enregistreur de sons dans la ville, et se rend à l'opéra. Le lieu est désert, mais derrière le calme apparent, c'est une toute une vie qui se cache dans le bâtiment. Louis va donc rencontrer les différents habitants de ce bel endroit, et repartir changé.

 

La première personne qu'il croise de loin est un homme sombre, qui laisse tomber une page de sa partition. Puis Louis fait connaissance avec les fantômes qui hantent le lieu. Ah, ce ne sont pas des êtres bien maléfiques. Chaque fantôme incarne un opéra qui a été joué dans le lieu, avec tous ses personnages, sa musique, ses décors… Pour égayer leur journée, les fantômes proposent à Louis de jouer à cache-cache, ce qu'il accepte volontiers. Mais, à la recherche des fantômes, il rencontre des personnages bien curieux. Il y a un cuisinier qui mitonne des marmites de bravos et des casseroles de huées. Il croise également des pompiers, occupés à vérifier la sécurité du bâtiment, un rideau qui a vu passer beaucoup de vie dans ce bâtiment. Mes personnages préférés sont les canards, abandonnés au fond de la cave, les pieds dans l'eau, car personne ne veut entendre leurs sons disgracieux.

 

Non seulement l'histoire est très plaisante, mais l'ouvrage a bien d'autres avantages. Il est en effet magnifiquement illustré. Sur chaque page, un dessin fait face au texte et donne à voir l'histoire de Louis. Par moment, les pages se déplient et ce sont des grandes fresques que découvre le lecteur. On voit ainsi les fantômes, accoutrés selon l'opéra qu'ils représentent. Certains sont très typés (les wagnériens ou les romantiques notamment), laissant apparaître des quadriges de chevaux, un vaisseau fantôme ou une jeune femme maladive.

 

Mais cela ne s'arrête pas là. Comme, dans l'opéra, le mieux est encore de l'écouter, Pierre Créac'h et son éditeur ont eu l'excellente idée d'agrémenter cet ouvrage d'une version audio. L'histoire, contée par la malicieuse voix de Jean Rochefort (qui a plusieurs moments se permet de rire, ce qui vaut vraiment le coup d'oreille), est soutenue par une bande-son composée de nombreux extraits de pièces d'opéra. Si tous ne sont pas reconnaissables (certains extraits sont très courts ou se chevauchent), cela permet à l'auditeur de s'immerger totalement dans cette très jolie histoire. Le silence de l'opéra est selon moi une excellente manière d'initier les plus petits au monde magique et parfois impressionnant de l'opéra, car c'est une entrée en matière très douce. Mais il fournit également beaucoup de plaisir aux plus grands, qui suivent l'intrigue, attentifs.

 

A visiter, le joli site de l'ouvrage

 

Le silence de l'opéra de Pierre Créac'h

Un conte musical dit par Jean Rochefort

Ed. Sarbacane

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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 07:22

ils-ne-sont-pour-rien-dans-mes-larmes.jpgEst-ce qu'un film peut changer la vie d'un spectateur ? Pour Olivia Rosenthal, la réponse est oui. Dans ce court ouvrage, quatorze personnes prennent la parole pour présenter le film qui a changé, de façon infime et en profondeur, le cours de leur vie.

 

Pour presque tous ces témoignages, le plus flagrant est que le cinéma n'est pas sans lien avec la vie du spectateur. Surtout, la réception d'un film est fonction du moment où le spectateur le voit. De son état émotionnel à ce moment précis, de sa situation amoureuse, de sa santé, de sa fatigue. Pour chacun de ces spectateurs, les conditions de visionnage du film, largement décrites, sont primordiales.

 

Cette balade dans les biographies cinématographiques de ces spectateurs est très hétérogène, pour le plus grand plaisir du lecteur cinéphile. On plonge dans la Nuit américaine, de Truffaut, dans Douze hommes en colère ou Le dernier tango à Paris. De grands films, de grands réalisateurs (Alain Resnais, David Lynch) pour un voyage dans des intimités cinéphiles, entre grande œuvre et vie personnelle. Malheureusement, et c'est certainement le lot de beaucoup d'écrits de ce type, les récits sont tellement courts qu'ils sont vite oubliés. C'est vraisemblablement un ouvrage qu'un cinéphile ouvrira régulièrement, notamment à chaque fois qu'il verra un film dont il est question dans l'ouvrage.

 

Ce qui est troublant, c'est qu'on ne sait pas si ces témoignages sont fictifs ou documentaires. A aucun moment, Olivia Rosenthal ne donne la clé pour répondre à cette question. L'ouvrage peut donc se lire de plusieurs façons : soit un travail d'écriture assez intéressant, car il permet à l'auteur d'aborder des écritures très différentes  soit un travail de transcription d'entretiens, qui donne à voir la multiplicité des façons d'aborder le cinéma et les films. Si l'ouverture de l'ouvrage avec Vertigo et la fermeture avec Les parapluies de Cherbourg (très beau passage) penchent clairement du premier côté, le reste de l'ouvrage est plus ambigu.

 

Ils ne sont pour rien dans mes larmes d'Olivia Rosenthal

Ed. Verticales

 

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