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13 mai 2009 3 13 /05 /mai /2009 10:06

Jean-Louis Fournier, l’auteur de ce roman, est le père de Thomas et Mathieu, les héros. Mais Thomas et Mathieu ne sont pas comme les autres enfants : ils sont tous deux handicapés. Un handicap mental, qui fait qu’ils ne grandiront jamais vraiment. Un handicap physique également, qui leur rend le dos bossu. C’est cette relation avec ces deux enfants handicapés que nous raconte leur père, avec distance, ironie et tendresse.

 

Mathieu est le premier des enfants à naître. Handicapé, les deux parents sont sous le coup de cette annonce redoutée mais heureusement assez rare. Quel n’est pas leur choc lorsqu’à la naissance de Thomas, les médecins annoncent aux parents que Thomas est lui aussi touché par le handicap. Ne voulant provoquer la pitié ni chez ses proches, ni chez le lecteur, Jean-Louis Fournier a adopté une position de prise de distance vis-à-vis de ses enfants. Il n’hésite pas à faire des plaisanteries au sujet de ses enfants qui ne deviendront jamais adultes. Il plaisante également Josée, qui s’occupe des enfants, et qui après une phase d’incrédulité, comprend le fonctionnement du père.

 

Jean-Louis Fournier ne cache pas ses peurs,  ni le fait qu’il n’ait pas forcément été un père très attentif pour ces deux fils, souvent à l’institut médical. Il raconte sa rupture avec son épouse, son amour pour les voitures de collection, tout en regrettant le fait que ses enfants ne connaîtront jamais Bach, Chopin, Wagner,…

 

Jean-Louis Fournier utilise des formes courtes pour décrire chaque saynète, chaque réflexion sur la situation de ses enfants ou des handicapés en général. Le format, s’il permet de condenser le récit et de faire jouer le ressort comique de nombreuses situations, dessert néanmoins le livre sur le plan strictement littéraire. Si cet ouvrage est un témoignage intéressant (et construit, tout de même) d’un père qui a du mal à assumer le handicap de ses enfants, je suis plus sceptique quant aux louanges qui font de cet ouvrage une des meilleures productions de la rentrée littéraire. Où on va, Papa ? est un roman sensible, qui crée de l’empathie chez le lecteur, et qui vaut la peine d’être lu pour découvrir l’humour dont fait preuve Fournier sur ce sujet difficile. De là à faire des tombereaux d’éloges, il y un pas que je ne franchirai pas...

 

Les avis de Karine (mitigée), Ys (emballée, et qui l’a lu avant la déferlante), Cathe (tout pareil que pour Ys), Laurent (intéressé), Philippe (sceptique) et bien d’autres…

 

Où on va, Papa ?, de Jean-Louis Fournier

Ed. Stock

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5 mai 2009 2 05 /05 /mai /2009 07:27

Non, avec ce billet, je n’évoquerai pas le clip de la chanteuse qui a laissé un souvenir impérissable à tous les jeunes garçons des années 1990, mais un ouvrage atypique signé Joy Sorman.

 

Mi-roman mi-essai, Boys, boys boys raconte la tentative d’une femme pour échapper à son sexe. Pas pour changer de sexe, mais pour s’affranchir de l’image sociale qui colle à toute femme. Mais aussi pour se rapprocher des groupes qu’elle n’est pas habituée à côtoyer : celui des hommes. On suit donc cette trentenaire qui se cherche, qui tente de briser les conventions sexuées. Cela ne se fera pas sans mal, et bien entendu, aucune réponse ne sera livrée en fin d’ouvrage. Ce serait trop facile !

 

Dès l’entrée en matière, le lecteur ne comprend pas trop le statut de cet ouvrage, notamment par le flou qui règne sur le narrateur. Femme trentenaire, oui, mais parfois présentée comme « elle » ou « la femme », parfois introduite par un « je ». Mélange entre autobiographie et fiction qui permet à cet exercice de ne pas constituer un simple témoignage, mais de tenter une réflexion plus approfondie sur les relations masculines et féminines, et sur ce qui fixe les codes de chaque groupe.

 

Agacée de la prévenance de ses amies qui tentent de la protéger, elle décide de se tourner vers des groupes masculins, des hommes qui n’hésitent pas à parler de politique, à refaire le monde autour de liqueurs ou autres breuvages, quand les dames discutent chiffons, font attention à leur ligne et à ce qu’elles boivent, et se séparent sagement à minuit. Plus généralement, elle préfère les discussions générales et sans tabous des hommes aux réflexions intimes et psychologiques des femmes. Femme dans un monde d’hommes, elle ne s’impose pas, mais tente d’apprendre les codes, même si elle sent qu’elle est toujours renvoyée à son statut féminin. Pour ses amies, en revanche, elle devient une sorte d’ovni, qui s’éloigne d’elles.

 

La seconde partie du livre s’attarde sur la notion de couple, et sur la confrontation des sexes au sein de celui-ci. Plutôt que de renverser les références sexuées du couple (l’homme à la cuisine, la femme devant la télé), elle a pour objectif de brouiller les repères sexués, de faire en sorte que cette séparation des tâches soit abolie. Le couple est pour elle le moyen d’exprimer dans l’intimité ce que qu’on doit cacher en public. Un couple ouvert, où chacun apprend de l’autre.

 

Petit livre intéressant pour réfléchir aux relations entre hommes et femmes, mais qui n’échappe pas complètement aux clichés qu’il prétend dénoncer (car dans ce cas, je suis plutôt une fille. Pas sur tous les aspects, mais en tous cas, je ne suis pas un garçon tel qu’elle les décrit). Ouvrage non dénué d’intérêt donc sur la prise de conscience d’une femme qu’il est nécessaire de se détacher des images toutes faites, et sur son parcours pour atteindre la virilité et incarner une nouvelle forme de féminité, qui d’une expérience forcément restreinte géographiquement et temporellement tente une analyse plus générale.

 

Boys, boys, boys, de Joy Sorman

Ed. Folio

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1 mai 2009 5 01 /05 /mai /2009 11:18

Carmen est aujourd’hui plus connue pour sa version opéra signée Bizet et Halévy que pour sa version nouvelle contée par Mérimée. Avant d’assister, fin juin, à une représentation scénique à l’Opéra Comique, j’ai mis le nez dans la version première. Et si la trame de l’opéra y est présente, Mérimée y ajoute beaucoup de considérations personnelles.

 

Petit résumé. Un archéologue se rend en Andalousie pour retrouver les ruines de Munda, lieu d’une bataille livrée par Jules César. Lors de ses recherches, il rencontre Don José, brigand notoire réputé dans la région. Après lui avoir sauvé la vie, il le perd de vue. Dans une auberge, il rencontre une bohémienne, qui lui vole sa montre, et il y retrouve Don José, qui connaît très bien cette voleuse. Plus tard, notre archéologue rencontre une dernière fois Don José, en prison, avant son exécution. C’est là que Don José raconte les raisons qui l’ont amené là, et son histoire avec cette gitane, la Carmencita.

 

Le roman s’ouvre par un long prologue, caractéristique des romans du XIXeme siècle, où un personnage sera le dépositaire du récit qui sera le centre de l’œuvre. Ici, l’archéologue est le double de Mérimée, qui avait été nommé inspecteur des Monuments historiques. Lors de ce prologue, cet archéologue fait des rencontres qui seront décisives pour le récit, mais le lecteur oublie très vite l’objectif premier de ce voyage, la découverte de Munda, qui est pourtant un des sujets archéologiques les plus importants du moment, dixit l’archéologue.

 

Puis le récit avance, avec l’arrivée de cette bohémienne, pour le moment mystérieuse mais qui se dévoilera dans le récit de Don José une vraie diablesse. Car c’est bien ce récit du condamné à mort qui est le plus intéressant. Don José y raconte la passion subite qu’il a eu pour cette femme lorsqu’elle a jeté une fleur à ses pieds, comment il lui a permis de s’évader alors qu’elle devait aller en prison, son engagement parmi les contrebandiers. Surtout ce roman a pour sujet le combat entre la jalousie maladive de Don José, constamment soupçonneux envers Carmen, et la volonté de liberté de Carmen, femme magnétique mais qui utilise ses charmes pour rouler ses amants.

 

Cette jalousie atteindra son paroxysme lorsque le mari de Carmen rejoint la bande. Don José, ne pouvant contenir sa jalousie, le tue lors d’un duel. Ce qui n’effraie pas Carmen, plutôt flatté de cet acte de courage, même si elle raille constamment le sens de l’ordre et de la discipline de son « amant ».

 

Cette partie est celle qui sert au livret de l’opéra de Bizet. Il a conservé les éléments importants (le combat à la manufacture de tabac, l’évasion de Carmen et le rendez-vous chez Lilas Pastia, l’engagement de Don José chez les contrebandiers). Bizet n’a pas repris le personnage du mari de Carmen, mais a conservé celui du toréador, Lucas dans la nouvelle, Escamillo dans l’opéra, et lui a même donné un rôle plus important (pour faire simple, il rassemble le mari et le toréador de la nouvelle).

 

Mérimée fait avec cette nouvelle une plongée dans le monde des tziganes, ou rom, dont il reprend à de nombreuses reprises le vocabulaires spécifiques (rom pour mari, romi pour femme, minchorro pour amant). La dernière partie de la nouvelle est d’ailleurs surprenante, car le narrateur-auteur nous expose sa théorie sur le monde gitan. Quoique empreint d’une certaine condescendance, cette partie de la nouvelle a le mérite de mettre en scène un peuple très souvent dénigré.

 

A ce sujet, je vous conseille de lire le très bon dossier consacré au peuple tzigane paru dans le dernier numéro des Collections de la revue Histoire (en couverture, on y parle de la Renaissance). L’auteur, Henriette Asséo, y expose les origines de ce peuple, son implantation en Europe et l’évolution de la façon dont il a été considéré. Comme souvent, il a servi de bouc émissaire lors des périodes économiques difficiles, comme les juifs ou les étrangers. Malheureusement, cette période n’est pas terminée pour les tziganes, souvent vus de manière négative alors qu’eux aussi ont subi les atrocités nazies. Mais le fait que deux populations aient subi un même traitement barbare n’amène pas nécessairement une même considération aujourd’hui. Et dans la période actuelle de marasme économique, et de chasse aux sans-papiers (et aux Tziganes, comme en Italie), cette histoire est très instructive sur les mécanismes constamment utilisés pour créer une unité contre un « adversaire » commun, phénomène peu coûteux politiquement mais inadmissible pour toute organisation humaine se disant civilisée.

 

Carmen, de Prosper Mérimée

Ed. Pocket

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15 avril 2009 3 15 /04 /avril /2009 07:35

Marguerite Duras se souvient. Elle se souvient de sa vie en Indochine, avec une mère distante, qui aimait son frère beaucoup plus qu’elle. Avec un petit frère aimé mais délaissé par les autres, décédé trop vite. Surtout, elle se souvient de l’histoire d’amour vécue à quinze ans et demi avec son amant, un chinois de Cholen. Plus agé qu’elle, il a été l’homme qui a éveillé ses sens, qui lui a permis de sortir du milieu familial et du carcan scolaire où elle était vu comme la blanche d’une communauté asiatique.


L’amant est un roman difficile à résumer. Sa dimension autobiographique est évidente, notamment lorsque Marguerite Duras évoque la plantation achetée par sa mère (thème d’Un barrage contre le Pacifique) ou la déportation de son mari (La douleur). Mais outre ce balaiement d’une partie de son œuvre par les thèmes qui l’irriguent, ce roman est surtout l’occasion de plonger dans les blessures intimes d’une adolescente, blessures qui seront à la base de la construction de la personnalité de l’auteur.


Les relations difficiles avec sa mère, et encore plus celles avec son frère, cet escroc à la petite semaine à qui sa mère passe tout,  sont au cœur de l’identité de Duras. Mais aussi la difficulté à s’adapter à ce pays indochinois, où elle est mal à l’aise. Blanche parmi les asiatiques ; elle qui veut devenir écrivain, alors que les autres nourrissent de toutes autres ambitions.


L’écriture de Duras est précise, très évocatrice, notamment de ce paysage et du climat asiatique. Elle arrive à donner du souffle à ce récit étouffant et sensuel. Je retiens notamment le passage où elle parle d’Hélène Lagonelle, sa camarade blanche de l’internat, qu’elle tente d’initier aux plaisirs de la vie, mais dont elle sent vite la réticence.


Malgré toutes ces qualités, je n’ai pas été complètement emballé par ce récit. C’est un travail personnel intense, qui a très certainement coûté beaucoup à l’auteur, mais je n’ai pas été constamment accroché par cette histoire. Certains passages sont marquants, la figure du grand frère est apeurante à souhait, mais il m’a manqué un petit quelque chose pour adhérer sans réserve. Adhésion que
Blue Grey a totalement vécue, ce qui l’a décidé à en faire un maillon de l’illustrissime Chaîne des livres.


Les avis d’
Emmyne (comme elle, je pense que je le relirai plus tard, après une lecture des autres romans de Duras, dont je n’avais jusqu’à présent lu que Moderato Cantabile, livre qui m’avait beaucoup plu, par ailleurs), Argantel (insensible à cette Duras-là)

 

L'amant, de Marguerite Duras

Ed. de Minuit

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13 avril 2009 1 13 /04 /avril /2009 07:26

Une jeune fille de quinze ans reçoit d’une personne sur le point de mourir son dernier bisou. Une bulle. Un bisou de poisson rouge. Ce bisou lui permettra de surmonter la perte de cet être dont on devine qu’il lui est cher. Petit retour en arrière pour savoir qui est cette personne, et comment la situation en est arrivée là.

 

Une jeune fille de quinze apprend un jour, en rentrant de l’école, qu’un examen médical a donné un résultat à six lettres pour sa maman. Après un moment d’incompréhension et de colère, on suit la vie de cette collégienne avec un père et une sœur qui tentent d’apporter du réconfort à cette personne aimée qui vit avec eux. Le quotidien est bouleversé par cet événement, la dégradation de l’état physique de cette femme entourée se dégrade peu à peu, inexorablement.

 

La narratrice a quinze ans, elle vit comme une adolescente du début des années 90 avec les chansons d’Higelin, Téléphone, Noir Désir, mais elle doit « porter sa maman », comme elle dit, position qu’elle estime ne pas devoir revenir à une fille de son âge. Les occasions de s’enthousiasmer deviennent rares, et un pique-nique dans la chambre devient une cérémonie inoubliable pour elle. Elle tente d’oublier ce mal rampant, elle essaie de croire qu’une guérison reste possible. Mais rien n’y fait, et le lecteur sait déjà comment tout cela se terminera.

 

Dans ce court récit, aux paragraphes ramassés, Cécile Rossart raconte comment une enfant de quinze peut vivre un événement comme la maladie d’une mère. Jamais larmoyant, alternant passages tristement réalistes et épisodes plus joyeux, le roman est au plus proche des sentiments et des sensations de cette adolescente.

 

Dans la préface, Marie Desplechin laisse entendre que ce récit est celui de Cécile Rossart, qui avait été touché par son livre La vie sauve. Un peu comme Mathias Malzieu l’a fait dans Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi, Cécile Rossart tente d’exorciser sa douleur en le mettant par écrit. Néanmoins, les traitements sont différents, l’auteur accordant ici beaucoup de place à ce qui a précédé le départ de sa maman, quand Mathias Malzieu narre ce qui a suivi le décès.

 

Un ouvrage intime, touchant, servi par une écriture sobre et poétique. Un beau roman, servi par le joli travail de la maison d’édition Diabase, qui y a inséré les dessins de Bonnie Colin.  

 

Un bisou de poisson rouge, de Cécile Rossard

Ed. Diabase

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7 avril 2009 2 07 /04 /avril /2009 07:15

Mary Yellan vient de perdre sa mère. Sans parents, et incapable d’assumer seule la charge de la ferme, elle décide de rejoindre sa tante Patience, à l’Auberge de la Jamaïque. Depuis le mariage de cette dernière avec Joss Merlyn, Mary n’a pas revu sa tante. Son arrivée marque une nouvelle étape dans sa vie. Mais les rumeurs qu’elle entend sur l’auberge, puis l’accueil froid et peu amène que lui réserve son oncle ne la rassurent pas. Elle se sent encore plus en danger les soirs où elle doit rester dans sa chambre, car il lui est interdit de rencontrer les clients peu ordinaires de l’auberge. Pour l’aider à surmonter les difficultés de cette nouvelle vie, elle pourra s’appuyer sur Jem Merlyn, le frère de Joss, et sur Francis Darvey, vicaire d’Altarnun. Qui lui apporteront du soutien, mais aussi  d’importants ennuis…

 

Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas lu un roman d’aventures de ce genre. Un roman pleins de mystères, d’émotions, de sentiments naissants et d’intrigues à élucider. Et je dois avouer que j’ai pris du plaisir aux aventures de cette orpheline dans le pays de landes et de falaises de Cornouailles. Car oui, autant vous le dire tout de suite, il n’y a de Jamaïque dans ce roman que le nom de l’auberge (moi qui pensait naïvement que Daphné du Maurier m’emmènerait aux Antilles !!!).

 

Voilà donc un paysage désolé, où les vents maritimes sont violents, où la lande est parsemée de marais dangereux pour les visiteurs égarés. Le plus jeune frère de Joss et Jem s’est d’ailleurs noyé dans un de ses marais. De plus, le dénuement de Joss et de Patience est total : ils habitent une auberge qu’on croirait désaffectée, ne possédant aucun couchage pour les visiteurs de passage. Le salon est empli de meubles rongés, et rien n’est très engageant. D’autant plus que Joss interdit à Mary certains endroits de la demeure. Alors quand des chariots circulent et des hommes travaillent toute la nuit sous sa fenêtre, Mary se demande bien ce que pourra cacher cet endroit.

 

Avec Mary, le lecteur découvre la nature des agissements de Joss. Car si on ne visite pas la Jamaïque, on retrouve dans cette auberge des pirates d’une étrange forme. Avec Mary, on parcourt également la lande, où le brouillard tombe subitement et où on peut tomber nez à nez avec un vicaire albinos. Ou atteindre sans le vouloir la demeure crasseuse de Jem, le voleur de chevaux qui l’abandonnera plus tard sur le marché de Launceston. Bref, des aventures rocambolesques, dans lesquelles Mary joue à plusieurs reprises sa vie, mais dont elle se sort toujours relativement indemne.

 

Voilà donc un très chouette roman d’aventures, dans lequel on vibre à l’unisson des dangers rencontrés par Mary. Mais dont on saisit, un peu avant elle, d’où vient le véritable danger…

 

Les avis de Sandrine et Ingannmic (puisque Daphné du Maurier était l’aristochat de février-mars ! Ainsi que ceux de Karine :), Bladelor ou Lilly.

 

L'auberge de la Jamaïque, de Daphné du Maurier

Traduit de l'anglais par Léo Lack

Ed. Le Livre de Poche

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5 avril 2009 7 05 /04 /avril /2009 09:33

Cinq nouvelles pour découvrir l’univers de Ray Bradbury. Mais le cadre de ces nouvelles est loin des œuvres les plus connues de l’auteur, comme Fahrenheit 451 ou Chroniques martiennes. Ici, Bradbury emmène son lecteur dans le quotidien et l’intimité. A noter que ces cinq nouvelles sont extraites d’un recueil plus important, … mais à part ça tout va bien.

 

Unterderseabot Doktor : par le biais du récit d'un patient, le lecteur fait la connaissance d’un psychanalyste aux méthodes un peu particulières. Ancien marin engagé dans les sous-marins (d’où le titre de la nouvelle), il utilise un périscope pour plonger dans l’inconscient de ses patients (ou du sien, car tout n’est pas clair). Un univers psychédélique, où on ne sait qui est le plus atteint des deux. Pas de message clair, mais une ambiance troublante.

 

Pas vu pas pris : un détective et son assistant cherchent à découvrir comment ont disparu plusieurs enfants. A la manière de Sherlock Holmes, le détective trouvera une explication assez originale pour les expliquer. Alors que la police cherche un tueur, il échafaude une hypothèse qui se révèlera juste, et qui aura des conséquences funestes. Manifestement inspiré de Conan Doyle, Bradbury emmène son détective dans la forêt en créant une atmosphère de mystère assez angoissante.

 

Meurtres en douceur : un couple, qui ne se supporte plus, où chacun essaie de tuer l’autre. Comme dans le film de Jean Becker, Un crime au Paradis, on découvre ici toutes les combines utilisées par chacun des protagonistes pour supprimer son conjoint. Mais Bradbury arrive à y instaurer une dimension comique tout à fait bienvenue.

 

Mademoiselle Vif-Argent : Comme Tintin dans Les sept boules de cristal, le lecteur découvre un spectacle de music-hall, dont le numéro le plus attendu est celui de Mademoiselle Vif-Argent. La spécialité de Mademoiselle Vif-Argent ? Subtiliser les portefeuilles des messieurs à leur insu. Mais le plus curieux, c’est que le narrateur découvre sur scène, parmi les victimes, son sosie, ce qui crée chez lui un trouble compréhensible. Cette nouvelle est celle qui m’a le moins marqué, n’ayant pas saisi l’intention de Bradbury, ni ressenti de trouble face au cadre présenté. Certes, le narrateur semble perdu avec ce sosie qui apparaît, mais l’ensemble ne m’a pas paru totalement pertinent.

 

Echange : Une vieille bibliothécaire, usée par son métier, ferme avec soulagement son établissement, fatigué des cris des enfants, des questions des clients. Alors qu’elle range ses affaires, un monsieur souhaite entrer. Après avoir refusé, elle le fait finalement pénétrer dans la bibliothèque. Ce monsieur, aujourd’hui d’un âge mûr, est un ancien habitué de l’établissement. Ancien très grand lecteur, cette visite est l’occasion pour les deux protagonistes de plonger dans leurs souvenirs, de ressortir les livres marquants (Alice au pays des merveilles, Stevenson, Poe, …) et de faire revivre les personnages. Nouvelle touchante sur le lien au passé et à l’initiation à la lecture, elle ravira tous les grands lecteurs qui ont eu un rapport très fort aux livres dans leur enfance ou adolescence. Cette nouvelle m’a beaucoup fait penser à une chanson de Juliette, sur son dernier album.



Un recueil intéressant, dans lequel Bradbury essaie d’intégrer une dimension, si ce n'est fantastique, du moins troublante à certaines situations quotidiennes. Un aspect inattendu dans l’œuvre de Bradbury (que je connais mal, je l’avoue !!!).

 

Meurtres en douceur et autres nouvelles, de Ray Bradbury

Nouvelles extraites de ... mais à part ça tout va très bien

Traduit de l'anglais par Hélène Collon

Ed Folio - 2 €

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1 avril 2009 3 01 /04 /avril /2009 07:39

Ben Harper est en prison, sur le point d’être pendu. La raison de sa condamnation : le vol de 10 000 dollars, qu’il a eu le temps de confier à ses enfants, John, 9 ans et Pearl, 5 ans. Mais dans sa cellule, Ben Harper laisse entendre à son compagnon, un homme qui se présente comme un représentant de Dieu, que l’argent est facilement récupérable. Attiré par cette manne inespérée, Prêcheur, comme on le surnomme, va à sa sortie de prison se rapprocher de Willa Harper, la veuve, et essayer de faire parler les enfants, bien plus lucides que la majorité des adultes sur les intentions du nouveau venu…

 

La nuit du chasseur est un roman écrit par Davis Grubb. Sous des traits de roman policier, voire de thriller, l’auteur nous fait vivre un conte. Dans cette histoire, l’action se centre autour de deux protagonistes essentiels : John et Prêcheur.

 

John est un jeune garçon, qui rêve de pêche avec son oncle Birdie Steptoe et qui est prêt à tout pour tenir la promesse qu’il a fait à son père, celle de ne divulguer à personne l’endroit où l’argent est caché. Malgré son jeune age, John fait preuve d’une maturité étonnante, ce qui les aidera dans cette période sombre. Maturité qui disparaît totalement chez Willa ou chez les Spoon, les voisins.

 

Mais le personnage central est Prêcheur. Homme mystérieux et inquiétant, guidé par Dieu, il possède sur ses contemporains un pouvoir qui leur fait perdre tout libre arbitre. Ainsi, Willa se présente elle-même comme une prostituée de Babylone devant les paroissiens de Cressap, persuadée par son nouveau mari d’être la cause de la mort de Ben Harper. Les arrivées de Prêcheur sont toutes synonymes de dangers, que ce soit pour les enfants ou pour les autres personnages. Cet homme, qui a inscrit sur ces mains les mots LOVE (main droite) et HATE (main gauche), est d’une cupidité à faire peur, le tout dissimulé derrière la foi intransigeante dont il fait preuve même pendant sa lune de miel.

 

Les personnages secondaires sont également intéressants : les Spoon montrent la naiveté d’une partie de la population, facilement menée en bateau par Prêcheur. Birdie Steptoe est un alcoolique invétéré, brisé par un chagrin amoureux, et ne pourra pas se rendre utile quand John et Pearl auront besoin de lui. Surtout, il y a la figure maternelle de Miss Cooper, qui recueille les enfants après leur fuite sur le fleuve. Femme au caractère bien trempé, elle élève les enfants qu’elle trouve au bord du chemin. Et elle sera la seule, avec John, à tenir tête à Prêcheur. Ruby, l’une des filles qu’elle héberge, incarne l’adolescente attirée et pervertie par les lumières de la ville. D’où l’aspect conte évoqué au départ, sur la sortie de l’enfance, où chacun occupe une place bien définie dans le roman.

 

Si l’histoire est prenante, j’ai néanmoins été gêné dans ma lecture par le style de Davis Grubb (ou du traducteur, je ne saurai trancher), très haché, trop saccadé pour permettre une lecture fluide.

 

La nuit du chasseur a bien entendu été adapté au cinéma par Charles Laughton, dont c’est le seul film (comme quoi les coups d’essai peuvent donner lieu à de belles réussites). Robert Mitchum incarne un terrible Prêcheur, inquiétant à souhait. Surtout, il y a un travail très intéressant sur la lumière, sur les jeux d’ombres, comme avec le chapeau de Prêcheur. Je retiens la très belle scène où John, depuis une grange, voit sur la crête Prêcheur sur un cheval. Et les passages sur le fleuve, qui donnent lieu à de très jolies séquences.

 

La nuit du chasseur, de Davis Grubb

Traduit de l'anglais par Guy Le Clech

Ed. Folio - Policier

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28 mars 2009 6 28 /03 /mars /2009 11:17

Lise se marie avec Henri, homme fortuné. Son témoin est Sam, son frère. Enfin, celui que tout le monde croit son frère, car c’est ainsi que Lise l’a présenté. Sam est en fait l’amant de Lise, celui qu’elle aurait dû épouser si elle n’avait pas rencontré Henri. Mais l’appât du gain a été le plus fort, et Sam et Lise ont imaginé un coup pour récupérer la fortune d’Henri : un enlèvement avec demande de rançon. Malheureusement, le plan n’est pas aussi solide que prévu,et le frère de Henri (le vrai cette fois-ci) ne sera pas étranger à cet échec…

 

Tanguy Viel, que je découvre avec ce roman, a une écriture assez envoûtante. J’aime beaucoup les écrivains qui parviennent, avec des phrases construites, faites de relatives ou de subordonnées imbriquées, à ne pas perdre leur lecteur. C’est exactement ce que réussit à faire l’auteur ici : malgré la construction parfois alambiquée, le lecteur est emporté par le récit et par la musique du texte.

 

Car l’auteur ne se contente pas d’une écriture ambitieuse et réussie, il y intègre un récit palpitant. L’histoire de cet enlèvement, raconté du point de vue de Sam, et de son échec, accroche l’attention du lecteur. Le roman débute par un mariage, scène où la joie est normalement de rigueur. Ici, le lecteur ressent immédiatement que ce mariage n’est pas habituel. L’image d’Edouard, frère du marié et absent de la cérémonie, est l’ombre qui gâche ce joyeux tableau.

 

Les projets du couple infernal, bras cassés sur les bords, ne sont pas longtemps secrets pour le lecteur, le tout est de savoir comment se terminera cette escroquerie. La tension monte au fil des pages, laissant augurer une fin bien loin de l’ambiance de ce mariage inaugural. Néanmoins, si le début est haletant et réussi, la deuxième partie de l’ouvrage, une fois l’enlèvement terminé, m’a moins convaincu. Heureusement, l’arrivée d’Edouard, figure inquiétante et trouble, donne à la fin de l’ouvrage un ton désabusé quant à la nature humaine, et aux motivations de chacun des protagonistes. Fin ouverte, qui laisse le lecteur avec ses interrogations et le mystère des personnages entier.

 

Tanguy Viel fait parler de lui en ce moment, avec la sortie de son roman Paris-Brest, qui fait l’unanimité chez les critiques. Peut-être me laisserai-je tenter après ce premier essai fort intrigant !

 

L’avis de Laetitia.

 

Insoupçonnable, de Tanguy Viel

Ed. de Minuit

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22 mars 2009 7 22 /03 /mars /2009 07:44

Pénélope est mondialement connue pour être la femme d'Ulysse. Mais ce que l'on connaît moins, c'est la vie qu'a menée Pénélope pendant les vingt années d'absence de son mari, et surtout ce qu'elle a ressenti lorsqu'il  est revenu déguisé en mendiant et qu'il a tué tous les prétendants de la dame. Outre ses prétendants, il a également tué les douzes servantes qui avaient couché avec les prétendants, pour des raisons que Pénélope dévoilera. D'outre-tombe, Pénélope et les douze servantes nous racontent ce tragique épisode.

Margaret Atwood signe une relecture de l'Illiade et l'Odysée, d'un point de vue féminin et iconoclaste. Féminin, car tous les narrateurs sont ici des femmes, ce qui fait pendant aux récits d'Homère qui mettent en exergue la puissance, la gloire, l'héroisme des hommes, et la ruse d'Ulysse. Iconoclaste, car Pénélope n'est pas ici la tendre épouse qui monte des stratagèmes pour attendre sagement son mari. Elle expose les rancoeurs qu'elle a vis à vis de sa belle-famille, l'inimitié et la jalousie avec la nourrice d'Ulysse, et un regard pas toujours très maternel sur Télémaque. Son language est familier, parfois vulgaire, loin des précautions attendues d'une reine. On découvre aussi une enfance traumatisante, avec ce père qui a essayé de la noyer, et son lien de parenté avec Hélène, cousine qu'elle déteste.

L'auteur fait preuve d'une belle érudition sur les histoires mythologiques, et elle n'hésite pas à en désacraliser certaines (je vous laisse le plaisir de découvrir qui étaient vraiment le cyclope, les sirènes ou Circé). Elle connait également bien le théâtre de l'époque, puisqu'elle reprend les formes antiques, notamment celle du choeur, lorsque les servantes s'expriment.

Néanmoins (car il y un mais), j'ai eu du mal à appréhender ce roman autrement que comme un exercice de style, réussi parfois, moins convaincant à d'autres moments (notamment lorsque Pénélope se fait plus vulgaire). C'est un peu le danger avec les romans trop documentés et les réécritures, et mon ressenti est que Margaret Atwood n'a pas complètement évité cet écueil.

Malgré cette réserve, ce fut une lecture intéressante, car elle m'a replongé dans mes connaissances mythologiques qui malheureusement s'étiolent peu à peu, comme j'avais déjà pu le constater avec Idomeneo.

Livre de la chaine des livres proposé par Argantel (qui a fait cela comme une pro, avec une feuille glissée dans le roman pour que chacun y mette ses appréciations).

 

L'odysée de Pénélope, de Margaret Atwood

Traduit de l'anglais par Lori Saint-Martin et Paul Gagné

Ed. Flammarion

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