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29 septembre 2009 2 29 /09 /septembre /2009 07:38

Un soir banal, Ben et Anna sont sur le point de s’endormir lorsqu’à la porte d’entrée se présente Andrew, un ami de Ben qu’il n’a pas vu depuis leur mariage. L’arrivée d’Andrew, et son séjour, perturbent l’organisation du couple : Ben se laisse entraîner par Andrew dans des soirées arrosées, et en vient à faire des paris osés. A l’occasion du Humpday, festival de pornographie amateur, il propose par défi à Andrew de participer en tournant un film à deux. Mais l’un comme l’autre, une fois dégrisés, réalisent que ce n’est pas vraiment une bonne idée, mais s’obligent à aller au bout…

 

Humpday est un petit film assez inattendu. Sur un tel scénario, et avec une telle affiche (qui ne rend pas hommage au film), on peut s’attendre au pire : graveleux, peu subtil, etc. Pourtant, dès les premières images et au vu de la photographie et de la lumière, on sent qu’on n’est pas tombé dans une énième comédie américaine de bas étage. En cela, la première scène est significative et très réussie : Ben et Anna s’apprêtent à faire l’amour, jusqu’au moment où, dans un éclair de lucidité, ils se rendent compte qu’ils sont fatigués et d’aucun des deux n’en a envie à ce moment-là. Et chacun se couche, de son coté. Le reste du film sera de cet acabit, et la réalisatrice, Lynn Shelton, réussit le tour de force de faire un film sexuellement sobre.

 

Le plus intéressant dans ce film, en dehors de l’opposition couple bien rangé / artiste dévergondé, et du secret autour du pari (avec une scène de révélation très réussie), est la réflexion sous-jacente sur les identités sexuelles, les limites entre hétéro et homo sexualités, avec les tabous que cela comporte. Ici, la réalisatrice choisit de montrer la fermeture des mâles face à ces nouvelles formes de sexualité. Pour Andrew ou Ben, un homme est un mâle, et reste au centre de l’acte sexuel. Ceci est clairement visible dans un scène où Andrew espère un trio sexuel avec deux femmes, mais il déchante lorsqu’elle lui explique qu’un gode est bien plus intéressant qu’un sexe masculin.

 

Cette réflexion sur la sexualité est pleinement traitée dans la tentative de film homosexuel de Ben et Andrew, film qu’ils se sont engagés à tourner mais dont ils veulent se débarrasser. La scène finale, à l’hôtel, met en valeur ces tabous qui les contraignent dans une vision très classique des relations sexuelles, et si la scène est un peu longue, le spectateur s’amuse de ces deux hommes qui ne savent pas comment s’y prendre.

 

Une surprise plutôt agréable, qui n’est pas hilarante comme le proclame l’affiche mais qui a le mérite de poser des questions assez rarement soulevées.

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27 septembre 2009 7 27 /09 /septembre /2009 19:38

Le grand trucage, ce n’est pas un best-of des meilleurs coups de bluff de Patrick Sébastien , ni la liste des effets spéciaux les plus spectaculaires du cinéma français. Cet essai traite, plus modestement, des utilisations abusives, erronées et/ou volontairement fausses que les politiques font des statistiques. Ou pire, comment ils font en sorte de casser le thermomètre pour dire que tout va bien. Lorraine Data, pseudo sous lequel se cachent des statisticiens et des chercheurs tenus par le devoir de réserve (car pour la plupart d'entre eux fonctionnaires), explore différents domaines dans lesquels les politiques interviennent facilement : les chiffres du chômage, ceux de la délinquance, la mesure du pouvoir d’achat, la pauvreté, l’éducation ou l’immigration. Attention, il n’est pas question de remettre en cause le travail des agents statisticiens (ce qui peut être sujet à débat, bien entendu, mais qui est souvent fait avec la plus grande démagogie possible) et de jeter le discrédit sur l’ensemble des informations publiées, mais de dénoncer ce lien illégitime entre politique et statistique.

 

Sur les différents thèmes abordés, le lecteur apprend que les politiques ont des manières diverses d’intervenir, et que cela ne se fait pas sans l’accord des dirigeants que l’Etat met à la tête des instituts producteurs de statistiques (comme l’Unedic, ou l’ex-ANPE, dont le statut est différent de celui de l'Insee, direction ministérielle paradoxalement plus indépendante). Dans certains cas, les politiques (soit le gouvernement) font en sorte de prendre les données qui les arrangent, quitte à les faire évoluer dans le sens qu’ils souhaitent. Cette tendance à la manipulation de statistiques, si elle n’est pas neuve, atteint des dimensions actuellement assez inquiétantes, le chiffre ayant pris une place de premier ordre dans le débat public. Un chiffre, lancé dans un débat, fait plus autorité qu’un long discours.

 

Cette dénonciation des pratiques politiques est louable et nécessaire, mais le propos est parfois un peu confus. On a du mal à ressentir, pour chaque sujet, tous les enjeux liés à cette manipulation. Dans certains cas, comme sur les statistiques du chômage, la présentation est malheureusement trop technique pour parler au plus grand nombre. Sur d’autres sujets, comme l’éducation ou l’immigration, le propos est plus clair : ceci est certainement dû au fait dans ces cas-là, le débat est moins interne au petit monde des statisticiens. Quand le cabinet de Darcos, à l’Education Nationale, bloque la publication des chiffres qui le dérange, c’est plus simple à expliquer et à concevoir pour le lecteur qu’une discussion sur les chômeurs qui sont ou non pris en compte, et les subtilités de publication.

 

Ce que je retiens de ce livre, ce n’est pas tant une dénonciation des pratiques des politiciens qu’une critique sous-jacente des journalistes, qui soit ne connaissent pas les sujets et les chiffres, et ne peuvent pas répliquer, soit pour certains sont à la botte des ministres et répercutent tout ce qui vient des ministères. C’est certainement ce rôle-là, celui d’interprète des chiffres et de contradicteur potentiel du politique qui à revoir. Maintenant, cela n’exonère en aucun cas les politiques de leur responsabilité, surtout quand une décision arbitraire du premier d’entre eux risque de briser l’édifice actuellement en place en envoyant une partie des effectifs remplacer les militaires en Lorraine (D’où le pseudo des auteurs). Car malheureusement, comme dans beaucoup de milieux, celui de la statistique publique, indépendante, est en proie aux réductions d’effectifs, aux nécessités de faire toujours plus avec moins, et lorsque le politique s’en mêle, le pire est à craindre…

 

Le grand trucage - Comment le gouvernement manipule les statistiques, de Lorraine Data

Ed. La Découverte

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25 septembre 2009 5 25 /09 /septembre /2009 07:21

Le président Onni Rellonnen, directeur d’entreprises qui tombent les unes après les autres en faillite, a décidé de se suicider. Il profite de l’euphorie des fêtes de la Saint-Jean pour se retirer dans sa maison de campagne, et a choisi une grange abandonnée pour commettre l’acte final. Malheureusement, la place est déjà prise : un militaire, le colonel Kemppainen, a également choisi cet endroit pour se pendre. Rellonen, pris de pitié, le sauve. Les deux compères décident alors de monter un grand symposium qui réunirait tous les suicidaires de Finlande. Suite à cette réunion, une poignée d’entre eux décide de passer à l’acte, en se jetant du haut des falaises du Cap Nord, en Norvège…

 

Petits suicides entre amis est un livre qui est symbolique de l’œuvre de Paasilinna : un sujet pas forcément facile, voire glauque, mais un humour ravageur. Cette bande de bras cassés, tous usés par la vie, défaits, ne croyant plus en rien, inspire au lecteur non pas de la pitié, mais une irrépressible envie de rire, de se moquer des travers de ces finlandais insatisfaits, qui sont ceux de nombreux occidentaux.

 

Le début du roman est l’aspect le moins réjouissant : une fête de la Saint Jean où on se consacre aux idées de suicidaires qui fuient la foule pour se vaquer à leurs occupations dans un coin retiré. Mais rapidement, les situations s’enchaînent, toutes plus cocasses et drôles que les autres.  Autour du lac où habite Rellonnen, les habitants ont pris l’habitude de jeter à l’eau des bouteilles à moitié vide, retrouvées plus tard par les habitants de l’autre rive qui feront de même.  Ensuite, le colloque est un moment de drôlerie, tout comme le trajet à bord de la Flèche d’Argent, qui emmène nos candidats au suicide en Norvège, Suède, Allemagne, France, Suisse et Portugal.

 

On s’attache à cette bande de joyeux suicidaires, de la directrice adjointe qui vivra une histoire d’amour à l’éleveur de rennes aux intentions pas très nettes, en passant par le serveur à l’optimisme forcené, intéressé par l’aventure mais qui n’a pas l’intention de se suicider. Les différents voyageurs vont d’ailleurs, au gré de leur voyage, voir disparaître leurs intentions premières. Voyage agrémenté par une bataille rangée avec des hooligans bavarois, ou la perte de trois finlandaises dans les vignobles alsaciens qui manque de créer un incident diplomatique franco-finlandais.

 

Paasilinna réussit à atteindre son objectif : faire sourire avec un sujet difficile. Un roman plaisant, divertissant, qui ne brille pas nécessairement par son style, mais qui met en valeur les situations.

  

Ce roman a remplacé, dans ma chaîne des livres, La douce empoisonneuse, du même auteur. Livre lui aussi plaisant, au ton assez proche dans lequel Paasilinna fait rire d’une vieille dame menacée par une bande de voyous dont elle parvient à se débarrasser…

 

Petits suicides entre amis, d'Arto Paasilinna

Traduit du finnois par Anne Colin du Terrail

Ed. Folio

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23 septembre 2009 3 23 /09 /septembre /2009 09:19
L’histoire du groupe Manouchian est relativement célèbre. Groupe de résistants étrangers, ils ont combattu les nazis, luttant avec leurs moyens contre les occupants et la police française. C’est l’histoire de ce groupe et de ses membres qu’a décidé de raconter Robert Guédiguian dans son dernier film, l’armée du crime.

Suite à la rupture du pacte germano-soviétique, les communistes se lancent dans la Résistance. Avec l’aide des appuis étrangers communistes implantés en France, Missak Manouchian, d’origine arménienne, monte un groupe, composé d’immigrés, de juifs, de communistes, dans lequel il recrute des jeunes hommes motivés et des soldats aguerris, notamment par la guerre d’Espagne. Les attaques contre les nazis se succèdent, mais le filet tendu par la police française se resserre autour du groupe.

Robert Guédiguian signe une fresque historique parfaitement documentée, sur le rôle des communistes (qui restent calmes jusqu’à l’invasion de l’URSS, en 1941), sur la reconstitution des cours industrielles où logent les immigrés, sur la place de la police française lors de cette période, que ce soit lors de la rafle du Vél’ d’Hiv’, où les français ont agi seuls, ou dans la traque des opposants à l’Etat français. C’est d’ailleurs le représentant de cet Etat qui baptisera ce groupe l’armée du crime, dont les membres sont devenus des adversaires à éliminer après qu’ils s’en soient pris à un ponte nazi.

Pour l’aspect historique, il n’y a rien à dire, Guédiguian assumant même en fin de film par un avertissement un travestissement de certains faits pour écrire ce film. Cette honnêteté intellectuelle est tout à son honneur, comme sa volonté de remettre ce film dans son contexte historique (ce qu’il a fait lors de la présentation rapide à laquelle j’ai assisté) : un film qui relate les faits d’un groupe dont les hommes de gauche peuvent être fiers. Et qui montre, en ses temps hostiles aux étrangers, qu’il ne suffit pas d’avoir la nationalité française pour défendre la patrie qu’on aime.

Certains lui reprocheront son aspect formel, didactique, mais c’est une faiblesse qui ne masque pas toutes les qualités de ce film. En présentant la vie de ces hommes et de cette femme ordinaires sans artifices, dans leur vie privée, il évite justement d’en faire des héros, pour insister sur la dimension collective de cette histoire. Et le tout est impeccablement servi par un casting aux petits oignons, Simon Abkarian en tête. Allez, je vais en citer quelques uns : Grégoire Leprince-Ringuet (toujours très bon), Robinson Stévenin, Adrien Jolivet, Jean-Pierre Darroussin, Ariane Ascaride (avec certainement la scène la plus émouvante du film), Yann Tregouet, Lucas Belvaux (parce que c’est lui, même si c’est un petit rôle), Gérard Meylan. Même Virginie Ledoyen, que je n’adule pas vraiment, s’en tire bien (Oui Julie, il faut que je vois Jeanne et le garçon formidable !).

Si l’ensemble est formel et assez classique, le tout est prenant, et Guédiguian a le mérite de faire exister ce film, dont les nombreuses qualités cachent les petits défauts.

L’avis de Pascale (emballée), de Sandra (qui préfère le plus crépusculaire et magnifique l'armée des ombres), de Choupynette (qui s'est ennuyée).

Et en bonus, l'affiche rouge par Léo Ferré Leny Escudero (car la version Ferré n'a pas l'air de fonctionner), qui interprête le poème qu'Aragon a écrit pour rendre hommage au groupe Manouchian.
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22 septembre 2009 2 22 /09 /septembre /2009 07:39

Allez, une fois n'est pas coutume, voici un peu de réclame pour un événement littéraire
qui fera se déplacer les foules en liesse.

Cet événement est donc la présence, à la librairie Les Buveurs d'encre, de Paul Vacca,
auteur de La petite cloche au son grêle et de Nueva Konigsberg,
et accessoirement vainqueur du prix Biblioblog 2009 pour son premier roman.


Je récapitule donc les modalités de cette rencontre / dédicace :
le vendredi 25 septembre 2009 à partir de 19h30
à la librairie 
Les Buveurs d'Encre (59 rue de Meaux - Paris 19e)

Toute l'équipe du Biblioblog et moi-même espérons vous voir nombreux
pour cette première célébration en chair et en os du prix !!!

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21 septembre 2009 1 21 /09 /septembre /2009 14:05

Eudes le Volumeur, expert artistique, est nommé au Musée du Révolu. L’entrée de ce musée, situé sous le Louvre, se trouve au niveau des fondations du Louvre médiéval. Il regroupe toutes les œuvres qui ne sont plus utilisées, et toutes les corporations nécessaires au bon fonctionnement d’un musée y sont présentes : encadreur, archiviste, conservateur des moulages,… Il se promène dans les salles de ce musée original, sur les pas de ses prédécesseurs qui lui transmettent les informations qu’ils ont recueillies sur le musée.

 

Cette promenade dans ce musée imaginaire est intéressante et divertissante. Intéressante, car le lecteur y découvre l’ensemble des corps de métiers présents dans un musée. Divertisssante, car les trouvailles sont nombreuses. L’auteur s’amuse beaucoup avec le nom du musée, qu’on retrouve à de multiples endroits sous la forme d’anagrammes (Musée du Voleur, Eudes Le Volumeur, …). Le dessin en nuances de noir et blanc permet également à l‘auteur de s’amuser avec les ombres, et crée une ambiance qui rappelle tout à fait les sous-sols.

 

Des images restent en tête, comme ces grands rayonnages de casiers, le long desquels se promènent Eudes, son assistant et un guide sur une échelle.  (Pour ceux qui ont vu Monstres et Compagnie, il y a une scène assez proche). Au centre de l’ouvrage, on découvre un grand tableau qui représente un musée, dans lequel un tableau représente lui aussi un musée,… Ou encore, dans la saynète consacré à l’encadrement, on retrouve des œuvres connues (Mondrian) ou la structure de la page que le lecteur est en train de lire dans la présentation faite par l’encadreur.

 

Les clins d’œil sont nombreux, comme dans l’atelier de restauration où on s’amuse à refaire les nez abîmés de statues, ou par la référence à la couverture de Période glaciaire, de Nicolas de Crécy, publiée dans la même maison d’édition, Musée du Louvre / Futuropolis.

 

Un ouvrage plaisant et original, qui aborde de manière détournée la vie et la richesse des musées.

 

Les sous-sols du Révolu, Extraits du journal d'un expert, de Marc-Antoine Mathieu

Ed. Musée du Louvre - Futuropolis

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19 septembre 2009 6 19 /09 /septembre /2009 12:15

Guiseppe Corbucci, après plusieurs tentatives professionnelles infructueuses, vient de se lancer dans le métier de détective privé, rêvant d’imiter Marlowe, le héros de Chandler. Mais son installation est compliquée : il se fait rapidement tabasser par deux gros bras et passe plusieurs jours à l’hosto. Il en profite pour raconter les raisons de ce règlement de comptes : son histoire avec la mafia locale qui infiltre tous les milieux, et les raisons qui l’ont poussé à accepter cette affaire, la mort trouble d’une femme après un passage chez son gynécologue.

 

Le débarcadère des anges est ce que j’appellerai un polar français d’ancienne facture. Même si je ne connais pas particulièrement ce genre, c’est exactement l’image que je m’en fais : un détective privé, à Nice, milieu rêvé pour les histoires mafieuses, compagnon de personnalités un peu louches, et n’hésitant pas à agir selon des méthodes illégales. Ajoutez à cela l’utilisation d’argot ou d’expressions un peu vieillottes, et ce roman récent a tout d’une œuvre surannée.

 

Mais le format de ce roman fait que l’ensemble reste agréable. On sent un peu l’exercice de faire de cet ouvrage un hommage à une forme un peu ancienne de polar, mais l’action et les méthodes de Corbucci tiennent le lecteur en haleine, que ce soit lorsqu’il se fait passer pour un réparateur d’alarmes ou qu’il fait une descente dans un club de muscu. Deux points intéressants dans ce roman : le début qui montre Corbucci en train de se faire tabasser, et qui introduit donc immédiat du suspense, et le parallèle avec l’enquête officielle, toujours un poil en retard face aux découvertes de Corbucci.

 

Livre plaisant, donc, même si je pense qu’e je n'abuserai pas de ce genre. A noter qu’il a fait l’objet d’une adaptation diffusée cette été sur France 2, par Brigitte Roüan, dans le cadre des polars diffusés le dimanche soir.

 

Le débarcadère des anges, de Patrick Raynal

Ed. La branche - Suite Noire

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17 septembre 2009 4 17 /09 /septembre /2009 09:01

Léna s’occupe seule de ses deux enfants, Anton et Augustine, après avoir quitté son mari Nigel. Ses parents l’invitent à passer quelques jours en Bretagne, en famille avec sa sœur Frédérique et son frère Gulven. Chacun tente de faire ce qu’il peut pour aider Léna, qui a des difficultés à faire face à toutes ses responsabilités. Ces bonnes intentions sont souvent des cadeaux empoisonnés, que Léna accepte mal. Mais on réalise peu à peu que ses difficultés sont réelles, et qu’elle aura besoin d’aide pour remonter la pente.

 

Présentée ainsi, l’intrigue du dernier film de Christophe Honoré n’est pas a priori encourageante. Pourtant, ce serait dommage de s’en priver, car c’est un magnifique portait de femme et de famille que signe le réalisateur breton.

 

Le début du film est une charge contre la famille, qui fait penser aux films de Desplechin. Mère autoritaire qui tient son mari sous sa coupe, sœur rigide qui ne croit qu’aux vertus du mariage et ne comprend pas la séparation de Léna, frère détaché dont l’aide est minime : personne ne semble en mesure d’aider Léna. Et comme ils ont tous de très bonnes idées pour l’aider, en particulier inviter Nigel, l’ex de Léna, sans la prévenir, on se dit que leur bonté affichée est volontairement fausse.

 

Mais on découvre aussi les failles de Léna, très rapidement : elle manque de perdre son fils dans la gare Montparnasse dès l'ouverture du film, ne parvient pas à garder vivante une pie blessée, accepte difficilement les aides qui lui sont apportées, en particulier professionnelles, et n’hésite pas à porter un regard moqueur sur la copine de son frère. Elle perd peu à peu, pour le spectateur, son statut initial de victime pour épouser celui de femme malade, en détresse. Femme enfant, elle n’arrive pas à se prendre en main, et son fils, collégien, semble bien plus lucide qu'elle sur son désarroi. Chiara Mastroianni tient certainement avec Léna l’un des plus beaux rôles de son début de carrière.

 

Autour d’elle, les personnages évoluent également. Frédérique, sa sœur (Marina Foïs, surprenante), d’abord hostile, prend peu à peu la défense de Léna après avoir elle-même vécu une période où son couple vacillait. Le père (Fred Ulysse), d’abord aimant et touchant, réalise que sa fille n’est peut-être pas celle qu’il croit, et son comportement en sera totalement bouleversé. Les autres personnages sont plus stables, tout en n’étant pas monolithiques : la mère (merveilleuse Marie-Christine Barrault), du haut de sa tutelle, dirige la maisonnée au doigt et à l’œil, Nigel (impeccable Jean-Marc Barr, très bon quand il est bien dirigé) est certainement l’un des plus virulents, celui qui essaie d’être compréhensif mais  dont la carapace finit par céder. Seul le frère reste en dehors (Julien Honoré), usant d’un second degré qui cache une volonté de ne pas affronter ce monde qui l’effraie.

 

Christophe Honoré s’est assagi avec ce film : il n’y a même pas la rituelle partie de comédie musicale ! S’il conserve certains effets (le monologue introductif face caméra du père, les incrustations des photos de jeunesse des personnages), ceux-ci sont utilisés à bon escient. L’élément le plus ambitieux est ce passage central, illustration d’un conte breton qui narre l’histoire d’une jeune fille qui veut épouser un danseur, mais les épuise. Pour arriver à ses fins, elle pactise avec le diable. Passage central, qui reprend un thème récurrent du film (les allusions diaboliques sont nombreuses), et qui éclaire ce très beau film, (é)mouvant, au titre intrigant : Non ma fille tu n’iras pas danser.


Autre film de Christophe Honoré : La belle personne

Livre de Christophe Honoré : Scarborough

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15 septembre 2009 2 15 /09 /septembre /2009 18:12

Le défi de l’été, sur les blogs dits littéraires, consistait à lire un ouvrage type Harlequin, et à en extraire, non la substantifique moelle, mais le substrat culturel, idéologique et philosophique qui sous-tend ces romans. Le manoir des tentations, de Mary Nichols, a donc servi d’ouvrage de référence pour analyser ce qui constitue l’attrait premier de ce type de romans, c'est-à-dire son apport à l’analyse sociologique d’une époque. Par un immense bonheur, cet ouvrage fait partie de la collection Les Historiques, ce qui donne l’occasion de mieux saisir l’essence de l’œuvre harlequinesque, puisqu’il permet de plonger dans l’Angleterre du début du XIXeme Siècle.

 

Comme toute bonne synthèse, celle qui suit s’articule en trois points, où nous verrons l’aspect novateur de ce roman, précurseur de l’altermondialisme et chantre de la justice sociale, avant de se plonger dans ce paradoxe apparent qui constitue le mariage de ces deux aspects avec celui de la morale judéo-chrétienne et du puritanisme, l’un des pans les plus importants de Le manoir des tentations.

 

I.                   Harlequin, ou l’invention de l’altermondialisme.

 

Le manoir des tentations, par le biais de l’histoire d’amour de Lady Charlotte et de Stacey Darton, contrariée par l’arrivée du beau-frère de Charlotte, Cecil, permet à l’auteur de rendre à l’Angleterre la paternité des premières thèses altermondialistes. Simples ébauches, mais qui donneront le sens de toutes les actions menées actuellement par les défenseurs des AMAP (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne).

 

Deux éléments permettent, subrepticement mais de manière explicite, de montrer en quoi Lady Charlotte, veuve éplorée, qui perd la protection de son beau-père et voit revenir le beau-frère honni, buveur et joueur, est une initiatrice de ce mouvement. Alors que Stacey, qui lui fait une cour que Charlotte prend pour de l’hostilité, lui propose de faire ses achats à Ipswich, la grande ville d’à côté, Charlotte lui indique qu’elle préfère acheter aux habitants de Pearson’s End, ce village côtier retiré près des falaises anglaises. Par ce choix, elle montre à Stacey que l’achat de produits locaux prime le luxe des biens fabriqués en ville. En plus d’apporter aux pauvres villageois un revenu qui leur est bien utile, elle évite à cette occasion des dépenses superfétatoires. Ainsi, s’il n’est pas encore question d’économies d’essence, cet achat local permet de limiter la consommation d’avoine par les chevaux, et favorise l’existence d’une culture vivrière.

 

L’autre point important du roman montrant cet attachement à la production locale est la lutte contre la contrebande menée par Stacey. En effet, Cecil, acculé par les dettes contractées en jouant, s’associe à deux gredins contrebandiers. L’intervention de Stacey permet de mettre fin à ce trafic, et d’apporter définitivement la sérénité à Charlotte. En luttant contre cette activité prohibée et initiatrice de nombreuses dépenses d’énergie dues aux déplacements (bois pour construire les bateaux, tissus pour les voiles), Mary Nichols insiste sur le primat donné à une consommation locale, condamnant l’entrée sur le territoire britannique de denrées étrangères.

 

II.                De la justice sociale dans l’Angleterre pré-victorienne.

 

Lady Charlotte, en plus d’être une femme ayant déjà en tête le réchauffement climatique, est une défenseuse acharnée de la justice sociale. Une nouvelle fois, elle est précurseur dans ce domaine.

 

Son grand œuvre consiste en effet dans une école qu’elle tient au village. Au début, avec le soutien du curé, elle apprend aux enfants pauvres du village à lire, aidée par ses deux filles. Vu comme une madone dans le village, son activité parait saugrenue par les personnes extérieures, comme Cecil, mais aussi pour Stacey. Leur première rencontre aura d’ailleurs lieu sur la plage, alors que Charlotte a emmené les enfants en sortie. Stacey gardera un souvenir étrange de ce moment important dans sa vie.

 

Puis, les projets de Charlotte changent. N’ayant plus de revenus suite à la mort de son beau-père ni de toit à l’arrivée de Cecil, elle décide de monter une école payante. Mais, pour ne pas cesser son activité avec les villageois, elle décide de monter une école qui mêlera enfants aristocrates, dont la scolarité sera payante, et enfants du village, accueillis gracieusement. Ce mélange des genres, précurseur et digne des opérations de busing, est tout à fait caractéristique du personnage de Charlotte. Un dernier signe de cette volonté de justice sociale est la volonté de Charlotte de cacher ses origines aristocratiques, ce qui n’est pas sans poser de difficulté au cours de l’intrigue comme il sera montré ultérieurement.

 

Un dernier point, plus formel, permet d’étayer cette thèse de la justice sociale. En effet, afin de ne pas trop effrayer le lecteur, voire de lui donner l’impression d’être intelligent, l’éditeur, avec l’aide du traducteur, introduit des jeux qui s’adressent à tous les niveaux de lecture, permettant une mixité accrue de son lectorat. Ainsi, le premier de ses jeux consiste à trouver les différentes et nombreuses coquilles qui émaillent le texte : erreurs grossières (« par ce que »), barbarismes (oubli de négation, qui reste une faute bien que notre Président se le permette), un mot pour un autre. Un second jeu, tout aussi intéressant, permet au lecteur de travailler sur les homonymes : ainsi, la traductrice emploie à de nombreuses reprises (voire exclusivement) le verbe répartir dans les dialogues. Le lecteur peut ainsi imaginer quel autre verbe il aurait pu insérer. Ce jeu fonctionne également avec l’expression « in petto », jamais autant utilisée que dans Le manoir des tentations.

 

Malgré ces importantes avancées progressistes, Le manoir des tentations reste imprégné d’un fond de morale judéo-chrétienne, voire puritaine. Mais cela n’est finalement pas incompatible avec les points évoqués ci-dessus.

 

III.            De l’alliance du puritanisme et du progressisme.

 

Le manoir des tentations est marqué par un puritanisme exacerbé. Ainsi, à aucun moment Stacey et Charlotte n’auront de relations sexuelles. Un simple frôlement du bras dans une cave sombre suffit à Charlotte pour tomber en pamoison. Alors, lorsque Stacey joue la comédie devant Cecil en l’embrassant, le lecteur sent qu’il atteint le summum de l’étreinte physique dans ce roman. Car même la scène de bal à Ipswich ne permet pas aux deux veufs (car Stacey est veuf lui aussi) une proximité plus importante. La relation est d’ailleurs surveillée par les enfants des deux tourtereaux, qui ne sont donc pas totalement libres de leurs mouvements. Ils occupent la place du prêtre, qui est presque le personnage le plus ouvert du roman  (hormis Cecil et ses compagnons de beuverie, qui n’hésitent pas à faire venir des péripatéticiennes lors de leurs soirées), puisqu’il incite Charlotte à assister au bal avec Stacey.

 

Cette morale est très présente aussi par le biais de la culpabilité qui étreint les deux héros. Ils sont toujours à se demander non s’ils ont fait le bon choix, mais si leurs gestes ne sont pas condamnables. Ils tergiversent, n’osant se déclarer leur flamme, et utilisant le moindre prétexte pour s’éloigner de l’autre, éloignement plus tard lourdement regretté.

 

Enfin, les convenances sont respectées, avec une société patriarcale et de classe, où les domestiques n’ont pas la parole. Le fait que Charlotte cache ses origines nobles empêche d’ailleurs pendant longtemps Stacey de prendre une initiative, car l’ombre de la disgrâce de ses parents plane sur lui.

 

Mais tous les éléments qui accréditent l’idée d’un puritanisme influent ne sont qu’un leurre servant à l’intrigue du roman : ils ne sont en fait présent que pour montrer de manière encore plus flagrante le progressisme de cet ouvrage, avec Charlotte, cette femme forte, et Stacey, cet homme originellement pris pour un voyou et qui se révèle au final un cœur noble, compréhensif des objectifs scolaires et sociaux de celle qu’il convoite. Le Manoir des tentations permet donc de marier la chèvre et le chou, le puritanisme et le progressisme. Et c’est bien cela qui fait la force de la collection Harlequin, l’association inattendue de thèses a priori antinomiques, association rendue plus explicite encore par le contraste avec les héros, dont on sent au premier abord les liens qui les unissent, et qui vont faire qu’ils vont se retrouver, malgré les nombreuses épreuves, comme les contrebandiers ou la maladie de la fille de Stacey, attrapée après s'être baignée nue avec un garçon dans un lac.

 

Le manoir des tentations, de Mary Nichols

Traduit de l'anglais par François Delpeuch

Ed. Harlequins - Les Historiques

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15 septembre 2009 2 15 /09 /septembre /2009 08:28

Quand Emmyne a proposé un swap sur le thème Mémoires d’enfances, je me suis dit que cela ne me ferait pas de mal de replonger dans mes vertes années, qui s’éloignent peu à peu (enfin, comme pour tout le monde). La confection du colis fut un moment de recherche sympathique, mais ce n’est rien à côté du plaisir que j’ai eu à ouvrir le colis que m’a envoyé Rondine, et surtout à découvrir ce qu’il contenait.

 

Le colis ? Une boîte entourée d’un papier bleu, remplie de multiples paquets eux-mêmes bleu (hormis un vert et un rose, allez savoir pourquoi ! Mais Rondine m’a demandé de ne pas en parler.). Sur le dessus, une carte postale figurant des enfants en train de lécher la vitrine d’une librairie à l’ancienne, et rapidement, le trésor se dévoile.

 

On commence en douceur, avec deux marques-page, l’un représentant un enfant, l’autre une série de crayons de couleurs. Puis une trousse bleu (encore !), avec un barbapapa jaune en guise de porte-clé. A l’intérieur se disputaient carambar, Chupa Chups, roudoudous et colliers de bonbons. Au rayons gourmandises, à noter la présence de Michel & Augustin, avec leurs biscuits Vanille et pavot. Ceux-là, ils ne feront pas long feu !!!

 

Pour retomber définitivement en enfance, et avant les choses sérieuses, j’ai découvert un tube pour faire des bulles aux couleurs de Oui-Oui (Mais coment a-t-elle fait pour deviner que j’avais été chambré avec Oui-Oui, au collège, avec le détournement qu’en avait fait Les Guignols au sujet de Lionel Jospin ? Trop forte !).

 

Ensuite, ce fut l’avalanche d’excellentes surprises. La première, et pas la moindre, fut l’ouverture du paquet qui contenait ce qui constitue le premier manga de ma bibliothèque, et qui va remettre à vif tous mes fantasmes enfantins : le premier tome, en édition de luxe, s’il vous plait, de Cat’s Eye. Mais oui, cette série avec des voleuses qui échappait toujours au policier qui essayait de les charmer. Huit épisodes pour retrouver tous mes émois pré-pubères !  Génial !

 

Puis ce fut la découverte de deux classiques de la littérature jeunesse. Un que je connais de nom sans l’avoir lu, La cicatrice, de Bruce Lowery (on m’a déjà prévenu que je risquai de pleurer en le lisant), et La petite fille au kimono rouge, de Kay Haugaard, que je ne connaissais pas du tout. Dans le registre « livre mettant en scène un enfant », je vais découvrir Ciel bleu, une enfance dans le Haut Altaï, d’un auteur allemand, Galsan Tschinag. Je ne connais pas ce roman, mais la maison d’éditions (Métaillié) m’inspire une grande confiance !

 

Et ce n’est pas tout ! Car Rondine a également ajouté un DVD, L’argent de poche, de Truffaut. Encore une fois, film inconnu au bataillon que je me ferai un plaisir de visionner. Je pourrai d’ailleurs noter toutes mes impressions sur le cahier de bonnes notes fourni avec l’ensemble, et truffé d’observations bien senties.

 

Bref, il est inutile de rappeler que je suis très heureux de tous ces cadeaux, que ce swap merveilleusement organisé par Emmyne est une formidable réussite, et que je vous reparlerai de tout cela dans les semaines à venir ! Encore un grand merci à Rondine pour ce très beau colis, qui est parfaitement réussi !

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