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5 août 2010 4 05 /08 /août /2010 11:00

theorie du panda

Gabriel débarque en Bretagne, dans une petite ville qu'il ne connaît pas. Il a fui certains événements de son passé, et décide de s'installer dans cette bourgade. Il y a fait la connaissance de quelques habitants, et lie des relations amicales avec Madeleine, la tenancière de l'hôtel dans lequel il occupe une chambre ou avec deux junkies. Il fait surtout la rencontre de José, le propriétaire du Faro, dont la femme est très malade. Gabriel tente de se reconstruire, de se reconstituer, mais le passé laissé derrière lui ne le laisse pas en repos.

 

La théorie du panda est un roman à l'intrigue surprenante, et très bien construite. Le lecteur suit Gabriel, jeune homme dont on ne sait rien, et dont on découvre la vie et les traumatismes au fil de divers flash-back. Gabriel s'entoure de personnes dont la vie est aussi détruite que la sienne. Madeleine est seule, et n'a que son hôtel pour occupation, les deux jeunes courent après l'argent et ne parviennent pas à se faire confiance. Surtout, c'est le personnage de José, à qui Gabriel offre un panda en peluche, qui est le personnage le plus touché. Sa femme est gravement malade, et les rares moments de répit ou de joie ne sont malheureusement pour lui que de courte durée. Tous les éléments du roman font que Gabriel est le personnage le mieux loti du roman. Mais c'est sans compter sur le mystère introduit par les flash-back, qui fait naître chez le lecteur la suspicion que la vie de Gabriel n'est pas un long fleuve tranquille.

 

L'intrigue est prenante, mais le plus frappant dans ce roman, et certainement le plus réussi, c'est l'ambiance qu'arrive à instaurer Pascal Garnier. En quelques lignes, quelques pages, il réussit à créer une ambiance brumeuse, de mystère et de tension tout à fait remarquable. Le choix de cette ville bretonne, non identifiée, facilite cette plongée dans un monde où les personnages sont des ombres qui se débattent dans un univers qui les noie, mais Garnier parvient tout de même à créer de l'empathie pour les personnages. C'est le grand tour de force de l'auteur, décédé en début d'année, et ce roman est vraiment une très belle réussite, à découvrir sans modération.

 

L'avis de Dédale.

 

Autre roman de Pascal Garnier : Lune captive dans un oeil mort.

 

La théorie du panda, de Pascal Garnier

Ed. Zulma

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3 août 2010 2 03 /08 /août /2010 19:44

Depuis quelques années maintenant, Cyrano de Bergerac fait les beaux jours de la Comédie Française. Régulièrement repris, il était une nouvelle fois à l'affiche en cette fin de saison 2009-2010. et comme l'occasion d'assister à une représentation ne s'était pas encore présentée, j'ai sauté sur l'occasion.

 

Pour l'intrigue, faisons court : Cyrano aime Roxane, qui aime Christian. Enfin, elle aime plus Christian pour les lettres qu'il lui écrit et les déclarations qu'il lui fait, que pour son physique. Seulement, les lettres ne sont pas le fait du fringant Christian, mais de l'homme au long nez, Cyrano.

 

L'entrée en matière de la pièce est assez réjouissante. On assiste, depuis les coulisses, au spectacle de Montfleury, acteur renommé de l'époque et pris en grippe par Cyrano. J'ai beaucoup apprécié le bouillonnement des coulisses, où se retrouvent presque tous les protagonistes qui feront le sel de l'histoire à venir. Si certains propos sont assez difficilement audibles (et pourtant, j'étais au premier rang), j'ai trouvé que la mise en scène enlevée, rapide, fulgurante, permettait de passer sous silence ce petit défaut. Podalydès prend dès ce premier acte la pièce à son compte, avec une actualisation du texte qui permet de citer tous les acteurs honoraires actuels du Français, et cette adaptation est amplement justifiée.

 

Par la suite, la mise en scène est très réussie, prenant vie dans un décor assez remarquable, en particulier lors du passage chez Ragueneau, le pâtissier, où les volailles et les casseroles pendent au dessus de la scène. De même, la représentation du camp d'Arras est très évocatrice, et les confettis rouges de sang rendent toute la tension de ce moment.

 

L'autre point fort concerne bien évidemment les acteurs, d'autant plus que la distribution était, pour les rôles principaux, celle d'origine : Michel Vuillermoz incarne un vibrionnant Cyrano, Françoise Gillard (jolie découverte) une courageuse Roxane, Eric Ruf un plaisant Christian, et Christian Cloarec un détestable De Guiche. Et ce qui est formidable avec la Comédie-Française, c'est que les seconds rôles sont toujours soignés : retrouver Grégory Gadebois, Julie Sicard, Alain Lenglet ou Jérôme Pouly dans des personnages moins exposés est un vrai bonheur.

 

Je crois que je deviens un inconditionnel de la Comédie-Française, car si les mises en scène de pièces peu montées sont parfois sujettes à discussion (comme les Oiseaux ou L'illusion Comique), leurs interprétations des grands classiques du répertoire sont souvent un vrai régal. D'ailleurs la saison 2010-2011 promet quelques bons moments, avec les reprises des très belles mises en scène de L'Avare par Catherine Hiegel ou Le malade imaginaire par Claude Stratz (Deux pièces que je vous recommande vivement), mais également avec la création de l'Opéra de Quat'sous qui m'intrigue beaucoup. Mais profitons des vacances, la saison théâtrale viendra en son temps...

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2 août 2010 1 02 /08 /août /2010 19:59

copacabana

Si Copacabana évoque les vacances et la plage, ce billet n'a pas pour objet de parler de mes vacances, passées loin du soleil brésilien mais sur les côtes bretonnes (qui ont d'ailleurs été très ensoleillées, elles aussi). Copacabana, c'est le nom de dernier film de Marc Fitoussi, avec en tête d'affiche Isabelle Huppert et Lolita Chammah, sa fille.

 

Babou est une mère au caractère bien trempé. Ancienne baba, elle vit sa vie comme elle l'entend, et aucune pression ne peut la contraindre à entrer dans le moule. Le hic, c'est que sa fille en a assez de cette mère qui lui fait honte. Alors, pour redorer son blason aux yeux de sa fille, Babou décide de travailler. Elle se retrouve donc à Ostende, où elle tente de rabattre des acheteurs potentiels pour des appartements en time-share (plusieurs propriétaires qui se partagent les lieux dans l'année). Si l'expérience lui permet de faire des rencontres surprenantes, elle ne lui permet pas de renouer totalement avec sa fille.

 

Le grand plaisir de ce film, c'est de retrouver Isabelle Huppert dans un rôle où elle excelle. Loin des personnages sombres et sauvages dont elle s'est fait une spécialité (Villa Amalia, Un barrage contre le Pacifique,...) et dans lesquels elle s'est un peu enfermée, elle incarne ici une femme excentrique et drôle au possible. Ses relations avec son seul ami masculin, qui tente d'aller plus loin, ou avec une ancienne amie dont elle besoin d'emprunter la voiture (Noémie Lvovsky, hilarante avec son canapé), donnent le ton de ce film qui marie parfaitement un ton très drôle et un fond plus difficile.

 

Car le métier trouvé par Babou est loin d'être une partie de plaisir. Elle ne reçoit aucune formation pour son nouvel emploi, et est en concurrence avec d'autres salariées qui tentent de s'imposer aupèrs de la tigresse qui dirige la boîte (Aure Atika, convaincante). Mais Babou réussit à allier son métier, la réussite qui lui permet de grimper les échelons et le bon temps, notamment avec des belges rencontrés au restaurant du coin. Elle se permet également d'aider quelques SDF avec lesquels elle lie amitié. Cette description des rouages de cette activité, où le but est d'exploiter au maximum des salariés mal payés en les mettant constamment en opposition les uns avec les autres, est assez subtile.

 

Copabacana vaut donc beaucoup pour Ostende, déjà aperçue chez Lucas Belvaux, pour Huppert (Isabelle, car Lolita Chammah n'est pas exceptionnelle, une Déborah François en moins présente) et pour le décalage constant entre le titre du film et le milieu dans lequel se déroule l'action (Tourcoing, puis la côte belge). Seule la scène finale, assez mémorable, permet de faire le lien avec le titre, et clôt en beauté un film assez maîtrisé (Seule l'affiche est à revoir, car elle dénote avec l'atmosphère du film).

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14 juillet 2010 3 14 /07 /juillet /2010 17:15

breves de footballLa coupe du monde de football vient de se terminer. Quelques matchs intéressants (dont la fin de Slovaquie-Italie ou Allemagne-Argentine), d'autres très décevants (dont la finale, détruite par le jeu agressif des Pays-Bas), mais un cru assez attendu, finalement.


C'est également l'occasion de se replonger dans l'un des quelques livres parus à l'occasion de cet événement sportif qui a dépassé depuis quelques années le simple cadre du sport. Brèves de football est un recueil de citations prononcées par des personnalités du monde du football, entraîneurs, joueurs ou journalistes, ou par des personnalités ayant un goût prononcé pour ce sport (l'incontournable Albert Camus, Jean-Louis Murat, Paul Auster...)


Ces différentes citations sont organisées en 10 chapitres, eux-mêmes découpés en parties de taille très variable (certaines ne comprennent que deux ou trois citations, quand d'autres en ont une dizaine). Cette hétérogénéité est très sensible, et est d'ailleurs un des points les plus discutables de ce recueil. Les rapprochements au sein de chaque partie ne sont pas justifiés, et il est compliqué de trouver une cohérence à tout cela.


A ce fouillis organisé s'ajoute un léger manque de diversité dans le choix des citations. Si Renaud Dély, l'auteur, également directeur de la rédaction de France Inter, tente des incursions dans des milieux non footballistiques, ils restent assez limités. Surtout, les auteurs des citations sont assez souvent les mêmes. Il a ainsi une grande attirance pour les déclarations des entraîneurs belges de l'OM, en particulier Eric Gerets, pour Eric Cantona (dont les déclarations sont connues) ou Thierry Rolland.


Le plus de Renaud Dély est de contextualiser certaines des déclarations, que ce soit en rappelant le moment où elles ont été prononcées ou en présentant leur auteur. Malheureusement, les ajouts du journaliste sont parfois décalés, mais tombent aussi à plat. En voulant faire de l'humour, il exprime clairement ses préférences, qui ne vont pas vers le PSG. L'objectivité n'est pas un mal, mais il convient dans ce cas de l'équilibrer. Un recueil qui m'a rappelé quelques sorties marrantes ou décalées, mais qui dans l'ensemble reste assez dispensable.


Pour une plongée plus fouillée dans les arcanes du football et les endroits moins fréquentables, je conseille plutôt Le milieu du terrain, de Denis Robert.

 

Merci à BOB pour l'envoi de ce recueil !

 

Brèves de football, de Renaud Dély

Ed. François Bourin

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11 juillet 2010 7 11 /07 /juillet /2010 18:25

illusionisteSylvain Chomet revient, après les débridées et jazzies triplettes de Belleville, avec un nouveau film d'animation d'un tout autre genre. Fini les envolées musicales et l'histoire abracadabrante, voici le temps de la mélancolie et de la rencontre avec Jacques Tati.

Le scénario mis en image par Chomet est une idée de Tati. Il y a parle de ses débuts en tant qu'artiste de music-hall. A Paris, il monte des spectacles de magie dont la vedette est un lapin carnivore. Pour diverses raisons non vraiment expliquées, il décide de quitter la France et de montrer son spectacle outre-manche. Après une tentative londonienne ratée, il se rend en Ecosse. Là, il y trouve des lieux pour jouer, et fait la rencontre d'une jeune fille qui va le suivre dans sa vie de saltimbanque...

Le rythme du film de Chomet est assez lent. Les scènes prennent leur temps, comme le grand échalas qui évoque irrémédiablement Mr Hulot. Beaucoup de spectateurs semblent être sortis déconcertés de ce film, notamment à cause de cette lenteur. Pour ma part, je trouve qu'elle participe pleinement à cette mélancolie tenace qui parcourt tout le film.

Le magicien n'est pas un personnage gai ou heureux. Il ne sourit que rarement, et sa vie se passe dans des salles presque vides où il prend la suite d'un groupe de rock à la mode. Toutes les péripéties qu'il rencontre sont dans cette veine de résignation, de laisser-aller face à un monde auquel il n'est pas forcément adapté, mais dans lequel il tente de s'installer. Son échec en tant qu'artiste ne le brise pas, il devient concierge dans un parking ou magicien dans la vitrine d'un magasin, et tente de s'en sortir.

Autour de lui, la jeune fille fait figure d'espoir. Jeune ingénue, ne se rendant pas forcément compte des réalités, elle prend tout ce que lui offre le magicien comme des cadeaux tombés du ciel, sans réaliser les efforts qu'il a fourni pour les lui offrir. C'est la pointe de légèreté, de naïveté, qui est un contrepoint salutaire au personnage lunaire et perdu du magicien. Surtout que ses camarades saltimbanques, le clown ou le marionnettiste ventriloque, sont encore plus désespérés que lui.

Sylvain Chomet signe donc un film très beau graphiquement, avec des scènes de trains traversant des ponts ou des plans d'Édimbourg magnifiques. Le sujet est lui assez sombre, très triste en somme, sur un monde d'artistes condamnés à disparaître car trop éloignés de la société dans laquelle ils vivent. Et cette tristesse, cette mélancolie, sont parfaitement rendues  par la lenteur de la narration et les choix de mise en scène. A voir en sachant qu'on ne rira pas forcément beaucoup...

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10 juillet 2010 6 10 /07 /juillet /2010 09:00

acinqheuresdeparisYigal, chauffeur de taxi dans la banlieue de Tel-Aviv, a une passion : la France. Il écoute Joe Dassin et Adamo, et rêve de voir Paris avec son ex-femme, son nouveau mari et son fils Asafi. Mais il y a un problème : il a peur en avion. Il suit des séances pour surmonter cette phobie, mais rien n'y fait. Sa confiance remonte quand il fait la connaissance de Lina, la professeur de musique de son fils. Il redécouvre les frissons du flirt, et sa peur panique semble disparaitre. Jusqu'au retour de Grischa, le mari urologue de Lina qui fait tout pour émigrer au Canada avec son épouse.


Leon Prudovski réussit un joli film, avec un tour de force assez impressionnant. D'un postulat comique, avec Yigal, chauffeur qui collectionne les embrouilles, les phobies, il tord petit à petit son angle d'attaque pour en faire une comédie sentimentale qui penche par moment vers le drame. La comédie romantique prend peu à peu la place, avec ces séquences de drague entre Yigal et la professeure de musique, notamment lorsqu'il l'accompagne au conservatoire ou chez elle après qu'elle a raté le dernier bus.


Yigal doit également jongler entre sa famille, avec son ex-femme et surtout son ami, qui fait tout pour embarquer Yigal dans une affaire de compagnie d'autocars et le considère comme un raté de la pire espèce. Heureusement, il arrive à discuter avec son fils, même si les conseils qu'il lui donne ne sont pas toujours très recommandables. Les scènes avec son fils, intermédiaire involontaire entre son père et sa professeure de musique, sont d'ailleurs très émouvantes, en particulier celle de ce spectacle de fin d'année dans laquelle Asafi se fait remarquer.


A cinq heures de Paris n'est pas une énième comédie romantique et sentimentale, mais une œuvre douce-amère sur un amour impossible. A cela s'ajoute l'immersion dans la colonie russe israélienne, avec le personnage de Grischa, et la volonté d'ailleurs, Israël ne laissant pas de possibilités à la hauteur des attentes de l'urologue. Pas de revirement spectaculaire dans l'intrigue, mais une acceptation triste et réaliste des histoires d'amour complexes et des échecs qui y sont inhérents.


Un bon premier film, servi également par deux très bons acteurs principaux, Dror Keren et Helena Yaralova, et une bande originale (dans tous les sens du terme), qui mêle Adamo et Joe Dassin sur fond de banlieue de Tel-Aviv.

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7 juillet 2010 3 07 /07 /juillet /2010 19:37

wallraffGünter Wallraff est un spécialiste du journalisme d'immersion. Au milieu des années 80, il s'est fait connaître en Allemagne en enquêtant sur les discriminations envers les Turcs. Grimé en membre de la communauté turque, il a éprouvé toutes les vexations vécues quotidiennement par les turcs d'Allemagne (et ils sont nombreux, comme en témoigne la présence de plusieurs d'entre eux dans l'équipe nationale allemande de football).


Le journaliste a poursuivi son travail, en se glissant successivement dans la peau d'un noir, d'un SDF, d'un employé d'une boulangerie industrielle sous-traitante pour Lidl ou d'un centre d'appels. Dans tous ces passages, Wallraff narre avec précision les conditions de travail, le regard des autres sur le personnage qu'il incarne.


Les deux premiers chapitres, celui où il joue un noir puis un SDF, sont les plus proches de ce qu'il a déjà fait avec la communauté turque. Lorsqu'il se grime en noir, il découvre le racisme ordinaire, quotidien, qui peut amuser dans les fictions car on l'imagine disparu, mais qui persiste. Certains le prennent pour un groom, d'autres refusent de s'asseoir à ses côtés. Le choc le plus important subi par Wallraff est lorsqu'il se rend dans un café de Cologne, dans son quartier. Il réalise que dans tous les milieux, la défiance par rapport aux noirs est très souvent prégnante.


En tant que SDF, il subit à la fois le froid des nuits passées dehors, mais aussi l'angoisse dans les foyers sales, non sécurisés qu'il fréquente. Il n'hésite d'ailleurs pas à pointer du doigt les services municipaux qui gèrent par dessus la jambe les problèmes d'accueil des SDF.


Ensuite, on retrouve Wallraff dans des milieux de travail. Que ce soit dans un call-center ou dans la boulangerie industrielle, il est confronté aux pressions des dirigeants, aux mensonges à la dissimulation et, plus inquiétant, à la résignation de tous ceux qui y travaillent, contraints de se taire pour gagner le salaire du mois. Dans le centre d'appel, il découvre que les méthodes utilisées sont toutes hors des clous de la légalité. L'abus de confiance auprès des personnes âgées est érigé en mode de fonctionnement, et promu par la direction. Dans la boulangerie, c'est l'imposition des rythmes infernaux qui est la plus difficile à vivre. Lidl impose des règles intenables, et ce sont les ouvriers qui en paient les conséquences. Wallraff en profite pour questionner les magasins à bas coûts, qui pour proposer des prix bas font travailler dans des conditions invivables les ouvriers, et ce pour un résultat peu appétissant (les ouvriers refusent les pains qui leur sont offerts par l'usine, car ils voient dans quelle condition ils sont fabriqués).


La suite de la démonstration est moins pertinente. Wallraff n'est plus en immersion, mais utilise des témoignages qu'il rassemble. Il s'attaque aux conditions de travail et d'embauche de jeunes stagiaires dans un restaurant réputé, qui ignore superbement toutes les conventions de stage. Il interroge également les conditions de travail chez Starbucks, le géant du café où tout est formaté, calculé, mesuré, pour fournir partout le même service, mais une nouvelle fois en faisant travailler les employés dans des conditions démentielles. Il se confronte aussi au service public, enfin, anciennement public, avec une plongée dans les méandres de la Deutsche Bahn, l'équivalent de la SNCF, dont la privatisation a, outre des conditions de transport pas forcément meilleures, très largement dégradé les conditions de travail dans l'entreprise, avec mises au placard à répétition pour casser psychologiquement les réfractaires au changement de statut.


Mais c'est le dernier chapitre qui est le plus édifiant. Wallraff raconte comment des consultants se sont spécialisés dans des formations visant à permettre le licenciement de personnes « protégées », comme les membres d'un CE, des représentants syndicaux, des femmes enceintes,... En utilisant quelques failles, en usant d'un harcèlement psychologique incroyable, en prenant même le risque d'être condamné pénalement, il présente, lors de séminaires grassement rémunérés, toutes ses ficelles. C'est consternant, incroyable, mais je ne peux pas croire que Wallraff l'ait inventé. Le seul objectif de ce consultant, et des entreprises qui l'embauchent, est de permettre de dégager un maximum de profit en mettant à bas toutes les protections des salariés. Il était question, il y a peu, de moraliser la capitalisme. Le livre de Günter Wallraff montre qu'on en est encore loin.


Ce qui est terrible, c'est que ce qui est décrit par Wallraff en Allemagne est très sûrement valable pour la France. D'ailleurs, Florence Aubenas, qui a pour modèle Wallraff, en a fait la preuve avec le quai de Ouistreham, où elle reprend cette méthode d'immersion. Bref, l'ensemble est accablant, et peu réjouissant quant aux perspectives d'avenir de ce modèle économique qui, quoi qu'ont pu en dire les politiques, est encore très présent.

 

Parmi les perdants du meilleur des monde, de Günter Wallraff

Traduit de l'allemand par Olivier Cyran, Marianne Dautray, Monique Rival

 Ed. La Découverte

 
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5 juillet 2010 1 05 /07 /juillet /2010 12:42

Vous avez certainement remarqué, vous qui passez de temps à autre par ici, que les ouvrages de François Vallejo occupent une place un peu particulière sur ce blog. Happé par Groom, j'ai ensuite lu une bonne partie de la bibliographie de l'auteur (mais Le voyage des grands hommes m'attend encore dans ma bibliothèque !).


J'ai poussé mon attrait pour le travail de l'auteur un peu plus loin, puisque j'ai saisi l'occasion d'une visite de son éditrice dans une des médiathèques d'Asnières pour lancer un projet d'interview. Ayant obtenu l'accord de l'auteur, l'échange a eu lieu par mail. Je remercie très chaleureusement François Vallejo (et son attachée de presse) pour le temps qu'il a accordé à répondre à mes questions (et à celles de Dédale), et je vous invite à découvrir cette interview sur Biblioblog !


Sinon, le blog est à un rythme un peu ralenti, et cela devrait durer une bonne partie de l'été...

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2 juillet 2010 5 02 /07 /juillet /2010 07:58

cathedraleLa cathédrale est le lieu d'une rencontre inattendue et improbable, entre un architecte autodidacte de la banlieue de Madrid qui construit seul cet édifice, et un jeune homme qui fuit la France après la mort de sa mère. Parti pour quelques jours, il y reste finalement beaucoup plus longtemps que prévu, intrigué et fasciné par cette construction anarchique qui défie les lois de l'architecture.


La raison du départ du héros, c'est la mort de sa mère, ou plus précisément l'euthanasie de cette dernière. Il lui a donné le coup de pouce pour mourir, sans que personne d'autre ne le sache autour de lui, même pas son père. La figure du père traverse tout le roman, et elle représente tout ce que le jeune homme a décidé de quitter pour quelque temps. Il sait qu'il doit l'appeler, pour qu'il ne s'inquiète de cette escapade espagnole qui dure, mais ne parvient pas à nouer le contact avec lui, resté en Lorraine.


Car le héros s'éprend de la vie monacale de Fernando, qui consacre tout son temps à la construction de cette cathédrale, hormis le dimanche. Il retrouve également Nadja, jeune femme avec qui il a eu une relation quelques années plus tôt, et qui vit à Madrid. A trois, ils vont se battre pour que Fernando puisse continuer son oeuvre, car ils sont certains qu'il y a du Gaudi dans ce que construit le vieil homme.


Après la rencontre, c'est le temps de la lutte entre les trois héros, et le maire du village, communiste, qui souhaite que Fernando paie ses arriérés d'impôts, sinon, il détruit l'édifice. On entre là dans un roman qui évoque don Camillo et Peppone, la lutte entre les croyants et les communistes, mais avec l'aspect humoristique en moins. Cette partie du roman, moins mystique que la première, est assez réussie et plutôt prenante.


L'histoire de cette cathédrale et celle de son bâtisseur est vraie. Fernando s'appelle Justo Gallego Martinez et il travaille à Mejorada del Campo, dans la banlieue madrilène. Le dernier chapitre est d'ailleurs consacré à cette histoire, avec l'historique. Si je comprends la volonté de l'auteur de rendre hommage à l'homme qui a inspiré le personnage de Fernando, je trouve le procédé assez maladroit. On sort à peine de la fiction, qu'on se retrouve plongé dans la réalité, avec ce chapitre documentaire. D'ailleurs, cet aspect encyclopédique se sent parfois dans le roman, notamment par la description d'autres œuvres architecturales surprenantes.


masse-critique-babelio.jpgMais, malgré ces petites réserves, l'ensemble se lit de manière très agréable, et l'histoire de Fernando et de ses amis mérite d'être découverte. Le roman d'Olivier Larizza est une bonne introduction au sujet, et permet de passer un moment avec ce personnage hors du commun.

 

La cathédrale, d'Olivier Larizza

Ed. Orizons

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1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 09:10

http://images.allocine.fr/r_160_214/b_1_cfd7e1/medias/nmedia/18/78/27/12/19453971.jpgEmile est un veuf endurci. Sa vie, il la passe entre les parties de pêche avec son ami Edmond et les retrouvailles au Penalty, le bistrot du coin. Jusqu'au jour où Edmond lui montre ses peintures, particulières, et lui annonce qu'il voit régulièrement des femmes qu'il rencontre par petites annonces. La mort d'Edmond est le signal, pour Emile, de redonner du tonus à sa vie. Lucie, Lena et Lyse l'aideront dans cette voie.


Les auteurs de BD se mettent au cinéma, et c'est généralement assez séduisant. Riad Sattouf a signé le drôlissime Les beaux gosses, Joann Sfar le « à moitié » réussi Gainsbourg, et c'est aujourd'hui au tour de Pascal Rabaté avec les petits ruisseaux. L'originalité de Rabaté, c'est qu'il a décidé de mettre en scène une de ses BD (que je n'ai pas lue). Soit l'histoire d'un homme âgé et seul qui reprend goût aux plaisirs sensuels de la vie.


Le début est par moment un peu appuyé, en particulier le personnage d'Edmond (Philippe Nahon) homme parfois vulgaire, presque antipathique, et qui ne semble pas mériter l'amitié du réservé Emile. Appuyé également, cette vie du village, avec les piliers de comptoir aux blagues parfois grasses. Heureusement, par instants, le désarroi de ces derniers est perceptible, notamment par les interventions du personnage de Bruno Lochet, au chômage et en galère.


Mais le coeur du récit, c'est Emile (Daniel Prévost). Homme qu'on peut qualifier de simple, tant sa vie tourne autour de sa maison, de son potager qu'il ne veut pas quitter, même lorsque son fils l'invite en vacances. Sa rencontre avec Lucie, si elle se borne à la découverte des dancings et aux retrouvailles avec les codes du flirt, lance véritablement le film. A bord de sa petite voiture orange, il part à l'aventure, en Corrèze où il retrouve la maison de son enfance occupée par une bande de hippies et la rivière dans laquelle il se baignait. Un retour à la nature et à la jeunesse, où les corps nus sont proches mais sans jamais de vulgarité ou de voyeurisme.


La rencontre avec Lyse, certainement la plus importante, est un hasard. Un accident de la route, qui fait qu'ils se rencontrent et se plaisent. Si la casting féminin est dans l'ensemble très séduisant (Bulle Ogier, Julie-Marie Parmentier), le personnage de Lyse, incarné par Hélène Vincent, est magnifique. C'est une femme seule elle aussi, timide également, et qui grâce à Emile renoue avec les attraits de la jeunesse.


Il y a beaucoup de très belles scènes dans ce film, entre Emile et les différentes femmes qu'il rencontre, après la mort d'Edmond. L'ensemble est apaisé, calme, à l'image de la Loire où Emile pêche. Un film qui prend son temps, comme les personnages du film prennent le leur pour retrouver les émois du flirt et de l'amour physique. Un très joli film (c'est le bon terme), qui démontre s'il en était besoin que l'amour, pour les vieux, c'est loin d'être anecdotique.

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