Il est parfois des discriminations qui passent inaperçues. Comme celles envers les petits, par exemple (je m'en rends d'autant moins que je suis assez loin d'être petit). Car plus on est grand, plus on a de chances d'être marié ou d'avoir des enfants. Plus on est grand, plus on on a un salaire élevé (en moyenne, bien entendu). A partir de différentes études menées dans des pays développés, et notamment anglo-saxons, qui ont traité ce sujet depuis longtemps, Nicolas Herpin réussit à dresser un portrait assez flatteur et optimiste pour les grands. Mais attention, car tout le monde n'a pas la chance d'être grand.
La première partie de l'ouvrage s'intéresse au fait d'être grand. Car qui est grand ? Si des raisons génétiques sont indéniables, il ressort des travaux de Herpin que la condition sociale et l'environnement de l'individu sont déterminants dans le fait d'être grand. Si, au XIX et XXeme siècle, la taille moyenne a augmenté, celle des classes ouvrières était toujours inférieure à celle des classes aisées. Herpin explique qu'il existe une taille potentielle, qui est atteinte ou non selon les conditions de vie de l'individu. Car un ouvrier qui débute à travailler à 14 ans a moins de chances d'atteindre sa taille maximale. De là, il y a eu une forme inconsciente de primat au grands, vus comme venant d'un milieu aisé, et donc mieux acceptés dans la société.
Ce qui est assez troublant, c'est une étude qu'utilise Herpin et qui montre que les mieux payés ne sont pas forcément les grands à l'âge adulte, mais les grands à l'âge de 16 ans. Ainsi, un grand à l'âge de 16 ans, mais qui arrrête de grandir, gagne en moyenne mieux sa vie qu'un grand adulte, qui était petit à 16 ans. Il y a là une prime au fait d'être grand dès l'adolescence, comme si les grands à 16 ans avaient été mieux formés car plus repsonsabilisés que les petits. Je trouve cette étude tout à fait éclairante sur le phénomène de cette prime aux grands.
Autre information que je trouve passionnante : les hommes sont beaucoup plus gênés d'être en couple avec une femme plus grande qu'eux (50 % environ) qu'une femme d'être en couple avec un homme plus petit (10 %). Comme si le fait d'avoir une compagne plus grande était une atteinte à la virilité de l'homme. D'ailleurs Nicolas Herpin ne se limite pas à une approche économétrique, mais essaie de découvrir les ressorts psychologiques qui amènent cette prime aux grands, et notamment comment ceux-ci se traduisent dans notre vie quotidienne.
Un petit ouvrage très documenté, avec de nombreux tableaux et graphiques, pas forcément aisé à la lecture (certains tableaux ou explications sont présentés de manière très statistique), mais qui permet de découvrir qu'être grand n'est pas seulement pas un avantage dans les concerts ou dans les rayons des magasins !
Le pouvoir des grands, de Nicolas Herpin
Ed. La Découverte - Repères