Le fait divers alimente très souvent la fiction. Si Truman Capote y a trouvé l'inspiration de son ouvrage le plus connu, de nombreux auteurs français ont récemment utilisé un fait divers pour alimenter leur écriture, comme Laurent Mauvignier ou Régis Jauffret, pour ne citer qu'eux. C'est également le cas d’Éric Faye, qui y a eu recours pour signer l'intrigue de Nagasaki.
Nagasaki, dans l'esprit du lecteur, évoque immanquablement la bombe atomique et ses destructions. Ici, rien d'aussi explosif et destructeur : c'est uniquement la présence inattendue d'un intrus dans son logement qui est la cause des soucis de Shimura-san.
Shimura-san vit seul dans son logement de Nagasaki. Maniaque, il a l'habitude de noter sur un carnet le niveau des bouteilles entamées après s'être servi. Son quotidien est bouleversé le jour où il découvre que le niveau est plus bas que celui qu'il avait noté. Pour être certain de ses craintes, il décide d'installer une webcam pour surveiller les allers et venues dans sa cuisine. Et ce qu'il s'attendait à voir se produit : il voit une petite femme se servir dans son frigo. Qui est-elle ? Comment est-elle entrée chez lui ?
La qualité de l'ouvrage tient au personnage de cette petite femme, arrivée dans ce logement car elle le connaît, mais surtout parce qu'elle n'avait pas d'autre endroit où aller. En s'installant dans une pièce très peu fréquentée par son hôte involontaire (la chambre d'amis, chez un homme qui ne reçoit jamais personne), elle a réussi à se reconstruire une vie, à ne plus avoir constamment peur du futur. C'est vraiment le personnage clé de cette intrigue, et ce court roman gagne en profondeur dans sa seconde moitié, lorsqu'il quitte Shimura-san pour se concentrer sur la femme. Car Shimura-san ne semble pas éprouver beaucoup de sentiments, que ce soit par rapport à sa solitude ou au traitement qu'il inflige à son hôte, sans la connaître. Un petit drame du quotidien, aux conséquences intimes importantes, que l'écriture retenue d’Éric Faye rend assez bien.
Nagasaki d'Eric Faye
Ed. Stock