Quelle expérience vécue avec Un tramway au théâtre de l'Odéon ! Je crois que j'y ai trouvé tout ce que je redoutais dans le théâtre quand je ne connaissais pas cet art : une réécriture pas forcément justifiée de l'oeuvre de Tennesse Williams, un propos inaudible, une mise en scène pompeuse et un jeu d'acteur presque absent. Heureusement qu'il y a Isabelle Huppert (pour qui j'ai voulu voir le spectacle) et Yann Collette, qui apportent un petit moment de passion dans cette longue pièce, avec une danse, seul instant où on s'intéresse à ce qui est dit, et où j'ai eu envie de voir la scène durer.
Je ne vais pas citer tout ce qui m'a laissé perplexe, voire déplu, car ce serait une longue litanie, mais il y a quelques points, tout de même, que je ne peux passer sous silence. Tout d'abord le jeu des acteurs. Stanley Kowalski, immortalisé à l'écran par Marlon Brando, est ici incarné par Andrzej Chyra, acteur qui a la sensualité et la bestialité d'un marshmallow. Il passe pour violent, mais jamais on ne sent l'homme pour qui Blanche (Isabelle Huppert) va voir un désir grandir, au point de devenir incontrôlable. Même chose pour Stella (Florence Thomassin), soeur de Blanche et femme de Stanley, qui est battue, enceinte, et qui a un manque de charisme assez incompréhensible. Et puis il y a cet acteur à l'accent espagnol qui ne fait que montrer sa bouche à la caméra.
Ensuite, il y a ce choix, que je ne comprendrai jamais au théâtre, de faire jouer les acteurs avec des micros. Autant cela peut éventuellement se justifier quand les acteurs parlent depuis la salle de bains implantée dans un couloir transparent qui fait penser aux couloirs d'embarquement des aéroports, autant, quand les acteurs sont en avant-scène, ce choix s'avère ridicule. Ah si ! Les micros sont nécessaires, car tout au long de la pièce, le spectateur se voit infliger une musique de fond qu'il faut bien que les acteurs couvrent.
Enfin, je crois que ce qui me sidère le plus, c'est ce recours à Un tramway nommé désir pour arriver à une pièce qui, certes, en respecte les passages narratifs, mais ne dit plus rien, ni sur l'époque où la pièce a été écrite, ni sur la nôtre. Warlikowski intègre, en plus, des textes classiques ou récents, allant de Platon à Oscar Wilde, en passant par Flaubert ou Coluche (je ne les ai pas tous reconnus, ils sont indiqués dans le programme), dont on se demande souvent ce qu'ils viennent faire là. Même chose pour les chansons, interprétées au beau milieu de la pièce à plusieurs reprises. Et je crois que le comble du grotesque est atteint au bout de 2h30 (trop longues heures), lorsque défile sous les yeux des spectateurs l'histoire de Tancrède, projetée en fond de scène, pendant que la chanteuse chante les paroles dans une langue inconnue.
Je suis assez rarement déçu au théâtre, mais cette version de Un tramway dépasse tout ce que j'ai pu voir jusque là : une mise en scène lourdingue, une pièce remplie d'intertextualité et de signifiants littéraires (c'est tellement chic), qui m'a laissé complétement à côté. Heureusement, il y avait Huppert et Collette pour aider à passer le temps (mais que ce fut laborieux !)