Ragtime est un roman complexe à résumer. Plus qu'un récit avec des intrigues multiples, E. L. Doctorow signe un roman d'ambiance : celle des Etats-Unis de la côte est au début
du XXe siècle. Au cœur de l'ouvrage, on trouve une famille blanche, qui sera le point de départ des nombreuses intrigues de ce roman.
Le père, patron d'une entreprise de feux d'artifice, est un aventurier dans l'âme. Il s'engage notamment sans hésiter avec
l'expédition Peary pour atteindre le Pôle Nord. Dans la famille, il y a également la mère, plus effacée, un peu craintive, mais qui prendra ses distances avec son mari quand il sera nécessaire et
aura l'opportunité et la force de reconstruire sa vie. Il y a également Jeune Frère, homme fantasque, qui rompt le cadre idyllique de la famille pour s'engager dans des actions violentes visant à
dénoncer la ségrégation qui frappe les noirs.
Car le thème du racisme est un des thèmes importants du roman. La vie de Coalhouse Walker Jr, jeune musicien de ragtime,
amoureux de Sarah, la domestique de la famille, est édifiante. Son fils, qu'il n'a jamais vu, vit avec Sarah, et les retrouvailles qu'il tente de nouer avec la jeune fille et son fils tourne au
drame. L'injustice qu'il subit (presque une anecdote, un véhicule abîmé volontairement par les membres d'une caserne des pompiers, mais aux conséquences dramatiques) est à l'origine de son
engagement radical, dans lequel il est suivi par quelques personnes, dont Jeune frère qui se maquille au bouchon brûlé pour se noircir le visage.
Outre cette intrigue centrale, palpitante, E. L. Doctorow donne à lire l'évolution de la société américaine de cette décennie
qui ouvre le début du siècle. On y croise l'illusionniste Houdini, le magnat financier Morgan qui se passionne pour l'Égypte, l'industriel Ford qui lance sa célèbre voiture Modèle T ou l'archiduc
Ferdinand d'Autriche, dont l'assassinat à Sarajevo sera à l'origine de la première guerre mondiale.
La force du roman est donc de remettre en perspective et en question le modèle américain, qui semble dans les premières pages
le cœur du roman. Car la mort et la violence, le racisme et l'injustice sociale sont toujours présents, de manière plus ou moins visible. Écrit en 1975, ce roman est une plongée réussie dans
l'histoire des Etats-Unis, qui m'a rappelé le travail de Dennis Lehane sur Boston dans Un pays à l'aube, ou certains
passages du très bel ouvrage de Colum McCann, Les saisons de la nuit.
Ragtime de Edgar Lawrence Doctorow
Traduit de l'anglais par Janine Hérisson
Ed. Robert Laffont - bibliothèque Pavillons