Pour ce dixième volume de la série des Rougon-Macquart, Zola continue sa description du monde parisien. Après les dorures des ministères, la boutique de Gervaise, l'appartement à Passy et les différentes résidences de Nana, il s'attache ici à décrire le fonctionnement d'un immeuble haussmanien. On se retrouve dans une ambiance proche de celle de La curée, où quelques notables tentent de profiter des travaux d'urbanisme d'Haussmann pour s'enrichir, tandis qu'une grande partie de la population subit plus qu'elle ne profite de ces évolutions.
Mais l'apport de ce nouveau roman est d'entrer dans l'intimité de la vie de cet immeuble. Le prétexte est Octave Mouret, qui arrive de Plassans pour s'installer à la capitale, avec l'aide de quelques connaissances. Il prend peu à peu pied dans cette société, où les machinations et les mensonges des plus riches permettent aux bonnes de nourrir leurs discussions. Car si la vie des bonnes est marquée par le sacrifice et la soumission, celle des maitres est occupée à trouver le mariage le plus profitable, à faire fructifier les placements ou à attendre que le vieil oncle avare daigne donner sa part à la famille.
C'est donc une grande galerie de portraits que donne à voir Zola. Cela passe par le concierge, ancien serviteur chez un noble qui n'arrive à se faire à la présence d'ouvriers dans la demeure qu'il entretient. Mais aussi par différentes familles, comme les Josserand, où la mari tente péniblement de fournir l'argent pour toutes les coquetteries de sa femme qui souhaite absolument rivaliser avec les réceptions des voisins du dessous. Cela donne lieu à des pasages où le grotesque de Zola se déploie amplement. C'est d'ailleurs une des caractéristiques de ce roman : on y ressent fortement le regard acide que porte Zola sur ce monde refermé sur lui-même, incapable d'accepter autrui et regardant de travers ceux qui ne partagent pas leur façon de vivre.
Zola en profite pour donner aux bonnes quelques scènes d'anthologie, comme celui du difficile accouchement d'Adèle, seule dans sa chambre du dernier étage. Et au milieu de tous ces personnages, on suit Octave, opportuniste qui arrive à retomber sur ses pieds en se rapprochant de sa patronne qui devient sa femme. Et dont on suivra l'ascension de plus près dans le volume suivant, Au bonheur des dames.
Néanmoins, Pot-Bouille ne m'a complétement convaincu. Le dénigrement des bourgeois a un aspect un peu systématique, et sa peinture des domestiques est un peu limitée. Il faut dire que depuis, que ce soit dans La règle du jeu de Renoir ou dans Gosford Park de Robert Altman (et il y en a bien d'autres), les relations entre maîtres et domestiques ont beaucoup servi à la construction de fictions. Pot-Bouille reste toutefois la description un peu vacharde et caustique d'un immeuble bourgeois de ce Paris sous Napoléon III, à une époque où les bourgeois pensent avoir repris le contrôle de la société.
Autres romans de Zola : L'Assommoir, Son excellence Eugène Rougon, Une page d'amour, Nana
Pot Bouille d'Emile Zola
Ed. Folio - Classique