Philippe
Jaenada, l'homme aux parenthèses (voilà, c'est dit !). Auteur dont j'ai déjà beaucoup entendu parler, notamment via les Chats, et que je n'avais
jamais eu l'occasion de découvrir. C'est maintenant chose faite, et bien faite, avec son dernier opus.
Un été dans les Pouilles. Avec sa femme Oum et son jeune fils Géo, Voltaire (ces prénoms vous donnent une idée des personnages), a décidé de passer les vacances sur le côte, là où ils sont déjà venus en villégiature. Si tout débute comme des vacances classiques (repas sur le balcon, linge étendu), rapidement, le paradis perd son aspect bienveillant, et se transforme en piège qui se referme sur eux : un feu s'est déclaré plus haut, et leur seule solution est de fuir, vers la plage, vers la mer, et toujours plus loin, car les flammes et la fumée semblent les poursuivre.
Si le paysage bucolique, les pizzerias et la mer toute proche annoncent des vacances de rêve (et on s'y croirait), la fuite et la peur des personnages sont au cœur du roman. Même si la forme laisse peu de suspense quant à l'issue, on suit avec compassion le parcours de Voltaire qui tente de sauver sa famille, de prendre les bonnes décisions quand tout semble perdu. Dans la mer, il tente de surmonter son appréhension par rapport au fait que Géo ne sait pas nager, et cela donne lieu à un passage poignant.
Mais, ce qui est épatant dans l'écriture de Jaenada, c'est qu'il y instille une joie de vivre, un humour qui n'a pourtant que peu à voir avec le cadre dramatique de l'action. En repensant à certains événements qu'il a vécu à Paris, à ce qu'il devrait retrouver s'il arrive à s'en sortir, Voltaire parvient à s'échapper mentalement de la fournaise qui l'entoure. De la rencontre avec Oum à leur premier repas au restaurant, on découvre en creux l'histoire de ce couple. Mais le passage qui a ma préférence est celui où Voltaire raconte ses déboires, une nuit de beuverie, avec un restaurant Hippopotamus de la place Clichy. La description des lieux et du personnel est savoureux, le recul et le second degré avec lequel est raconté cette anecdote est irrésistible. Si ce passage est le plus réussi, l'ensemble du roman est truffé de passages aux tonalités similaires.
J'ai donc passé un très bon moment dans ce feu de forêt des Pouilles, entouré de personnages attachants, et un
auteur très doué pour les passages décalés et comiques qui s'intègre dans une tragédie humaine. Bref, un très bon début avec Jaenada, que je vous recommande !
L'avis de Thom
Plage de Manacora, 16h30, de Philippe Jaenada
Ed. Grasset