La Princesse de Clèves n'a sans doute jamais autant été à la mode que depuis la sortie inexplicable de Nicolas Sarkozy contre
l'oeuvre de Madame de Lafayette. Après le film de Chrstophe Honoré, diverses lectures et autres badges revendiquant la lecture de l'oeuvre, c'est actuellement un documentaire qui a pour origine
le roman du XVIIe Siècle.
Mais plus qu'un documentaire sur le roman, c'est un travail sur le rapport entre l'oeuvre de l'époque classique et de jeunes lycéens d'aujourd'hui. Régis Sauder, le réalisateur, a pénétré dans un atelier du lycée Diderot, dans les quartiers nord de Marseille, et a suivi les lycéens. Il les a interrogé sur leurs rapports à l'oeuvre dans leur propre vie amoureuse et sentimentale, sur leur vision de Nemours et de la Princesse. Mais rapidement, le documentaire prend une toute autre tournure, avec des témoignages des parents sur les études et les comportements de leurs enfants. Et réciproquement, sur la manière dont ces jeunes gens vivent leur vie dans leurs quartiers.
Le roman est largement cité, à travers des lectures, ou des scènes jouées dans l'enceinte du lycée. L'un des moments les plus poignants est la sortie organisée au Louvre, puis à la Bibliothèque Nationale, où le conservateur leur montre les originaux. On ressent cette envie de se confronter aux personnages qu'ils ont rencontré qui est très plaisante.
Mais le vrai plus, c'est cette confrontation avec les parents. Des parents protecteurs, parfois un peu envahissants. Des couples dans lesquels la parole n'est pas partagée : c'est le père ou la mère qui s'exprime, rarement les deux. Et surtout on découvre ces jeunes et leur regard sur leur vie : l'envie de partir, notamment pour ce jeune homosexuel qui voit Paris comme un paradis. L'envie de s'affranchir des parents, trop conservateurs pour eux.
Et c'est surtout leur regard sur l'école qui m'a marqué. Lycéens, ils ont déjà passé la barre du collège, et ne sont pas des mauvais élèves. Mais certains sont en difficulté, et sortiront du lycée sans diplôme. Pourtant, il n'y a dans leur discours aucune animosité envers le système scolaire. Ils expliquent ce que sont selon eux les raisons de leurs difficultés, souvent liées à leur situation personnelle et familiale. Régis Sauder s'intéresse ici à un petit groupe de lycéens, d'un quartier qualifié de difficile, et ce groupe n'est certainement pas représentatif de l'ensemble des lycéens. Mais il est salutaire d'entendre un autre son de cloche que celui souvent entendu du "Cétait mieux avant" ou du "C"est la faute au système". Si tout dans l'école ne fonctionne pas, et qu'il y a certainement des choses à améliorer, ce n'est pas en cassant tout ou en faisant reposer sur elle tous les maux de la société qu'on pourra l'améliorer, mais en travaillant bien plus largement, sur les questions d'égalité sociale, d'offre culturelle et d'acceptation d'autrui. Le jour où une telle politique sera menée, l'école ne s'en portera que mieux !
Mais sinon, allez voir Nous, Princesse de Clèves, car c'est un documentaire actuel et vraiment très bien construit.