Almdovar s'inspirant de Thierry Jonquet, voilà un duo assez inattendu et intrigant. Pour garder toute la saveur des deux oeuvres, j'ai décidé de démarrer par le livre de Jonquet
avant de voir le film d'Almodovar. Et si les deux oeuvres racontent à peu près la même histoire (avec un ajout dans le film), les deux sont empreintes des lubies des deux artistes : une oeuvre à
suspens, très perverse chez Jonquet, quelque chose de plus doux, avec l'introduction de la figure de la mère, thème cher à Almodovar. Mais pour les deux, un vrai plaisir pour le lecteur ou le
spectateur.
Il va être compliqué de parler des deux oeuvres, de leurs ressemblances et différences sans dévoiler tout l'intérêt de l'intrigue. Mais essayons tout de même, et de manière chronologique.
Chez Jonquet, on trouve au centre de l'histoire le personnage de Mygale, Richard Lafargue,chirurgien esthétique qui séquestre
chez lui une femme. C'est cette femme qui lui a donné ce surnom, lors des premiers jours de son enfermement. Le médecin a une fille (on se sait rien, il me semble, de sa femme), interné en asile
psychiatrique. Peu à peu, on découvre les raisons de la maladie de sa fille, et la véritable identité de cette femme enfermée. En parallèle, on suit les débboires d'un paumé qui cherche à se
faire de l'argent, et jette son dévolu sur celle qu'il prend pour la femme de Mygale. Il cherche donc à l'enlever pour récupérer une rançon. Deux histoires qui finissent par se rejoindre pour se
finir assez abruptement, laissant le lecteur en plein questionnement face aux choix complexxes des personnages. Un roman troublant.
Almodovar choisit d'ajouter une suite à l'histoire de Jonquet et transforme assez radicalement le personnage de la femme enlevée. Elle perd de
son aspect manipulateur, très présent chez Jonquet, mais conserve une rage de vengeance. Autre changement, Almodovar adoucit le fin de cette histoire, avec une pointe d'optimisme. Surtout, il
donne au médecin une raison d'agir, cherchant à créer une peau résistante aux brûlures, et il introduit deux personnages, celui de la mère de Mygale, et celui de sa femme, à l'origine de cette
funeste histoire.
Au final, ce sont deux oeuvres bien différentes qui sont présentées, à la fois dans leur fond, mais aussi dans la forme. Chez Jonquet, on ressent un univers poisseux, sombre, avec beaucoup de scènes se déroulant la nuit. Almodovar donne à son film un aspect beaucoup plus clinique, chirurgical, avec un médecin qui fait de vraies interventions, et un détachement des personnages. Almodovar a pris chez Jonquet la trame pour la transposer dans son univers (il n'y a pas chez Jonquet de frère bandit déguisé en tigre, mais bien un petit escroc qui a une toute autre fonction dans la narration). Jonquet est au final bien plus pervers et tordu et son livre risque de laisser plus d'images au lecteur que le film, très intéressant et bien fait, mais presque un peu trop mélo. Néanmoins, ne boudez pas votre plaisir si vous pouvez associer les deux oeuvres !
Autre film de Pedro Almodovar : Etreintes brisées
Autre livre de Thierry Jonquet : Le livre de ma mère, Face A / Face B (avec Chauzy), La Bête et la Belle
Mygale de Thierry Jonquet
Ed. Folio / Policier