Tony Gatlif, cinéaste (Gadjo dilo, Exils) et très intéressé
par la question tzigane, a décidé de porter à l'écran le problème de la déportation et du sort fait à cette communauté dans la France occupée. En parallèle du film, il a décidé de publier un
roman, qu'il a écrit avec Eric Kannay et qui (du moins je l'imagine) reprend les événements du long métrage.
Zanko, Chavo et Kako, leur mère Puri Daï et les enfants Tatane, Taloche et les autres membres de la communauté sillonnent les routes de France. Comme tous les ans, ils ont décidé de passer l'automne à Saint-Amont, où il seront certainement employés pour les vendanges ou pour faire l'animation musicale des soirées dansantes. Mais l'ambiance à Saint-Amont a changé : si le maire Théodore et l'institutrice Lise Lundi essaient de les aider, d'autres, comme Pentecôte qui les employait jadis, ont radicalement changé de discours maintenant qu'ils font parti la milice. Et Zanko, le plus révolté des tsiganes, ne cesse de voir des présages menaçants pour la communauté, que ce soit le vol des corbeaux ou la grave blessure de Théodore, qui est également vétérinaire. Malheureusement, les évènements semblent lui donner raison.
Tony Gatlif poursuit donc son exploration du monde gitan, qu'il connaît bien puisqu'il en est issu. Mais cette fois, il choisit de faire un film historique sur un épisode peu connu, celui de la déportation des membres de la communauté tzigane. Si on aperçoit les camps d'internement et les conditions de vie dans ces endroits, Gatlif ne se contente pas de cet unique aspect : il montre également comment, dès avant la guerre, les autorités ont tenté de contrôler les mouvements des gitans en les obligeant à pointer dans les mairies où ils souhaitaient s'installer (ce qui n'a d'ailleurs pas changé).
Le thème central de ce roman, fidèle au titre d'ailleurs, est celui de la liberté. De la manière dont les gitans vivent le fait d'être contrôlés, voire d'être contraints de rester au même endroit. Et lorsque, pour diverses raisons, ils se retrouvent propriétaires d'une maison, ils ne cessent d'y voir des mulos (esprits), et continuent à vivre dans leurs roulottes. Constamment, on sent les membres du groupe tiraillés par cette envie de fuir, de retrouver une liberté de mouvement qu'on souhaite leur ôter.
Les personnages de Théodore ou de Lise Lundi sont ici ceux qui incarnent l'aide extérieure, et par lesquels Gatlif dépeint rapidement le travail de la résistance. Surtout, le point très intéressant est qu'il fait bien le partage entre la Gestapo (soldats allemands) et la milice (citoyens français), qui se concertent pour mener à bien leur politique de répression.
Roman plaisant, de lecture facile et pleins de rebondissements, je pense qu'il sera tout à fait adéquat
pour des élèves de fin de collège, qui
ont une idée de ce qu'est la déportation, et qui pourraient ainsi découvrir la vie de cette communauté.
Le film est en salle depuis mercredi 24 février.
Liberté, de Tony Gatlif et Eric Kannay
Ed. Perrin