Comme dans Rural, un de ses
albums précédents, où il raconte la naissance et la vie d'agriculteurs, Etienne Davodeau se plonge dans la région des Mauges. Les Mauges se trouvent entre Angers et la Vendée, avec comme
point central Cholet. Après la vie des paysans, Davodeau consacre cet opus à la vie de Marie-Jo et Maurice, connu dans le pays pour avoir mené une vie de militants.
Ils sont tous les deux nés dans cette terre marquée par un fort traditionalisme catholique, résidus des guerres de Vendée qui ont marqué la région. Ils sont d'extraction modeste, Marie-Jo ayant rapidement intégré un pensionnat de jeunes filles tenu par des soeurs, et Maurice a rapidement été embauché. Le quotidien de Maurice est marqué par l'alcoolisme de son père : il est incapable de coller les affiches pour le cinéma municipal et c'est sa femme et son fils qui doivent le suppléer en secret.
Marie-Jo est vite employée dans une usine de chaussures, où elle encolle des talons. Maurice travaille lui dans une usine de lampes. Leur vie reste marquée par la religion catholique, mais les rencontres qu'ils vont faire seront déterminantes. En effet, un jeune vicaire arrive dans le village. Il pousse les jeunes garçons a monter un club de basket, les filles à partir ensemble à la mer. Dans ce groupe amical se tissent des liens qui dépassent rapidement le cadre religieux. Maurice et Marie-Jo participent en effet à la naissance de la JOC (jeunesse ouvrière catholique) dans la région, et cela transforme leur vision de la vie.
En parallèle, ils prennent leur carte à la CFDT et participent aux réunions avec les patrons. Leur vie est rythmée par les réunions à la maison, les discussions sans fin. Tout cela pour le plus grand plaisir de leur fils ainé qui ne comprend pas tous les enjeux mais est fier de participer passivement à cette vie politique et syndicale.
Etienne Davodeau conte avec beaucoup de justesse et de tendresse la vie de ces deux amants qui ont consacré une grande partie de leur vie au militantisme. Il se replonge dans certains documents d'époque, comme ces journaux écrits par les gamins du village pour tenir informés les appelés en Algérie. On y découvre les premières manifestations ouvrières, et en fond, les enjeux politiques nationaux avec la lente mais sûre prise du pouvoir à gauche par le PS du Mitterrand face au PC de Marchais. C'est une tranche de vie personnelle absolument passionnante qui est décrite ici, avec peu d'effets et une grande sensibilité. Une excellente BD documentaire pour se plonger dans la construction du militantisme et la vie de ceux qui y consacrent leur vie.
Les mauvaises gens - Une histoire de militants d'Etienne Davodeau
Ed. Delcourt