Ian Minot travaille dans un café de Manhattan. Son rêve : se faire repérer par un éditeur et être publié. Il a envie d'un parcours similaire à
celui d'Anya, son amie d'origine roumaine, qui a réussi à se faire remarquer lors d'une lecture dans une soirée littéraire. Mais Ian sent bien que son avenir en tant qu'écrivain est bouché, et
seul l'intervention d'un des clients du café, Jed Roth, lui ouvre des portes insoupçonnées. Il propose à Ian de sortir un roman sous son propre nom, alors que c'est Roth qui l'a écrit. Mieux,
Roth propose à Ian de faire croire que ce qui est à l'origine un roman est en fait un recueil de mémoires. Mais le piège machiavélique raconté dans ces soi-disant mémoires a des conséquences
insoupçonnées sur la vie paisible de Ian.
Ce premier roman signé Adam Langer est une belle réussite. L'auteur a réussi à mêler dans un même ouvrage chroniques de la vie éditoriale de Manhattan, récit d'aventures et grand roman sur les frontières de la réalité et de la fiction, tout cela avec beaucoup d'humour. En effet, tout débute par les tribulations d'un écrivain volontaire mais sans appui. On découvre tous les rites de la vie des faiseurs de littérature, comme ces soirées de lecture dans les cafés où tout le gratin se retrouve. Ian est un peu dépassé et la seule fois où il parvient à obtenir une place, il n'y a personne car c'est jour de fête pour les juifs, nombreux dans le monde de l'édition. Ian Minot est un loser littéraire et endosse ce rôle pendant le premier tiers du roman (intitulé Réalité).
Puis Minot bascule. Roth parvient à le convaincre d'entrer dans sa combine et le lecteur tombe alors dans le piège de l'auteur. En effet, on se retrouve à lire un roman intitulé Les voleurs de Manhattan, dans lequel Ian Minot prétend faussement avoir écrit ... Les voleurs de Manhattan. L'intrigue de ce roman dans le roman (et que Ian Minot présente comme ses mémoires) est celui d'une grande mystification, celle du vol d'un manuscrit rarissime (Le dit de Gengi) pour faire la cour à une jeune fille aperçue dans une bibliothèque. Les personnages secondaires, un bibliothécaire recéleur et une experte vieille fille, sont hauts en couleur, et Ian se prend d'amitié pour ces personnages de fiction qu'il est censé avoir rencontré.
La troisième partie parvient de manière habile à mêler l'univers réel de la première partie et la fiction relatée dans la deuxième. Je n'en dirai pas plus sur cette partie, car c'est un vrai plaisir de plonger dans cette histoire pleine de rebondissements, dignes des plus grands ouvrages d'aventure. Si l'intrigue résumée ainsi paraît complexe, une des forces d'Adam Langer est de rendre tout cela assez fluide, et le lecteur, pris entre fiction, réalité et fausses mémoires, parvient toujours à retomber sur ses pattes.
Au niveau de l'écriture, Adam Langer se fait plaisir en introduisant dans le texte de nombreuses références littéraires. Il détourne dans les titres de ses chapitres des titres de romans qui ont, de près ou de loin, à voir avec des mensonges littéraires, sur le nom de l'auteur ou sur l'histoire racontée. Dans le texte, il remplace de nombreux mots par des allusions littéraires. Par exemple, un débardeur blanc devient un kowalski, comme dans Un tramway nommé désir, et un chien errant un saramago. Si vous ne comprenez pas toutes les allusions, pas de panique, l'éditeur, Gallmeister, a eu la bonne idée de faire figurer un lexique de ces détournements en fin d'ouvrage. Un ouvrage que je vous conseille chaudement.
L'avis d'Emeraude, Constance, Thierry et tous mes remerciements à Newsbook, qui m'a permis de lire ce roman dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Gallmeister.
Les voleurs de Manhattan d'Adam Langer
Traduit de l'anglais par Laura Derajinski
Ed. Gallmeister