C'est devenu une habitude. Jean-Pierre et Luc Dardenne réalisent un film, sélectionné à Cannes, et ils repartent avec un prix. Pour leur gamin au
vélo, c'est un Grand Prix, obtenu avec Nuri Bilge Ceylan. Ils apparaissent comme des spécialistes des festivals, mais peut-on reprocher aux jurys de récompenser des films aussi forts,
toujours ancrés dans une réalité sociale, mais avec un résultat à chaque choix différent ?
Pour ce dernier film, les critriques ont beaucoup mis l'accent sur le versant optimiste du film, grande nouveauté chez les Dardenne. Mais plus que l'optimiste, pas si flagrant que cela, c'est plutôt la fin totalement ouverte qui déconcerte. Car le jeune Cyril (Thomas Doret, absolument fabuleux), abandonné par son père et recueilli sans qu'on sache vraiment pourquoi par Samantha, une coiffeuse, n'a pas forcément un avenir radieux devant lui.
Alors, il est vrai qu'il échappe au foyer. Que s'il ne parvient pas à convaincre son père de s'occuper de lui, il récupère son vélo, substitut à la présence paternelle. Il échappe également à la plongée dans la délinquance et au caïd de la cité, qui utilise la naïveté du jeune garçon pour tenter de récupérer de l'argent. Enfn, la scène finale, sorte de résurrection, est une ouverture vers des horizons qui peuvent être dégagés, mais sans aucune certitude.
Ce qui extraordinaire chez les Dardenne, c'est leur capacité à créer de l'empathie et de l'émotion sans ficelles. Ils restent toujours au plus près des personnages, beaucoup plus complexes que ne peut le laisser penser la première approche. Car Cyril est turbulent, peut être à la fois respectueux et aimant, mais aussi totalement dévasté par ce qui lui arrive. Le père (Jérémie Rénier, toujours surprenant chez les Dardenne) est lâche, et s'il n'a aucune excuse, il est difficile de lui en vouloir. De même pour le kiosquier (Fabrizio Rongione), magnanime, alors que son fils garde en lui de la rancune. Et puis cette coiffeuse (Cécile de France, totalement convaincante et emballante dans ce rôle de jeune femme altruiste), dont on ne connait pas les motivations. Ce dont on se moque, car l'important n'est de savoir pourquoi ce qu'on voit se passe, mais de voir comment les Dardenne nous montrent cette histoire.
Une oeuvre très forte, très tenue et intense (le film est assez court, moins d'une heure et demie), et qui, nouveauté, se place à la hauteur de l'enfant. Car si les enfants sont souvent présents (Le fils, L'enfant, voire Rosetta), ils étaient souvent un élément de l'intrigue, et non son coeur. Un excellent cru des Dardenne, mais cela va finir pour être redondant, de dire que les films des Dardenne sont excellents.
Autre film des Dardenne : Le silence de Lorna