Vatelin, homme intègre qui aime plus que tout sa femme Lucienne, découvre que celle-ci est poursuivie depuis
plusieurs jours par Pontagnac, un de ses bons amis. Si Pontagnac jure que ses intentions sont honnêtes, ce n'est pas l'avis de Lucienne, qui tient là a fidélité par dessus tout et qui souhaite se
débarasser de cet importun. Pontagnac n'est pas le seul à courtiser Lucienne. Rédillon fait lui aussi des avances à la femme de Vatelin. Mais Lucienne ne veut pas céder, sauf à une condition : si
son mari la trompe. Dans ce cas, elle s'offrira à l'un de ses amants. Pontagnac et Rédillon vont donc tout faire pour que Lucienne surprenne Vatelin dans une position inconfortable. Et l'arrivée
de Maggy, avec qui Vatelin eut une vague aventure en Angleterre semble favoriser leur entreprise. Mais à la fin, il y en a toujours au moins un qui est le dindon de la farce...
Sur une intrigue assez classique et des personnages archétypaux connus chez Feydeau, l'auteur réussit à signer une oeuvre enlevée, tourbillonnante et qui, malgré le nombre important de
protagonistes, ne perd jamais le lecteur. Car, une fois n'est pas coutume, j'ai trouvé la lecture de cette pièce très agréable et fluide, contrairement à d'autres pièces où seul une vision sur
scène permet de saisir de nombreux effets. Ici, si la mécanique de la pièce est comme souvent prépondérante chez Feydeau, au détriment du texte, il reste quelques passages assez savoureux, comme
cette scène d'exposition où Valentin, découvrant que sa femme est poursuivie dans la rue, réalise que ce dernier est son ami Pontagnac. Les amabilités entre Lucienne et Pontagnac pleuvent, et ne
peuvent que provoquer le rire chez le spectateur.
Le second acte est celui où l'intrigue se joue dans sa plus grande partie. Dans une chambre d'hôtel, tous les protagonistes vont se croiser, pour des raisons plus ou moins avouables. Et si
Lucienne découvre que son mari la trompe, elle pense que c'est avec une touriste de passage, alors que sa vraie maîtresse se cache dans la salle de bains. Si l'intrigue évolue, c'est souvent le
fait de quiproquos. Elle prendra toujours la direction attendue, mais pas pour les raisons que l'on pense. Le Dindon est donc une pièce très bien écrite et huilée, et sa lecture me donne
envie de voir un Feydeau sur scène (ce qui est loin d'être irrréalisable) !
A noter à la fin de l'édition du Livre de Poche, un court et intéressant appareil critique, qui revient sur les éléments et les personnages de la pièce, mais qui s'intéresse également sur la
réception qui a été faite des pièces de Feydeau, depuis leur création jusqu'à aujourd'hui. Comme souvent, l'oeuvre a connu des hauts (lors des créations dans les années 1890 - 1900 - 1910, et
aujourd'hui) et des bas (dans l'entre deux guerres, notamment). On apprend aussi, chose que j'ignorais, que Feydeau est le dernier grand auteur de vaudeville, venant bien après Labiche, et
qu'il a réussi à lui donner ses lettres de noblesse en modifiant les codes de ce genre, concurrencé depuis 1850-1860 par les opérettes. Et effectivement, Feydeau est aujourd'hui le plus connu et
joué des auteurs de théâtre de cette époque, et le réprésentant du célèbre "Ciel, mon mari" !
Le Dindon, de Georges Feydeau
Ed. Le Livre de Poche