Ma relation avec Xavier Dolan n'a pas commencé sous les meilleurs auspices. Les amours imaginaires, son précédent film, m'avait ennuyé et les effets de style du
réalisateur exaspérés. Dans Laurence anyways, Dolan ne s'affranchit pas certaines afféteries esthétiques (ralentis, gros plans,...) mais arrive à emmener son lecteur pendant 2h30 grâce à
un sujet passionnant et deux acteurs principaux magnifiques, Melvil Poupaud et Suzanne Clément.
Laurence (l'homme) vit en couple avec Fred (la femme). Prof de littérature dans le secondaire, il subit sa vie. Son envie est d'assumer enfin ce qu'il souhaite faire depuis très longtemps : dévoiler son identité de femme. Il annonce donc à Suzanne qu'il va franchir le pas, et ce changement d'identité de genre (car il ne change de sexualité, continuant à aimer les femmes) met en péril son couple et son univers.
Le film de Dolan n'est pas sans défaut, mais il réussit à s'imposer par son sujet. Cette question de l'identité de genre est ici traitée de façon subtile. Plutôt que de montrer comment Laurence se travestit, comment il choisit ses robes, etc,... Dolan insiste sur le regard des autres, qui finalement est assez bienveillant. Seule la famille de Fred a du mal à comprendre ce choix.
Surtout, le scénario s'intéresse autant aux évolutions qui touchent Laurence qu'à la dépression qui touche Fred. La compagne est ici au coeur du récit, jamais oubliée, ni par le spectateur, ni par Laurence qui fera tout pour la réconquérir. Le fait de s'attarder sur le personnage de cette compagne délaissée, noyant son chagrin dans la construction d'un couple modèle qui la rend malheureuse, est un choix très intelligent de scénario.
La durée de ce film, un peu plus de 2h30, aurait pu me freiner. Mais je suis content d'avoir surmonté ma légère appréhension pour découvrir ce film parfois bancal, de temps à autre excessif mais totalement captivant. Et le clin d'oeil de Melvil Poupaud (certainement un de ces plus grands rôles, et qui confirme que même s'il tourne peu, il tourne presque toujours bien) et l'énergie foutraque de Suzanne Clément sont pour beaucoup dans la réussite du film (avec également de belles prestations de Monia Chokri et de Nathalie Baye, très convaincante en mère qui n'aime pas son fils). Une oeuvre avec beaucoup de culot.
Autre film de Xavier Dolan : Les amours imaginaires
L'avis enthousiaste (et plus si c'est possible) de Pascale