Après une incursion dans le bayou de la Louisiane, Bertrand Tavernier renoue avec un genre qu'il affectionne : celui du film historique en
costume. Pour son dernier film, il a pris comme point de départ le nouvelle de Mme de Lafayette, La Princesse de Montpensier, qui nous plonge à la fin du XVIIe Siècle, en plein cœur des
guerres de religion.
Avant de se marier, la Princesse était promise au frère d'Henri de Guise, jeune homme fougueux et prompt au combat. Le souci, c'est qu'elle aime Henri, et non son frère. Mais des arrangements entre deux familles mettent à terre cette union : elle épousera finalement le Prince de Montpensier, et s'installe dans son château. Ce dernier charge le comte de Chabannes, ancien combattant des rangs protestants, de prendre soin d'elle alors qu'il part combattre aux côtés des catholiques. La Princesse s'instruit donc auprès de cet homme sage, et ne se doute pas que les passions amoureuses autour d'elle se déchaînent : elle se trouve au carrefour de quatre ambitions, qui ne peuvent cohabiter.
Bertrand Tavernier revient donc à un genre qu'il prise, et il le fait fort bien. Sur un sujet qui pourrait être complexe (les querelles entre protestants et catholiques, les luttes amoureuses de combattants qui sont finalement tous dans le même camp, hormis Chabannes qui a quitté la lutte armée), il réussit à donner un élan, un souffle et à décrire les tourments de ces jeunes gens avec beaucoup de brio.
Il s'appuie pour cela sur les décors magnifiques autour d'un château perdu entre Cantal et Aveyron (château de Messilhac, qui domine effectivement cette très belle vallée du Carladès), sur les combats qu'il arrive toujours à très bien chorégraphier, loin des standards actuels faits d'images de synthèse et de sang giclant. Ici, c'est la boue, des manières de tuer peu conventionnelles, et la rage de ces hommes qui se haïssent sans se connaître.
Surtout, il a pour lui un groupe d'acteurs qui donnent chacun une couleur spécifique à leur personnage, et qui existent donc. Mélanie Thierry, que je connaissais pas, est assez épatante dans le rôle de cette princesse : parfois espiègle, parfois tourmentée par un amour qu'elle désire mais que la convention lui refuse, elle porte brillamment sur ses épaules ce très beau rôle. A ses côtés, Grégoire Leprince-Ringuet est un mari de tragédie, un homme profondément jaloux et blessé par les regards que les autres portent sur sa femme. Les autres, ce sont Gaspard Ulliel, tout en bestialité et animalité en Henri de Guise, et Raphaël Personnaz, ambigu à souhait, entre autorité et affection, dans le rôle du Duc d'Anjou, futur Henri III après la mort du roi Charles IX.
Enfin, il y a Lambert Wilson, qui incarne merveilleusement Chabannes, cet homme meurtri par un assassinat qu'il a commis sans le vouloir, et qui a choisi de quitter une guerre qu'il ne comprend pas. Il s'éprend de la Princesse, et sacrifie son amour au bonheur de cette dernière. Homme savant, intègre, il incarne la raison face à la fougue et la démence de la jeunesse. Mais son altruisme finira par le perdre.
Sur une histoire universelle, Tavernier signe donc un très beau film historique. Les costumes et les décors sont d'ailleurs à souligner, car ils rendent parfaitement l'ambiance de cette fin de Renaissance, de cette période de trouble entre le faste de François 1er et les débuts de l'absolutisme avec la dynastie des Bourbons. Hormis l'affiche, qui ne lui rend pas vraiment hommage, il n'y a rien à enlever au film : il est intelligent, sensible et émouvant. La Princesse de Montpensier est vraiment une œuvre à découvrir.
Autre film de Bertrand Tavernier : Dans la brume
électrique