Sylvain Chomet revient, après les débridées et jazzies triplettes de Belleville, avec un nouveau film d'animation d'un tout autre genre. Fini les envolées
musicales et l'histoire abracadabrante, voici le temps de la mélancolie et de la rencontre avec Jacques Tati.
Le scénario mis en image par Chomet est une idée de Tati. Il y a parle de ses débuts en tant qu'artiste de music-hall. A Paris, il monte des spectacles de magie dont la vedette est un lapin
carnivore. Pour diverses raisons non vraiment expliquées, il décide de quitter la France et de montrer son spectacle outre-manche. Après une tentative londonienne ratée, il se rend en Ecosse. Là,
il y trouve des lieux pour jouer, et fait la rencontre d'une jeune fille qui va le suivre dans sa vie de saltimbanque...
Le rythme du film de Chomet est assez lent. Les scènes prennent leur temps, comme le grand échalas qui évoque irrémédiablement Mr Hulot. Beaucoup de spectateurs semblent être sortis déconcertés
de ce film, notamment à cause de cette lenteur. Pour ma part, je trouve qu'elle participe pleinement à cette mélancolie tenace qui parcourt tout le film.
Le magicien n'est pas un personnage gai ou heureux. Il ne sourit que rarement, et sa vie se passe dans des salles presque vides où il prend la suite d'un groupe de rock à la mode. Toutes les
péripéties qu'il rencontre sont dans cette veine de résignation, de laisser-aller face à un monde auquel il n'est pas forcément adapté, mais dans lequel il tente de s'installer. Son échec en tant
qu'artiste ne le brise pas, il devient concierge dans un parking ou magicien dans la vitrine d'un magasin, et tente de s'en sortir.
Autour de lui, la jeune fille fait figure d'espoir. Jeune ingénue, ne se rendant pas forcément compte des réalités, elle prend tout ce que lui offre le magicien comme des cadeaux tombés du ciel,
sans réaliser les efforts qu'il a fourni pour les lui offrir. C'est la pointe de légèreté, de naïveté, qui est un contrepoint salutaire au personnage lunaire et perdu du magicien. Surtout que ses
camarades saltimbanques, le clown ou le marionnettiste ventriloque, sont encore plus désespérés que lui.
Sylvain Chomet signe donc un film très beau graphiquement, avec des scènes de trains traversant des ponts ou des plans d'Édimbourg magnifiques. Le sujet est lui assez sombre, très triste en
somme, sur un monde d'artistes condamnés à disparaître car trop éloignés de la société dans laquelle ils vivent. Et cette tristesse, cette mélancolie, sont parfaitement rendues par la
lenteur de la narration et les choix de mise en scène. A voir en sachant qu'on ne rira pas forcément beaucoup...