Nicolas Offenstadt, historien spécialiste du Moyen-Age, a décidé de donner un sens citoyen à son activité professionnelle. Il reprend une à une les références historiques utilisées par les milieux politiques, en particulier par le locataire de l'Elysée, et décide d'en montrer l'exemple abusif qui en est fait. Il replace les événements dans leur contexte historique, ce qui permet de se rendre compte de l'utilisation que Sarkozy veut en faire.
Il revient sur dix événements qui ont plus ou moins fait parler d'eux, et tente d'expliquer pourquoi les politiques ont utilisé ces références. Cela va la lettre de Guy Moquet à la question de l'Identité nationale, en passant par la volonté de créer un grand musée de l'histoire de France ou les lois mémorielles.
Quelques exemples sont assez frappants pour qu'en puisse les détailler un peu. Le premier est celui des derniers poilus qui ont bénéficié, en dépit de leurs souhaits, de funérailles nationales. L'Etat a orchestré seul ces grandes funérailles, sans réfléchir en même temps à une possible recontextualisation de ce qu'était la Grande Guerre. C'est un événement patriotique, vendu comme tel par les média, et ceux qui interrogeaient ce choix étaient rapidement traités comme des ignares. L'Etat et le discours médiatique dominant ont pris le pas pour mettre en scène ces hommes, et non pour faire un retour sur la grande guerre.
Autre exemple, autre cas de figure, avec Brice Hortefeux, qui avait décidé d'organiser une journée consacrée à l'intégration à Vichy, arguant qu'il y en avait "ras le bol" de réduire Vichy au simple fait que la ville ait été le coeur de la France pétainiste. Il rejette toute la symbolique de cette ville, alors que le poids de Vichy est encore fort dans les représentations mentales des français. Tout ceci est d'ailleurs très lié avec la politique de cet été, pendant lequel on aura entendu Besson dire que la politique d'expulsions crée des remous parce que les français n'ont pas digéré le passé vichyste. C'est donc un pouvoir qui joue sur les symboles historiques, soit en les niant ou les surexploitant, en tout cas en les considérant comme des éléments politiques et non des faits historiques.
Deux autres thèmes traversent l'ouvrage, qui sont d'ailleurs liés. L'un est la forte tendance à un retour à un "roman national", c'est à dire une histoire qui serait partagée par tous les français et qui devrait être enseignée à tous. L'idée sous-jacente est celle d'une France éternelle, ou presque, unifiée depuis longtemps et dont il n'est pas nécessaire de souligner les particularismes. C'est un peu le retour à la vision historique de la Troisième République, avec "Nos ancêtres les gaulois".
En parallèle, les mêmes historiens luttent contre les mémoires, c'est à dire les commémorations de minorités qui revendiquent
aujourd'hui une place particulière dans l'histoire française, comme les descendants d'esclave par exemple. Pour certains historiens, ces vélléités seraient incompatibles avec une bonne
assimilation dans la société française, thèse que récuse fortement Offenstadt. Pour lui, ce n'est pas en niant leur histoire qu'on les intégrera, mais bien en leur laissant de la place. Pas la
peine pour cela d'avoir recours à la repentance à outrance, il faut simplement être lucide et accepter de présenter l'histoire de la France avec ses réussites et ses échecs. Un petit essai fort
stimulant, qui permet de voir d'un oeil un peu plus expert les gesticulations présidentielles.
Autre ouvrage de Nicolas Offenstadt (collaboration) : Comment Nicolas Sarkozy écrit l'histoire de France
L'histoire bling bling, de Nicolas Offenstadt
Ed. Stock - Parti pris