Ce roman est une vraie prouesse : en un peu plus de cent pages, l'auteur parvient à traiter des thèmes aussi forts que la dictature, la guerre ou le rapport au pouvoir.
Et tout cela avec une grande force littéraire.
Cédric est le souverain d'un petit pays de l'est de l'Europe. Il doit faire face, son peuple avec lui, à l'invasion du pays par le voisin nazi. Jamais on ne saura précisément quel est le pays dirigé par Cédric, proche de la Bordurie ou de la Syldavie inventés par Hergé. Mais cela importe peu, tellement ce qui est raconté est universel.
Cédric ne sait pas trop comment réagir face à cette invasion. Au final, peu d'actions dans ce roman, si ce n'est cette promenade finale dans les rues de la capitale qui est une véritable provocation pour l'occupant. Mais de nombreuses réflexions de la part du souverain, concernant sa place au sommet de la tête ou sur sa vieillesse et sa possible mort qui pourrait amputer le budget de l’État. Beaucoup de rêves du souverain parsèment également le récit, et apportent une dimension onirique séduisante.
La force de ce roman est aussi lié à la présentation rapide des coutumes du pays. En relatant les mythes fondateurs (l'histoire de Saint Sire Cédric) ou les traditions actuelles (la promenade du roi à cheval dans le jardin), le lecteur plonge immédiatement dans ce pays, comme s'il en était un visiteur régulier et averti.
Rien que l'histoire de ce roman vaut le détour. Boris Khazanov a quitté l'URSS en 1982 pour l'Allemagne. Dans sa jeunesse, il a pris part aux mouvements antisoviétiques et a été condamné à huit ans de travaux forcés. Il publie cette nouvelle en 1977 dans un recueil édité en Israël, avant d'être publié en Allemagne en 1990 et en France en 2005. Un roman qui a pris le temps pour nous arriver, mais qui mérite vraiment le détour, car sa puissance politique et littéraire est indéniable.
L'heure du roi de Boris Khazanov
Traduit du russe par Elena Balsamo
Ed. Viviane Hamy