Le
célibat des agriculteurs est depuis quelque temps un sujet en vogue, qui a déjà donné lieu à un film (plutôt réussi d'ailleurs), et à une émission de télévision (que je ne connais pas). Ce sujet
est le point central du dernier ouvrage de Marie-Hélène Lafon, qui raconte l'arrivée d'une femme et de son fils qui ont quitté leur région d'origine pour s'installer avec un agriculteur du
Cantal. Mais loin d'être une histoire d'amour banale et jolie, l'auteur nous fait découvrir les difficultés que peuvent causer ces situations.
Paul est agriculteur dans le Cantal. Célibataire, il vit avec sa sœur chez deux de ses oncles, chez qui ils sont arrivés tous jeunes. Mais à 46 ans, il ne souhaite pas vieillir
seul, comme les autres membres de la famille. Il passe donc une annonce pour faire une rencontre féminine, et ainsi avoir quelqu'un avec qui vivre.
A Bailleul, dans le Nord, Annette lit cette annonce. Après une première rencontre avec Paul à Nevers, elle décide de franchir le pas et de quitter la ville où elle a connu son premier mari,
Didier, et où sa mère vit encore. Avec son fils Eric, elle s'installe à Fridières, où elle doit trouver sa place autour des différents habitants du lieu.
L'annonce est un roman surprenant, qui ne dépeint pas une classique histoire d'amour, avec les modalités de la
rencontre ou les doutes des amants, mais plutôt des personnages blessés, qui tentent de réduire et de combler leurs fêlures. Pour Annette, il s'agit de laisser derrière elle un premier
mariage qui a viré à l'échec, sous les effets de l'alcool et de l'environnement néfaste de sa belle-famille. Quant à Paul, il ne souhaite pas finir sa vie comme ses oncles, toujours à
deux et aux habitudes bien ancrées, ou comme Nicole, sa sœur, dont il ressent un aigrissement progressif. Sa vie est devenue une suite de conventions, comme celle du circuit de lecture de
la Montagne, imperturbable dans la famille.
L'arrivée d'Annette lui permet de prendre sa part d'émancipation, de se libérer du carcan dans lequel le
tiennent sa famille et le village. En habitant dans un logement situé dans la ferme mais avec une entrée privative, il indique à sa famille qu'Annette et Eric deviennent plus importants
à ses yeux. C'est la construction de ce nouvel équilibre qui est le véritable cœur du roman de Marie-Hélène Lafon. L'intégration qui passera par des épisodes plus ou moins importants, et
dans laquelle le chien Lola ne sera pas complètement pour rien.
Mon entrée dans le roman fut assez laborieuse, gênée par une tendance systématique de l'auteur à instaurer un
rythme ternaire qui consiste en la juxtaposition d'adjectifs ou de noms. Cette artificialité m'a sauté aux yeux, et j'ai du mal à m'en détacher et à l'oublier. Heureusement cette recherche
stylistique se fait de plus en plus rare au fil du roman, ce qui m'a permis d'entrer pleinement dans cette histoire. La fin du roman est donc l'aspect le plus intéressant et le plus
émouvant de cette histoire qui, si elle n'est pas bouleversante, dépeint une réalité, celle de la solitude et des habitudes, malheureusement assez triste.
Billet déjà paru sur Biblioblog.
L'annonce, de Marie-Hélène Lafon
Ed. Buchet-Chastel