Conrad (Connie pour les intimes) est un peu gênant pour ces mêmes intimes : personnage très nature, un poil demeuré, il fait souvent des
apparitions au moment où on souhaite qu'il ne soit pas là. Après avoir mis le feu à la maison de Trouville de Thomas, son ami d'enfance qui l'emploie et l'aide, il déboule sans crier gare au
mariage de son fils, Philippe. Elvira, la matriarche, ne supporte plus cet homme encombrant. Mais l'état de santé de Connie se dégrade : il perd ses facultés, et la mémoire. Malheureusement pour
Elvira, les souvenirs les plus anciens reviennent de plus belle.
Adapté de Small world, roman de Martin Suter, Je n'ai rien oublié me laisse une impression de film du dimanche soir : pas extraordinaire, un peu facile, qui se voit sans grande difficulté. La faute à un scénario bancal, à un film qui ne choisit jamais entre chronique d'une déchéance physique et mentale, mélodrame (entre Connie et Elisabeth, l'ex-femme de Thomas) et drame familal dans la bourgeoisie industrielle.
Du coup, chacun des genres est traité un peu rapidement, et l'ensemble est assez peu convaincant. En témoigne la scène de la révélation, qui consiste en un monolgue d'Elvira dans sa voiture, alors que la scène d'explication avec son fils est gentimment écartée (et c'est bien dommage). De plus, le montage des scènes est tellement appuyé que l'écran semble crier "Attention, regardez, ce que vous allez voir a de l'importance".
Pourtant, le film est plaisant, car le casting réuni par Bruno Chiche est réussi. Outre le petit rôle de Yannick Rénier (que j'apprécie toujours), on retrouve Françoise Fabian en bourgeoise qui tient la maison d'une poigne de fer, son emploi d'actrice. A ses côtés, Niels Arestrup est un Philippe alcoolique, délaissant sa famille sans scrupule, et Depardieu un malade lunaire, très juste notamment dans la scène au supermarché. La découverte c'est Alexandra Maria Lara, et il est dommage que le personnage de Nathalie Baye (Elisabeth) soit sacrifié, car il aurait mérité plus de place.
Une nouvelle fois, un film français se déroule dans un milieu bourgeois, ici issu de l'industrie de l'acier. Thème en vogue actuellement, puisque dans un autre genre, c'est le milieu décrit par Potiche, mais aussi celui de Rapt, de Lucas Belvaux, ou même de l'Arbre et la forêt, de Ducastel et Martineau (avec pour ces deux derniers la présence de Françoise Fabian au générique). Et plus proche, c'est aussi un peu l'ambiance d'Avant l'aube, avec le personnage de la belle-fille qui a un parcours parallèle dans les deux films, et une mère jouée là par Ludmila Mickael. Le cinéma français, à la suite de Chabrol, s'intéresse donc assez au milieu bourgeois, signant souvent des intrigues tournées autour du mensonge, de l'apparence. Je n'ai rien oublié n'est pas la description la plus réussie, mais participe à cet ensemble d'oeuvres traitant de la bourgeoisie.