
Venons-en au coeur du sujet, Figaro divorce. Cette pièce de Horvath, auteur austro-hongrois du début du XXe, reprend les personnages que Beaumarchais a dessiné dans Le mariage de Figaro : Figaro, donc, mais aussi Suzanne, le comte Almaviva et la comtesse, ainsi que tout le personnel de maison. Peu après le mariage de Figaro, le comte, sa femme et leurs domestiques sont obligés de fuir leur pays, car une révolution a éclaté. On suit donc les quatre protagonistes dans leur fuite, leur accueil dans un pays étranger, la déchéance du Comte et de la Comtesse, la volonté d'indépendance de Figaro qui ouvre un salon de coiffure, le divorce de ce dernier d'avec Suzanne, et le retour dans le pays qu'ils ont quitté.
Bon, j'ai vu cette pièce par hasard, mais je l'avais repéré sur le programme, intéressé par la réécriture de la vie des protagonistes du Mariage. Intérêt également suscité par le présence au casting de Michel Vuillermoz, qui, après avoir incarné Almaviva il y a deux ans, joue ici Figaro. Le fait de voir le même acteur prendre le rôle du valet après celui du noble est une bonne idée. A ses côtés, on trouve Florence Viala (Suzanne), Bruno Rafaelli (Le comte) ou encore Alain Lenglet (qui, après une première impression mitigée, est vraiment un bon acteur). Mention pour Loic Corbery, notamment pour son rôle de juriste. Costumée en femme, il a une démarche tout à fait saisissante. Tous les acteurs sont d'ailleurs très bons, dirigés de manière assez fine par Jacques Lassalle. Ce dernier n'appuie pas la mise en scène, il souligne le texte par des choix sobres et judicieux. Il a à sa disposition un plateau tournant, dont il fait très bon usage, permettant de figurer tous les lieux décrits dans la pièce.
Cette œuvre a pour thème principal l'exil, que Horvath a lui même connu. Né dans l'Empire austro-hongrois avant
sa chute, il a ensuite fui l'Allemagne nazie. Le déracinement, la déchéance des nobles et les rêves brisés d'indépendance de Figaro, qui perd son salon et sa femme, entrent en résonance avec la
vie de l'auteur. Et la fin, avec le retour de Figaro et sa prise de pouvoir au château, est assez peu optimiste quant à la nature de l'être humain. Heureusement, les réconciliations permettent de
terminer la pièce sur une note pessimiste.
Avec un thème fort, qui mêle réflexion sur l'être humain et écriture littéraire, et une mise en scène qui laisse sa place au texte, j'ai vraiment passé un très bon moment avec ce spectacle. C'est simple, juste et intelligent. Très bon, quoi !