Pour ce retour de vacances, un petit aperçu d'un film sorti et vu il y a quelques temps, mais que je pouvais difficilement passer sous silence. Car Sokourov investit le thème faustien avec
brio et signe un film troublant et esthétiquement original.
Petit retour sur le sujet du film. Le personnage principal est un médecin, le docteur Faust, qui cherche à découvrir le secret de l'âme en disséquant des cadavres. En manque d'argent, il se tourne d'abord vers son père qui n'est d'aucun secours, puis vers un usurier, auprès duquel il emprunte de l'argent. Mais cet usurier a une réputation de démon, et Faust ne se méfie pas assez. Outre un apport financier, il l'emmène voir de jeunes femmes, et Faust s'éprend de l'une d'elle, Marguerite. C'est pour Faust le début d'un piège qui va se refermer lentement et irrémédiablement sur lui.
Sokourov reprend donc à son compte le thème classique de Faust, médecin qui contracte avec le diable et en perd la vie. C'est un sujet classique que je connais assez mal, n'ayant pas lu Goethe ou les autres versions littéraires du sujet, et n'ayant qu'une approche sommaire des opéras consacrés au sujet, en particulier celui de Gounod (avec le célèbre air des bijoux mondialement connu grâce à la Castafiore). Plus que sur le fond, c'est le traitement cinématographique que fait Sokourov qui attire l'attention.
D'entrée le spectateur est mis en position d'attente. Le film débute par un plan large qui descend sur terre et laisse découvrir un village, celui de Faust. Puis on assiste à une dissection, où Faust discute avec son second de la présence de l'âme. J'ai été dérouté et captivé par cette approche, car le récit, s'il est linéaire, laisse constamment planer des zones d'ombres qui, si elles ne rebutent pas le spectateur (plusieurs sont sortis de la salle), piquent sa curiosité.
La curiosité est avivée avec le personnage de cet usurier, aux pouvoirs magiques et au physique étonnant. Il se met nu dans une scène avec des lavandières et dévoile un corps proprement monstrueux, qui inquiète les jeunes filles mais pas Faust, prêt à tout pour atteindre son objectif. Il faut ajouter à cela une femme hallucinée, amoureuse de cet usurier (interprêtée par Hannah Shygulla), des personnages secondaires toujours étonnants, et une scène finale grandiose, faite de geysers et de terres rocailleuses. Servie par deux excellents acteurs principaux, Johannes Zeiler et Anton Adasinskiy, la version de Sokourov laisse une impression vive dans l'esprit du spectateur, troublé par cette relecture originale du mythe. Le film clôt la tétralogie du mal du réalisateur, et a obtenu le Lion d'Or à Venise en fin d'année dernière. Un grand moment de cinéma.