Il y a des périodes comme ça où j'ai envie de lire un peu plus de polars. Et c'est la cas en ce moment. J'ai découvert le héros récurrent de Donna Leon, le commissaire Brunetti, qui a l'avantage de travailler dans un endroit de rêve : Venise.
Le début de cette nouvelle enquête (je ne démarre pas la série par le début) est liée à l'assassinat d'un émigré noir, vendeur à la sauvette de sacs de contrefaçon sur une place de la ville. Le meurtre a eu lieu à la tombée de la nuit, alors qu'un groupe de touristes américains regardait la marchandise. Autant dire que personne n'a rien vu de très probant, et que l'enquête s'annonce mal. Mais Brunetti, avec l'aide de quelques collègues qui n'hésitent pas aller au delà de la légalité, tente de faire le jour sur cette affaire, malgré les oppositions politiques des ministères des Affaires étrangères et de l'Intérieur.
Après ma plongée avec Erlendur en Islande, autant dire que ce voyage-ci ne faut pas du même acabit. Le cadre, déjà, est très différent. Mais surtout car Brunetti est un personnage assez hors norme dans le monde des commissaires littéraires. Homme marié, avec deux enfants (tout ce qu'il y a de plus conventionnel dans la réalité, mais pas dans le polar), il a une passion presque maladive pour tout ce qui touche à la nourriture. Ses repas sont de vrais banquets, et il semble ne pas pouvoir travaiiller correctement s'il n'a pas un estomac bien rempli.
Du côté de l'intrigue, il y a presque deux parties dans le roman. Dans la première, l'équipe patauge un peu dans cette affaire. Il y est question de clandestins noirs, de la volonté de ne pas sortir cette affaire, mais Brunetti a du mal à comprendre en quoi ce meurtre est un danger pour la diplomatie ou la sécurité italienne. D'autant plus que les compagnons de détresse du mort ne sont guère loquaces. Cette première partie, très sociale dans son traitement avec cette affaire des immigrés, est assez intéressante. L'ambiance est lourde, pleine de tensions qui ne demandent qu'à éclater et qui menacent constamment Brunetti et ses collègues.
Puis les pistes s'éclaircissent, et on retombe au coeur de l'affaire. L'intrigue est intéressante, même si un peu complexe, car les enjeux sont très importants. La fin, qui pourrait en frustrer certains, me semble assez réaliste, et correspond bien au caractère peu héroïque de Brunetti.
Une bonne plongée dans cette Venise glaciale du mois de décembre, où les sorties en bateau sont des supplices tellement le froid est cinglant, et qui cadre bien avec cette intrigue très politique. Donna Leon, américaine installée depuis longtemps à Venise, réussit à mêler habilement le lieu, l'intrigue et l'image atypique de ce commissaire.
De sang et d'ébène, de Donna Leon
Traduit de l'anglais par William Olivier Desmond
Ed. Points - Policier