Bon, j'avoue, j'ai eu un faible, il y a quelques années, pour
Le peuple migrateur, de Jacques Perrin. Loin d'être un amateur de volatiles (je baisse toujours la tête lorsque des pigeons s'envolent), j'avais beaucoup aimé ce documentaire, au plus
près des oiseaux et qui permettait de découvrir des espèces insoupçonnées.
Alors, avec la sortie d'Ωcéans, je me suis dit qu'il serait bon de tenter de nouveau l'expérience. Et effectivement, j'ai plutôt bien fait, car cette plongée dans le monde sous-marin fournit des moments assez passionnants, et de forts belles images. Rien que la scène, avec cette mer déchaînée et violente, est saisissante. Et le premier animal que l'on aperçoit est digne des plus inquiétantes espèces préhistoriques. Par la suite, les plongées auprès des cétacés (baleines et autres, je ne saurai les distinguer) sont impressionnantes, tout comme celles avec les requins. Je trouve d'ailleurs dommage, en fin de film, de montrer la cuisine et la manière dont ont été tournées les images, mais ce n'est qu'une remarque mineure. Car le reste de la mise en scène est très réussi, comme la scène du massacre des requins dont on retire la queue et les ailerons avant de les rejeter à l'eau.
Deux scènes marquantes dans ce film : la première est cette attaque en piquée des oiseaux qui cherchent à capturer les poissons. Tels des kamikazes, en moins suicidaires (ce qui, je l'accorde, ne fait plus très kamikazes), ils fondent sur leur proie, et leur regard perdu, sous l'eau, est très bien saisi. L'autre scène est ce combat des crabes. Deux meutes s'embrochent, et un panoramique montre le nombre époustouflant de crabes qui se font la guerre. On se serait cru dans les grandes scènes du Seigneur des anneaux. Et bien sûr, on découvre des espèces, le mode de vie de ces bestioles, et j'ai eu un faible pour les otaries, animaux bien paresseux sur la plage, mais qui doivent sauver leur peau face aux orques.
Mais, car il y a plusieurs mais (je suis d'esprit critique, en ce moment), deux éléments m'ont gêné (je les signale car je ne les avais pas senti dans Le peuple migrateur).
Dès le générique, il y a cette ribambelle de logos d'entreprises toutes plus écologiques les unes que les autres (Fondation Total, Véolia environnement, pour les plus emblémantiques, et celles qui étaient absentes des films précédents), qui me trouble beaucoup. D'accord, elles ont financé le film, mais quel intérêt de les mettre au générique, où l'exposition est maximale.
Et puis il y a la voix off. Jacques Perrin se donne un alter ego, en l'occurrence son petit-fils (cela saute d'ailleurs aux yeux), à qui il raconte l'histoire des océans. Si la dernière scène de mise en abime est très réussie, si même la scène dans le musée peut se justifier, j'avoue que le commentaire m'a d'abord paru inutile puis au fur et à mesure du film lénifiant. Oui, bien entendu, l'homme est à l'origine de la pollution des océans, mais quand on voit un caddie au fond de l'eau, je pense que le spectateur est assez intelligent pour se faire sa propre idée. De plus, j'ai trouvé que les commentaires, qui ouvraient une séquence, étaient superflus : oui, il est difficile de voir dans l'océan car il y fait noir, oui, certaines mers ont été explorées tardivement (et encore, pas forcément pour tout le monde). Bref, j'ai trouvé cette option injustifiée, hormis pour mâcher le travail au spectateur et entrer dans un moule écologique à la mode, que les grandes entreprises ont tout intérêt à promouvoir, car elles savent où sont leurs intérêts. L'idée de Jacques Perrin de montrer le règne animal est ici subverti par des financiers qui en ont fait un film à la mode.
Alors, Ωcéans n'est pas un mauvais film, le travail fourni par les équipes techniques est considérable et impressionnant et les images superbes, mais cette récupération me dérange, profondément. Car ce qui faisait le charme du peuple migrateur (pas de commentaire, si je me souviens bien) disparaît ici sous la coupe des financiers. Même si je m'en doutais un peu, j'en ai malheureusement eu la confirmation.