Le dernier film des frères Coen débute par une scène intrigante et qui donne le ton de tout ce qui va suivre : dans la Pologne de la fin du XIXe Siècle, un couple de paysans juifs reçoit à dîner un homme qui a aidé l'homme de la maison sur le route. Sauf que cet homme est un dibbouk, c'est à dire un revenant pour les juifs. L'épouse, persuadée d'avoir face à elle un esprit malveillant, lui plante un couteau en plein cœur, avant que l'hôte ne passe la porte sur ses deux jambes. Générique.
Ensuite, on découvre la vie de Larry Gopnik, dans les années 1950 : il est américain, père de deux enfants, mathématicien et juif. Alors que sa vie se déroule pour le mieux, entre son pavillon et sa femme, tout autour de lui vacille : sa femme demande le divorce, religieux de surcroît, pour convoler en noces religieusement correctes avec Sy Ableman ; son fils, qui doit faire sa bar-mitsva, est poursuivi par son voisin à qui il doit de l'argent ; son poste à l'université est lié à la décision de la commission de titularisation, au moment où un élève en difficulté essaie d'acheter son diplôme.
Les frères Coen dessinent, avec Larry Gopnik, l'american way of life de la communauté juive dans les années 50. En dépeignant les déboires de la vie de leur héros, tenaillé entre ses incertitudes professionnelles et ses difficultés familiales, ils choisissent vraisemblablement d'évoquer leur propre enfance, tout en conservant l'humour qui est leur marque de fabrique. Si la scène d'entrée donne le ton, avec cette mythologie juive qu'on retrouvera dans tout le film avec notamment les visites de Larry chez les rabbins ou la cérémonie de la bar-mistva, le film est très drôle, en particulier grâce aux deux enfants (et surtout le fils), au voisin d'origine germanique dont le passe-temps favori est d'aller à la chasse avec son fils, ou sa voisine sculpturale qui prend le soleil nue dans son jardin.
Les meilleurs moments sont ceux où Larry est en proie aux cauchemars. D'abord espacés, ils deviennent de plus en plus fréquents, au point qu'on se demande parfois si on se trouve dans la réalité ou dans les méandres de l'esprit de Gopnik. D'ailleurs, Larry est obligé de demander à son frère si la discussion au bord de la piscine a vraiment existé.
A serious man est donc, contrairement à ce que pourrait laisser penser son titre, un film très drôle, assez tendre (ce qui est plutôt neuf chez les Coen, il me semble) et avec lequel on passe un agréable moment. Le tout servi par de très bons acteurs, inconnus pour la plupart (dont Michael Stuhlbarg et notamment un presque sosie de George Clooney en plus vieux, c'est troublant). Un bon crû, donc !