Montag est pompier. Mais à cette époque, la fonction de pompier a changé : d’extincteur de feu, le pompier est devenu le
traqueur de livres, celui qui doit les brûler les uns après les autres, parfois avec leurs propriétaires. Avec l’aide de ses collègues et du limier, machine robotique programmée pour la chasse
aux marginaux, il accomplit sa mission avec zèle. Mais la rencontre avec une jeune fille du voisinage transforme sa vision de la société et de la place de la discussion, des livres, face au
pouvoir des images. D’agent faisant respecter la force et l'ordre, un faisceau d’événements le pousse à devenir un ennemi de la nation…
Fahrenheit 451 est la température à laquelle les livres s’enflamment. C’est le point de basculement vers une société sans mémoire, qui détruit systématiquement les traces écrites de son passé, qui ne jure que par les images qui envahissent les salons (trois des quatre murs de celui de Montag) et asservissent les individus, persuadés d’avoir via leur écran à faire avec une famille. C’est la rupture irrémédiable entre la vie de ceux qui sont dans le rang, acceptant les contraintes posées par le pouvoir, et ceux qui décident de faire face à l’oppresseur, de conserver leurs livres ou de fuir la ville.
Montag va peu à peu voir les joies de l’existence qui lui échappent. Par le biais de cette mystérieuse voisine, qui fait avec lui le trajet entre chez lui et les transports en commun, mais qui disparaît subitement. Surtout, ce sont les comportements de sa femme, obnubilée par les images, et la vision de cette femme qui se suicide en brûlant avec ses livres qui l’incitent à reprendre en main sa vie. Cette transformation passe par une remise en cause professionnelle, mais aussi personnelle, avec le départ de Mildred, son épouse.
Un des personnages les plus intéressants est celui de ce professeur que contacte Montag et qui l’aide à fuir. Cet homme âgé a connu la montée en puissance du régime en place, et a accompagné sans protester le nouvelle politique vis-à-vis des livres. Aujourd’hui, face aux drames créés par celle-ci, il regrette d’avoir laissé faire, de ne pas s’être exprimé plus franchement lorsqu’il le pouvait. Cette manière de se taire, de ne pas oser s’exprimer est symptômatique de tous les régimes dictatoriaux et réactionnaires, mais est également très actuel, notamment face aux mesures de régression sociale du gouvernement en place. Car il est beaucoup plus facile de détruire et opprimer, que de faire le chemin inverse.
Bradbury signe avec ce roman une œuvre accessible et criante de vérité, de laquelle beaucoup d’écrivains se sont inspirés (notamment Jean-Christophe Rufin pour Globalia, livre à la parenté flagrante). Une œuvre importante, à lire et à relire de temps à autre, pour rester conscient et en alerte !
L’avis de Chiffonette
Fahrenheit 451, de Ray Bradbury
Traduit de l'anglais par Henri Robillot
Ed. Folio - SF