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12 août 2009 3 12 /08 /août /2009 10:17

Deuxième rencontre avec David Lodge, après la lecture il y a quelques temps de Nouvelles du paradis. Et cette rencontre fut ma foi bien agréable !

 

Vic Wilcox est directeur d’une entreprise de métallurgie dans l’Angleterre du début des années 80. Confronté à une concurrence accrue, il met tout en œuvre, avec ses collaborateurs, pour tenter de défendre son entreprise, le cœur de sa vie. Robyn Penrose est une jeune universitaire en poste à Rummidge. Elle est adepte des thèses défendues par Lacan et Derrida, et est spécialisée dans la littérature industrielle anglaise du XIXeme siècle et la littérature féminine. Malgré sa spécialisation, elle n’a jamais mis les pieds dans une usine, se contentant de ce qu’en racontent les grands romanciers anglais (Dickens, Brontë, Gaskell, Disraeli,…). Mais sa participation quelque peu forcée à l’année de l’industrie va l’amener à découvrir les entreprises anglaises, puisque qu’elle devient la stagiaire de Vic Wilcox, aussi peu heureux qu’elle de ce mélange des genres. Mais ces deux mondes qui ont peu à partager vont se rencontrer et peu à peu apprendre l’un de l’autre...

 

Jeu de société est un roman déjà ancien de David Lodge. Publié en 1988, l’auteur, par la confrontation du monde universitaire qu’il connaît bien et du monde de l’entreprise, diamétralement opposé, parvient à décrire en creux l’état de la société anglaise en cette période de thatchérisme : des usines qui ploient face à la concurrence étrangère, des ouvriers souvent étrangers qui acceptent des conditions de travail totalement indécentes, une université laissée à l’abandon, en particulier ce qui concerne le domaine de la littérature anglaise. Une société en pleine déliquescence, qui n’est pas sans rappeler la situation française actuelle, à l’heure où les plans de licenciements se mêlent aux grèves des universités.

 

Mais le talent de David Lodge est de faire passer cette description peu favorable dans un roman truffé de scènes hilarantes. Rien que le début du roman vaut le coup d’œil, avec une scène du lever de Wilcox qui rappellera des souvenirs à tous (ou presque), avec un réveil à la sonnerie tant attendue, et une envie de  se rendormir au moment où il sonne ! Toutes les scènes dans la famille Wilcox sont d’ailleurs assez réussies : famille qui a réussi, le must étant la salle de bains contiguë à la chambre et les quatre WC, mais dont le rythme de vie est ennuyeux au possible, comme lors des répétitifs repas du dimanche midi avec le père de Vic. Seule l’invitation de Robyn à l’un des ses repas et la préparation d’avocats donne du piment à ces réunions barbantes, mais hilarantes pour le lecteur.

 

La vie de Robyn est elle aussi mouvementée : sa relation avec Charles, universitaire lui aussi, est en dents de scie, mais leurs retrouvailles sont souvent l’occasion de jeux sensuels bien décrits par l’auteur. Mais leur relation prend du plomb dans l’aile lorsque Charles se pique de devenir banquier, en prenant exemple sur le frère de Robyn, en lui piquant à l'occasion son amie, Debbie, une cruche qui arrive à se faire de l’argent sans trop de soucis. Ce qui n'est pas sans horripiler Robyn.

 

Les rencontres entre les deux mondes sont également très drôles.  L’arrivée de Robyn donne lieu à un premier quiproquo assez révélateur, puisque la venue d’une femme provoque un émoi assez violent dans l’usine essentiellement composée d’homme et où les images de femmes nues trônent sur la majorité des murs. Les écarts entre ces mondes sont très sensibles, même si on sent une similitude face à la crise qui les touche, en opposition avec le milieu bancaire représenté par Debbie. L’évolution des sentiments de Vic pour Robyn donne également lieu à des moments hilarants, comme ces scènes qu’il passe dans sa voiture à écouter des chansons larmoyantes qui évoquent des amours passionés.

 

Jeu de société a vingt ans, mais reste très actuel de par son traitement. On y retrouve bien entendu la plume acerbe et drôle de David Lodge, qu’il teinte ici d’une  coloration sociale tout à fait bienvenue. Une oeuvre plaisante, qui n’épargne ni l’entreprise et sa compétitivité à outrance ni l’université et ses spécialistes qui intéressent quinze personnes, et qui devrait pouvoir satisfaire les goûts d’une majorité de lecteurs.

 

Jeu de société, de David Lodge

Traduit de l'anglais par Maurice et Yvonne Couturier

Ed. Rivages

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commentaires

L
Je l'ai lu à sa sortie et j'avais bien aimé, mais préféré encore "La chute du Brittish Muséum".
Répondre
Y
<br /> Je ne connais pas ce titre là, donc je la note pour une future lecture de David Lodge.<br /> <br /> <br />