Marguerite Duras se souvient. Elle se souvient de sa vie en Indochine, avec une mère distante, qui aimait son frère beaucoup plus qu’elle. Avec un petit frère aimé mais
délaissé par les autres, décédé trop vite. Surtout, elle se souvient de l’histoire d’amour vécue à quinze ans et demi avec son amant, un chinois de Cholen. Plus agé qu’elle, il a été l’homme qui
a éveillé ses sens, qui lui a permis de sortir du milieu familial et du carcan scolaire où elle était vu comme la blanche d’une communauté asiatique.
L’amant est un roman difficile à résumer. Sa dimension autobiographique est évidente, notamment lorsque Marguerite Duras évoque la plantation achetée par sa mère (thème d’Un barrage contre le
Pacifique) ou la déportation de son mari (La douleur). Mais outre ce balaiement d’une partie de son œuvre par les thèmes qui l’irriguent, ce roman est surtout l’occasion de plonger
dans les blessures intimes d’une adolescente, blessures qui seront à la base de la construction de la personnalité de l’auteur.
Les relations difficiles avec sa mère, et encore plus celles avec son frère, cet escroc à la petite semaine à qui sa mère passe tout, sont au cœur de
l’identité de Duras. Mais aussi la difficulté à s’adapter à ce pays indochinois, où elle est mal à l’aise. Blanche parmi les asiatiques ; elle qui veut devenir écrivain, alors que les autres
nourrissent de toutes autres ambitions.
L’écriture de Duras est précise, très évocatrice, notamment de ce paysage et du climat asiatique. Elle arrive à donner du souffle à ce récit étouffant et sensuel. Je retiens notamment le passage
où elle parle d’Hélène Lagonelle, sa camarade blanche de l’internat, qu’elle tente d’initier aux plaisirs de la vie, mais dont elle sent vite la réticence.
Malgré toutes ces qualités, je n’ai pas été complètement emballé par ce récit. C’est un travail personnel intense, qui a très certainement coûté beaucoup à l’auteur, mais je n’ai pas été
constamment accroché par cette histoire. Certains passages sont marquants, la figure du grand frère est apeurante à souhait, mais il m’a manqué un petit quelque chose pour adhérer sans
réserve. Adhésion que Blue Grey a
totalement vécue, ce qui l’a décidé à en faire un maillon de l’illustrissime Chaîne des livres.
Les avis d’Emmyne (comme elle, je pense que je le relirai plus tard, après une
lecture des autres romans de Duras, dont je n’avais jusqu’à présent lu que Moderato Cantabile, livre qui m’avait beaucoup plu, par ailleurs), Argantel
(insensible à cette Duras-là)
L'amant, de Marguerite Duras
Ed. de Minuit