Ben Harper est en prison, sur le point d’être pendu. La raison de sa condamnation : le vol de 10 000 dollars,
qu’il a eu le temps de confier à ses enfants, John, 9 ans et Pearl, 5 ans. Mais dans sa cellule, Ben Harper laisse entendre à son compagnon, un homme qui se présente comme un représentant de
Dieu, que l’argent est facilement récupérable. Attiré par cette manne inespérée, Prêcheur, comme on le surnomme, va à sa sortie de prison se rapprocher de Willa Harper, la veuve, et essayer de
faire parler les enfants, bien plus lucides que la majorité des adultes sur les intentions du nouveau venu…
La nuit du chasseur est un roman écrit par Davis Grubb. Sous des traits de roman policier, voire de thriller, l’auteur nous fait vivre un conte. Dans cette histoire, l’action se centre autour de deux protagonistes essentiels : John et Prêcheur.
John est un jeune garçon, qui rêve de pêche avec son oncle Birdie Steptoe et qui est prêt à tout pour tenir la promesse qu’il a fait à son père, celle de ne divulguer à personne l’endroit où l’argent est caché. Malgré son jeune age, John fait preuve d’une maturité étonnante, ce qui les aidera dans cette période sombre. Maturité qui disparaît totalement chez Willa ou chez les Spoon, les voisins.
Mais le personnage central est Prêcheur. Homme mystérieux et inquiétant, guidé par Dieu, il possède sur ses contemporains un pouvoir qui leur fait perdre tout libre arbitre. Ainsi, Willa se présente elle-même comme une prostituée de Babylone devant les paroissiens de Cressap, persuadée par son nouveau mari d’être la cause de la mort de Ben Harper. Les arrivées de Prêcheur sont toutes synonymes de dangers, que ce soit pour les enfants ou pour les autres personnages. Cet homme, qui a inscrit sur ces mains les mots LOVE (main droite) et HATE (main gauche), est d’une cupidité à faire peur, le tout dissimulé derrière la foi intransigeante dont il fait preuve même pendant sa lune de miel.
Les personnages secondaires sont également intéressants : les Spoon montrent la naiveté d’une partie de la population, facilement menée en bateau par Prêcheur. Birdie Steptoe est un alcoolique invétéré, brisé par un chagrin amoureux, et ne pourra pas se rendre utile quand John et Pearl auront besoin de lui. Surtout, il y a la figure maternelle de Miss Cooper, qui recueille les enfants après leur fuite sur le fleuve. Femme au caractère bien trempé, elle élève les enfants qu’elle trouve au bord du chemin. Et elle sera la seule, avec John, à tenir tête à Prêcheur. Ruby, l’une des filles qu’elle héberge, incarne l’adolescente attirée et pervertie par les lumières de la ville. D’où l’aspect conte évoqué au départ, sur la sortie de l’enfance, où chacun occupe une place bien définie dans le roman.
Si l’histoire est prenante, j’ai néanmoins été gêné dans ma lecture par le style de Davis Grubb (ou du traducteur, je ne saurai trancher), très haché, trop saccadé pour permettre une lecture fluide.
La nuit du chasseur a bien entendu été adapté au cinéma par Charles Laughton, dont c’est le seul film (comme quoi les coups d’essai peuvent donner lieu à de belles réussites). Robert Mitchum incarne un terrible Prêcheur, inquiétant à souhait. Surtout, il y a un travail très intéressant sur la lumière, sur les jeux d’ombres, comme avec le chapeau de Prêcheur. Je retiens la très belle scène où John, depuis une grange, voit sur la crête Prêcheur sur un cheval. Et les passages sur le fleuve, qui donnent lieu à de très jolies séquences.
La nuit du chasseur, de Davis Grubb
Traduit de l'anglais par Guy Le Clech
Ed. Folio - Policier