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24 février 2009 2 24 /02 /février /2009 07:39

Jonas est un adolescent paumé. Elève médiocre, on lui propose une orientation en filière professionnelle, qu’il refuse. Et il est obligé de prendre du recul par rapport à sa passion, le tennis, car il n’arrive pas à gérer son stress. Avec des parents démissionnaires, son seul salut passe par l’intérêt que lui porte les amis de sa mère, Pierre, Didier et Nathalie. Mais cet intérêt dépasse largement le seul cadre scolaire, chacun essayant de faire part à Jonas de ses propres expériences, parfois très intimes.

 

Joachim Lafosse, déjà réalisateur de Nue propriété, signe un film troublant et assez dérangeant. Troublant, car on suit la vie de ce jeune homme, dans une phase d’apprentissage, de transformation, avec toutes les interrogations liées à cette époque de changement. Jonas, garçon paumé, obligé de se prendre en main, n’a pas la maturité pour faire face aux épreuves qui l’attendent.
 

 

Surtout, ce film est dérangeant à cause de l’attitude des adultes. La mère de Jonas est loin de chez elle pour des raisons qui ne sont jamais explicitées, son père en veut à son ex-épouse d’avoir dû lui laisser la maison et ne souhaite pas servir de pompe à fric. Mais au-delà des seuls parents, c’est surtout l’attitude des amis qui est troublante. Le premier repas auquel on assiste donne le ton : Nathalie interroge Jonas sur ses expériences sexuelles, en l’incitant à passer à la pratique. Et tout du long du film, Jonas raconte à ceux qu’il considère comme ses amis sa relation avec Delphine.

Ce qui est difficile dans ce film est de cerner les raisons pour lesquelles ces adultes troublent cet adolescent. En fait, ils ne cherchent pas à le troubler volontairement : leur but est de transmettre à Jonas leur expérience, de lui faire part des étapes par lesquels ils sont passés, et qu’ils voudraient lui faire éviter. Inévitablement, Jonas grandit trop vite, ne passant pas les étapes que chaque adolescent rencontre, et est désorienté. C’est donc toute une réflexion sur la transmission, sur le rôle des adultes vis-à-vis des plus jeunes que mène ici Joachim Lafosse. Et c’est cette manipulation inconsciente qui est vraiment l’élément dérangeant du film, et non ce qui se produit par la suite, lorsque les adultes vont au bout de leur apprentissage. Car si Jonas est perdu, ces adultes se révèlent rapidement victimes de cette situation trouble.

Le film est donc très fort sur son sujet, et admirablement servi par de très bons acteurs. Le jeune Jonas Bloquet, dont c’est le premier film, est de tous les plans et incarne de manière très forte cet adolescent paumé, aux rires nerveux et aux illusions perdues. Pour les adultes, on retrouve Yannick Rénier, qui a déjà tourné avec Joachim Lafosse pour Nue Propriété, sa compagne à la ville et à l’écran Claire Bodson, et surtout Jonathan Zaccaï. Longtemps présenté comme un jeune prometteur, il est ici d’une maturité surprenante, dans ce rôle d’un cadre du privé finalement aussi perdu que Jonas.

Ce n’est pas un film facile qu’Elève libre, mais qui permet d’aborder de manière frontale les questions relatives à la transmission, à la déception, à la perte d’illusions. Joachim Lafosse confirme donc avec ce film tout le potentiel repéré dans le déjà troublant Nue propriété, qui analysait une famille en décomposition (avec Isabelle Huppert, Jérémie Rénier, Yannick Rénier et Patrick Descamps, entre autres). Un film dont l'aspect troublant reste dans l'esprit, tout en évitant le vulgaire gratuit. Ce qui est une vraie performance !

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commentaires

J
Hi, hi, oui Florence j'avoue j'ai un peu lancé cette perche à ton intention...
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Y
<br /> Ca va devenir un vrai salon privé, ici ;-)<br /> <br /> <br />
F
"à montrer à tous les profs" : zut, je l'ai pas vu, celui-là ! Le billet et les commentaires font envie en tout cas. Je vais essayer de combler cette lacune ;-)
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J
Au début du film Jonas n'est pas dans une réussite scolaire fabuleuse, mais il n'est pas non plus paumé : capable d'endurance pour le tennis, il détermine assez rapidement ce qu'il veut faire. C'est important parce que le film en fait tout sauf une victime. De même que la mise en scène et la fin du film. En tout cas, elles libèrent le film d'un positionnement trop simple : Jonas, lucide sur le désarroi des adultes et sur la manipulation qu'il a subie, impose au personnage interprété par Zaccaï de continuer la formation commencée, et passe son diplôme. C'est la première fois au cinéma que la relation d'une transmission rend justice à ce point à chacun ses acteurs...à montrer à tous les profs!
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Y
<br /> J'ai hésité à dire que Jonas est paumé, car c'est un peu fort. Il n'empeche qu'on lui propose une orientation scolaire qu'il ne veut pas et que son reve de devenir joueur de tennis professionnel<br /> tombe à l'eau. Par la suite, il arrive très vite à savoir où il veut aller, et il s'en donne les moyens.<br /> Jonas n'est pas une victime, je suis d'accord avec toi. Il se rend vite compte du profit qu'il pourra tirer de ces expériences, qu'il va d'ailleurs tenter de reproduire avec Delphine. Il est<br /> surpris au premier abord, puis devient actif dans cette acte de transmission transgressif. Et le retournement final indique bien que le manipulé n'est pas celui qu'on croit !<br /> Je te remercie de ce commentaire, qui m'a permis de clarifier mon propos !<br /> <br /> <br />
Y
J'ai très envie de voir ce film, mais il n'est joué nulle part dans le département ! C'est affligeant ! Une phrase de ton billet :"Jonas grandit trop vite, ne passant pas les étapes que chaque adolescent rencontre " : est-ce que ça ne serait pas plutôt, "chaque étape que l'adolescent devrait rencontrer", i.e. les étapes que les adultes espèrent que les adolescents vont passer pour devenir adultes ? En tout cas, c'est un film qui interroge et ça me plait.
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Y
<br /> Dommage que ce film ne passe pas près de chez toi, car tu manques quelquechose, si tu aimes les films qui interroge.<br /> Sur ta reformulation, je dirai qu'elle est meilleure que le mienne, meme si elle n'apporte qu'une nuance : en fait, les adultes essaient d'éviter à Jonas les diverses étapes rencontrées par les<br /> adolescents lors de leur passage à l'age adulte. Après, l est évident que tous les adolescents ne vivent pas les memes étapes, ni surtout aux memes moments.<br /> <br /> <br />