Une petite bourgade de Nouvelle-Angleterre attend impatiemment l’arrivée du nouveau révérend. Mais deux candidats se présentent : le révérend Bloom et le révérend Burton. Malheureusement, aucun des deux ne satisfait vraiment la population du village : le premier est un juif converti, le second est une femme. Les deux révérends, d’abord concurrents, vont pourtant se soutenir lorsqu’ils vont découvrir les activités de ce paisible village…
Depuis quelques temps, j’ai décidé de me remettre à lire du théâtre. Si je ne parle pas de toutes les lectures théâtrales ici (car il est parfois difficile de parler d’un écrit qui a pour but d’être mis en scène), il existe de nombreux textes qui se suffisent presque à eux-mêmes. C’est le cas de cette pièce de Slawomir Mrozek, auteur polonais présenté comme un homologue de Kundera.
Ici, le texte se suffit car le rythme de la pièce est assez fort, les dialogues assez percutants pour imaginer facilement ce que pourrait donner une mise en scène. Les personnages sont hauts en couleur, et la galerie des personnages secondaires très intéressante. Les deux personnages principaux sont bien entendu les deux révérends, qui font tout pour que l’autre abandonne sa volonté de récupérer le poste, avant de se rendre compte qu’ils sont entourés de paroissiens tous aussi délirants les uns que les autres. Mrs Simpson, la paroissienne la plus fervente, se révèle rapidement être la plus intégriste du groupe. Et il y a les jeux de pouvoir de Mr Wilkinson et de Thomas, qui veulent acheter la confiance du nouveau révérend afin qu’il donne son accord pour leurs activités rémunératrices. Tout ce petit monde, ébloui par la foi religieuse et l’appât du gain, ne voit pas le danger que représente Chuck, jeune sataniste qui sillonne les rues avec ses pancartes et ses bombes.
J’ai apprécié la lecture de cette courte pièce absurde. Sur un postulat comique, celui du choix d’un révérend qui choque les conventions bourgeoises des paroissiens, Slawomir Mrozek parvient à changer subtilement de cap pour en faire une charge contre le détournement des principes religieux pour des buts lucratifs. L’air de rien s’installe une mécanique tout à fait intéressante, qui mêle le fond (les enjeux religieux, la dénonciation des conventions) et la forme (les coups de théatre, les idées scéniques).
La pièce s’est jouée en 2005 à Paris, mais je guetterai pour savoir si des troupes auraient l’idée de mettre en scène cette œuvre.
Les révérends, de Slawomir Mrozek
Traduit du polonais par Gilles Segal
Ed. Avant-Scène Théâtre