Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan, est un homme amoureux. La vie conjugale avec son épouse se déroule pour le mieux, et deux enfants naissent de leur union. Mais l’avenir du couple s’assombrit : d’abord des problèmes financiers, puis surtout l’intérêt que Louis XIV porte à la marquise de Montespan, qu’il introduit à la Cour. Débute alors pour le marquis une période de cauchemar : ne voulant pas laisser sa femme entre les mains du Roi qui l’utilise pour son bon plaisir, il fait tout pour tenter de la récupérer. Jusqu’à se faire exiler dans son château des Pyrénées, qu’il n’a pas le droit de quitter…
Jean Teulé quitte le monde des poètes, mais conserve l’aspect historique qui est une des forces de ses romans. Voici donc le lecteur plongé dans la seconde moitié du XVIIe Siècle, période de construction du Château de Versailles, mais aussi période où la courtisanerie atteint des sommets. Cette description de la courtisanerie ne se fait néanmoins qu’en creux, puisque le personnage principal du roman, que nous suivrons au fil des pages, est le Marquis qui donne son titre à l’ouvrage.
Le trait de caractère le plus frappant chez Louis-Henri est son amour pour sa femme. Lorsqu’ils vivent ensemble, ils profitent de chaque instant pour s’offrir un instant de plaisir. Ce qui donne lieu à des descriptions très imagées telles que Jean Teulé les affectionne. Par amour, et pour refuser la misère, il va tenter de gagner de l’argent lors de campagnes militaires, mais ses deux tentatives seront de lamentables échecs, qui le voient revenir plus pauvre qu’il n’était.
C’est également un homme qui décide de braver la toute-puissance du roi. Son statut de mari trompé lui donne l’occasion de l’afficher au vu et au su de tous, puisqu’il décore son carrosse et ses armoireries de cornes. Il brave également le roi en s’introduisant chez la nourrice qui garde les enfants nés de l’union entre celui-ci et la Montespan. Ce qui lui vaut quelques jours de cachot, puis cet exil dans les Pyrénées, où il s’éloigne de la Cour mais continue à penser à sa femme.
Sous couvert d’une aventure romanesque, Jean Teulé en profite pour faire entrer son lecteur dans la saleté de l’époque. Alors que l’image souvent véhiculée est celle des arts et du faste, il présente ici un monde sale, avec des prostituées malades, des cachots horribles et surtout une Cour où l’hygiène est loin d’être la première préoccupation. D’où un dégoût qui peut apparaître lorsque Teulé décrit certaines pratiques sexuelles du Roi, bien plus enclin à couvrir sa maitresse de bijoux que de prendre soin de son corps. Et que dire des courtisanes qui laissent derrière elles la trace de leurs déjections, puisqu'il est tellement simple de faire sous sa robe !
Ce roman est également l’occasion de plonger dans le monde des aristocrates pauvres, comme l’est le marquis de Montespan. On assiste ainsi à la ruine de son château, qu’il est incapable de rénover. Et il dépeint également les mœurs de la Cour, avec ses faveurs, ses rejets, ses codes. Le tout avec l’humour qui caractérise l’écriture de Jean Teulé, et sa manière très enlevée de raconter des épisodes parfois peu glorieux.
J’ai donc passé un bon moment avec ce marquis de Montespan, pitoyable et affectueux, qui refuse de céder au chantage mais qui perd tout ce qu’il possède, même sa femme et son fils, qui devient un courtisan dès son plus jeune âge (il obtiendra d’ailleurs par la suite une chaussée à son nom, la Chaussée d’Antin). Mais j’ai tout de même une nette préférence pour Je, François Villon, liée notamment au personnage hors norme du poète et à l’époque médiévale plus mystérieuse que cette seconde partie du XVIIe Siècle.
Quelques avis sur ce roman : Fashion, Ys, Cuné, So...
Autres romans de Jean Teulé : Je, François Villon ; Le magasin des suicides (Sélection du prix Biblioblog 2008)
Le Montespan, de Jean Teulé
Ed. Julliard