Voilà un
premier film, loufoque et angoissant, signé Ursula Meier, qui vaut vraiment le coup d’œil.
Marthe et Michel, avec leurs enfants Judith, Marion, Julien habitent une maison au bord d’une autoroute dont la construction est annoncée depuis dix ans. Il mène une vie réglée, la mère au foyer avec l’aînée qui passe son temps à paresser au soleil, les deux plus petits à l’école et la mari qui travaille. Mais ce qui devait arriver arrive : l’autoroute, dont l’ouverture a été maintes fois repoussée, est inaugurée. La vie devient infernale, mais la petite refuse de quitter sa maison…
Cette idée de scénario, assez loufoque, est prétexte à un film fort ben mené. Dans un premier temps, on a l’impression de vivre avec une famille normale : les enfants se chamaillent dans la baignoire, les parents s’aiment. Il y a quand même cette route, qui passe près de la maison, et dont la construction a été abandonnée. Puis on passe dans le registre de la stupeur : la construction longtemps fictive devient réalité. Chacun se rend compte de ce que cela implique, et si le ton est d’ailleurs à la plaisanterie et au jeu pour savoir de quelle couleur sera la première voiture, on passe rapidement à celui de l’angoisse liée à cette nouvelle contrainte.
Le grand mérite d’Ursula Meier est d’avoir mené sa barque jusqu’au bout. Là où beaucoup de scénaristes ou de réalisateurs abandonnent leur idée de départ au milieu du film, ce qui donne souvent des choses bancales, elle décide d’aller au bout de la logique de cette histoire. Et on passe de cette ambiance de famille à celle de l’angoisse et de l’irrationnel, qui pousse cette famille à s’enfermer au lieu de fuir. Et si l‘image de la famille semble modèle (la mère qui « fait du blanc »), les fêlures apparaissent très vite.
Si le scénario tient parfaitement la route, les acteurs sont également formidables. Olivier Gourmet est un père aimant mais lâche, qui cède à sa femme là où il devrait réagir. Une femme merveilleusement interprétée par Isabelle Huppert, entre normalité de mère de famille et névrose liée à son attachement pour cette maison. Les trois enfants sont également criants de vérité, avec une mention pour le jeune Kacey Mottet, très juste et souvent très drôle. Et le film donne également lieu à quelques scènes mémorables : Olivier Gourmet qui triomphe sur un réfrigérateur installé sur le toit de sa voiture ou Isabelle Huppert qui fait de la trottinette en talons ou qui fait des moulinets avec son bras pour jeter de l’autre coté de l’autoroute le goûter des enfants.
C’est une très belle découverte que ce premier film, qui ne fait pas dans la facilité, mais qui grâce à un scénario solide et des acteurs très bons, parvient à tisser son chemin pendant plus d’une heure et demie. Malheureusement, il est actuellement visible dans peu de salles (moins d’une dizaine à Paris par exemple) et je vous conseille de faire l’effort s’il ne passe pas loin de chez vous.
L’avis de Laetitia