Un homme,
dans une prison. Il n’est pas enfermé, il donne des cours de littérature aux prisonniers. Cet homme, c’est Philippe Claudel qui narre son expérience de professeur en prison. Sous formes de courts
passages (de quelques lignes à deux pages), il raconte les anecdotes, les impressions, les souvenirs qu’il a de cette période, révolue au moment de l’écriture.
Sur la forme, cela m’a beaucoup fait pensé à Journal du dehors, d’Annie Ernaux. Sur le fond, il y a une différence, qui est le cadre restreint que se donne Claudel : il ne parle que de la prison et de ce qui s’y passe. Au maximum s'aventure-t-il dans le troquet en face de la porte. Il parle de la situation des détenus, des histoires de ces individus qu’il voit de temps à autre, jusqu’à leur prochain transfert, subitement, parfois au milieu d’un cours.
La première partie de ce petit ouvrage est une description du milieu carcéral vu par un intervenant extérieur. La surprise face à la découverte de ce monde si particulier, la vie en groupe imposée, une intimité perdue, l'invasion subie de la télévision. Puis, peu à peu, le narrateur s’immisce dans la description et apparaît de plus en plus proche de ce qu’il vit. L’ouvrage gagne en intensité au fil des pages, par l’implication progressive de l’auteur dans l’écriture. Implication dans la narration qui traduit la difficulté croissante à prendre ses distances avec cette activité.
Le lecteur y sent la détresse d’un individu face à un monde inconnu et parfois hostile. Détresse qui peut aller jusqu’au refus de donner son cours pour rester dans sa voiture, à la porte de la prison. Ou comment une activité que je présume bénévole peut avoir des conséquences visibles sur la santé d’un individu.
En moins de cent pages, Philippe Claudel parvient donc à rendre l’ambiance de ce lieu, qui a été à la fois source d’enrichissement personnel et apprentissage de la peur. Lieu qu’il finit par quitter définitivement, pour ne pas souffrir plus longtemps…
Le bruit des trousseaux, de Philippe Claudel
Ed. Stock