Suite
aux différentes attaques subies par la malheureuse Princesse de Clèves (qui non seulement vit un
tourment sentimental terrible depuis plus de trois siècles, mais est en plus contrainte d’entendre les cris d’orfraie de l’Omniprésident), Christophe Honoré a décidé de répondre aux questions
présidentielles. Après avoir envisagé un film en costumes, il a transposé l’action au début du XXIeme, dans l’aristocratie d’aujourd’hui : le XVIeme arrondissement de Paris.
Junie arrive au Lycée Molière un matin d’automne ou d’hiver (en tout cas, il fait froid). Elle débarque en
milieu d’année dans une classe où elle ne connaît que son cousin, Matthias. Elle trouve l’amour en la personne d’Otto, jeune adolescent timide qui se tient un peu à l’écart du groupe. Mais Mr
Nemours, professeur d'italien habitué des conquêtes d'adolescentes, s’éprend de la nouvelle arrivante. Et cet amour impossible est malheureusement réciproque…
On reconnaît de loin la trame de la Princesse de Clèves dans ce film (somme toute assez classique
aujourd’hui) : une jeune femme est amoureuse d’un homme de son âge, et refuse l’amour interdit par les conventions (ici, la relation professeur / élève). La transposition au cœur du XVIeme
arrondissement est plutôt bien trouvée, dans ce lycée vétuste qui sent le poids de l’histoire.
Mais Christophe Honoré impose sa patte sur le film. D’ailleurs, sa vision de
Junie me parait très loin de celle que j’ai eu lorsque j’ai lu le roman. Si la Princesse est tourmentée à cause de cet amour impossible, je ne la vois pas comme une femme effacée, timorée, qui
subit les actions sans trop de passion. Autant les garçons sont bien rendus dans le film avec un bon Louis Garrel, qui fait très bien ce qu’il sait faire (Quand va-t-il jouer un ouvrier en
bleu ?), Grégoire Leprince-Ringuet qui tient également bien le rôle d’Otto et surtout un Matthias très intéressant (Esteban Carvajal Alegria), autant les personnages féminins m’ont
laissé sur ma faim. Léa Seydoux en femme impassible et qui intériorise le tourment ne m’a pas convaincue. Le seul rare moment où elle prend de la dimension est le moment où elle sourit,
lorsqu’elle croise Chiara Mastroianni.
Honoré met sa patte aussi par l’intrusion d’un passage chanté, comme dans
son précédent film Les Chansons d’amour. Il y a enfin cette autre histoire d’amour, plus actuelle mais aujourd’hui relativement moins impossible, entre Matthias et Martin. Il y a tout de même une
insistance à faire des parallèles avec d’autres histoires d’amour difficiles trop appuyée (Lucia de Lammermoor notamment, dont l’histoire rappelle beaucoup celle de la
Princesse).
Au final un film plaisant, qui vaut surtout pour ses garçons, mais qui a
aussi eu le mérite de m’avoir donné envie de relire le roman de Mme de La Fayette ; et je crois que c’était un des objectifs recherchés par Honoré. De ce point de vue là, c’est
réussi !!!