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7 septembre 2008 7 07 /09 /septembre /2008 08:50

Un homme (il me semble qu’on ne sait jamais son nom) décide de se couper la moustache, et d’en faire la surprise à Agnès, sa femme. Malheureusement, sa surprise tombe à l’eau : Agnès ne remarque pas que la moustache a disparu. Alors qu’il croit que sa femme lui fait une blague, il réalise qu’il y a vraiment un problème lorsque ses amis et collègues ne lui font aucune remarque. Il va alors tout mettre en œuvre pour se persuader qu’il n’est pas fou…

 

Emmanuel Carrère, dans ce roman, nous plonge aux limites de la folie : à aucun moment, le lecteur n’est capable de dire qui d’Agnès ou de l’homme à la moustache a raison. Les arguments de l’un et de l’autre se succèdent, s’appuyant sur photos, témoignages d’amis et poils de moustache retrouvés dans la poubelle. Le flou est d’autant plus présent qu’Agnès a des précédents de mythomanie, ce qui n’aide pas l’homme à découvrir la vérité.

 

Cette question omniprésente de la vérité empêche de réfléchir, l’ancien moustachu étant obnubilé par la disparition passée inaperçue de sa moustache. Il est pris dans un tourbillon de pensées, échafaude des scénarii invraisemblables pour donner une explication rationnelle à ce qu’il prend pour un complot. (ce qui lieu à quelques pages d’une très belle intensité)

 

La deuxième partie de l’ouvrage n’apporte pas non plus de réponses. Alors que l’homme fuit à Hong-Kong pour échapper à ses proches, il vit de manière fantomatique dans cet univers inconnu, jusqu’à ce que sa femme le retrouve de manière totalement inattendue : elle n’a en effet aucun moyen de le contacter, et son arrivée constitue une nouvelle source d’interrogations. La fin du roman est très difficile, et je pense que ce sont les pages les plus terribles que j’ai lues depuis longtemps (j’ai vraiment eu du mal à aller au bout, et les énucléations de Françoise Guérin ou les tortures de Villon sont (presque) de la rigolade à coté !!!).

 

Une belle lecture, qui met dans un trouble qu’il est assez difficile de faire disparaître.

 

A noter que ce livre a été adapté au cinéma par Emmanuel Carrère lui-même, avec deux acteurs extraordinaires (Emmanuel Devos et Vincent Lindon), et dont il a délibérément transformé la chute. Mais il n’apportent pas non plus de réponse à toutes les questions posées par ce roman !

 

Du même auteur : Un roman russe

 

La moustache, d'Emmanuel Carrère

Ed. P.O.L

 

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commentaires

B
Salut Yohan,Je t'avais bien dit à ton anniversaire que j'avais quelques commentaires à faire sur tes lectures et autres voyages culturels. Voici le premier. Je me souviens de ce film joliment mené et impeccablement interprété. Je me suis faite ma propre lecture de cette fameuse moustache...J'ai pris la moustache comme le symbole d'un trait de caractère du personnageprincipal interpété par Vincent Lindon, ça peut partculièrement être un défaut (radinerie,curiosité...). Et vous avez alors l'histoire sous un nouvel angle : prenons par exemple la radinerie. Vincent Lindon décide de afire attention à ne plus être radin, il leur parle à sa femme qui lui répond qu'il n'a jamais été radin. Ses amis ont la même réaction. Finalement, il découvre que ses proches ne le connaissaient pas vraiment et décide de les quitter et de s'exiler en Asie.
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Y
<br /> Salut Béa, et ravi de te rettrouver dans ces pages.<br /> <br /> Premier commentaire très intéressant sur cette oeuvre surprenante de Carrère. Je n'avais pas interpreté cela de cette façon, mais elle se défend. Elle est d'autant plus défendable que dans le<br /> roman, la fin est plus radicale, et ne se limite pas à l'exil en Asie. Et le roman, comme le film, sont deux belles réussites !<br /> <br /> <br />
K
Pire que les tortures de Villon?? Arghhh... j'étais tentée pour le côté "limites de la folie" mais je crois qu'après ça, je vais passer mon tour.. il y a des limites à ce que je suis capable de lire!
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Y
<br /> @ Laetitia : le livre est aussi troublant que le film.<br /> <br /> @ Karine : il n'y a vraiment que la dernière page que j'ai trouvé insupportable, car très détaillée.<br /> L'ensemble du livre parle de torture psychique, et ne donne pas lieu à des scènes terribles. Mais c'est vrai que dans Villon, les scènes de toture sont aussi éprouvantes. Mais elles m'ont moins<br /> choqué, peut-être àcause du décalage dans le temps, et surtout de l'écriture de Teulé, qui arrivé à introduire de la distance dans son texte, ce que ne fait pas Carrère.<br /> <br /> <br />
L
Je ne l'ai pas lu mais j'avais beaucoup aimé le film ! Je ne me souviens d'ailleurs pas précisément de la fin si ce n'est que c'était aussi confus que surprenant ;-)
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